Samedi soir, l’armée israélienne a affirmé concentrer désormais ses opérations sur le centre et le sud de Gaza, après trois mois de guerre qui lui ont permis, selon elle, de défaire le Hamas dans le nord de ce micro-territoire palestinien d’environ 2,4 millions d’habitants.
«Nous avons achevé le démantèlement de la structure militaire du Hamas dans le nord de la bande de Gaza (...) Nous nous focalisons désormais sur le démantèlement du Hamas dans le centre et le sud de Gaza», a déclaré le porte-parole de l’armée israélienne Daniel Hagari.
Tôt dimanche, des témoins ont fait état de frappes aériennes israéliennes à Khan Younès, principale ville du sud de la bande de Gaza et nouvel épicentre des bombardements, l’agence palestinienne Wafa dénombrant de nombreux morts et blessés. Et en Cisjordanie occupée, où le Hamas n’est pas représenté, un raid israélien a fait six morts dimanche à Jénine, selon le ministère de la Santé de l’Autorité palestinienne.
L’ONG Médecins sans frontières (MSF) a annoncé dans la nuit avoir évacué son personnel d’un hôpital du centre de Gaza. «La situation est devenue si dangereuse que certains membres de notre équipe vivant dans le quartier n’étaient même pas en mesure de quitter leurs maisons en raison des menaces constantes des drones et des snipers israéliens», a déclaré sur X Carolina Lopez, coordonatrice des services d’urgence de MSF à Gaza.
L’attaque du Hamas le 7 octobre en Israël a fait 1.140 morts, essentiellement des civils, selon un décompte de l’AFP à partir du bilan israélien. Environ 250 personnes ont été enlevées dont une centaine libérées lors d’une trêve fin novembre.
Les bombardements et les opérations terrestres de l’armée israélienne dans la bande de Gaza ont fait 22.722 morts, essentiellement des civils, et majoritairement des femmes, des enfants et des adolescents, et plus de 58.000 blessés, selon un dernier bilan du ministère de la Santé du Hamas. En Cisjordanie occupée, plus de 320 Palestiniens ont été tués par les soldats ou les colons israéliens depuis le 7 octobre.
«Nous en avons assez !»
Des manifestants anti-gouvernementaux israéliens se sont rassemblés samedi soir à Tel-Aviv, appelant à des élections anticipées et à la démission du gouvernement. «Nous en avons assez! Le gouvernement est une bande d’idiots. Ils nous mènent vers un endroit horrible. Ils nous mènent vers un avenir innommable. Bibi Netanyahu et tous ses autres idiots sont en train de ruiner Israël et de détruire tout ce que nous espérions et rêvions», a déclaré sur place à l’AFP Shachaf Netzer, 54 ans.
Dans le cimetière du quartier d’al-Tuffah, dans la ville de Gaza, des Palestiniens ont ré-enterré samedi des corps exhumés de leurs tombes dans cette zone où l’armée israélienne mène une offensive terrestre depuis fin octobre. Des corps exhumés, dans leur sac mortuaire, sont visibles au milieu de monticules de terre et de stèles renversées, le sol portant encore des traces de chenilles.
Au milieu d’une nuée de mouches, une petite dizaines d’hommes, portant des gants et des masques chirurgicaux, s’affairent à les mettre à nouveau en terre. «Nous avons été surpris de voir les corps exhumés» samedi matin, a raconté à l’AFP un des hommes. Il accuse l’armée israélienne d’être passée avec «un bulldozer» et d’avoir «roulé sur des corps».
«Nous sommes en train de récupérer les corps présents dans le cimetière (...), nous n’en avons identifié que quelques-un», ajoute-t-il, dénonçant des «actes barbares qui ne respectent aucune religion ni droits humains». Samedi matin, le Hamas a accusé dans un communiqué l’armée israélienne d’avoir «détruit 1.100 tombes» de ce cimetière et «dérobé 150 corps de martyrs récemment enterrés» vendredi. Contactée par l’AFP, l’armée israélienne a déclaré vérifier ces affirmations, sans plus de commentaire.
D’après l’ONU, l’offensive israélienne a rasé plus de 50% des habitations et des infrastructures dans la bande de Gaza et déplacé 1,9 million de personnes, soit près de 85% de la population. Entassée dans une zone exiguë dans le sud du territoire palestinien, qui n’est pas épargnée par les frappes israéliennes, la population vit dans une pénurie critique d’eau, de nourriture, de médicaments et de soins, avec des hôpitaux pour la plupart mis hors service par les bombardements et le manque de carburant.
Au point que Gaza est «tout simplement devenue inhabitable», «un lieu de mort et de désespoir», et ses habitants «font face à des menaces quotidiennes sous les yeux du monde», a déploré ce week-end le coordinateur des affaires humanitaires de l’ONU, Martin Griffiths.
Les échanges de tirs quasi-quotidiens entre le Hezbollah libanais et les forces israéliennes ont fait 181 morts au Liban, dont 135 combattants du mouvement chiite, selon un décompte de l’AFP. Ces tensions vont crescendo depuis la mort près de Beyrouth du numéro 2 du Hamas, Saleh al-Arouri, dans une frappe aérienne attribuée à Israël. En Syrie et en Irak, l’armée américaines a mené plusieurs frappes aériennes après des attaques contre des bases militaires des États-Unis, tandis que les rebelles Houthis au Yémen perturbent le trafic maritime en mer Rouge en y attaquant des navires «en soutien» aux Palestiniens de Gaza.
Intense séquence diplomatique
Pendant ce temps, le secrétaire d’État américain Antony Blinken poursuit ce dimanche en Jordanie une intense séquence diplomatique au Moyen-Orient, après s’être entretenu samedi à Istanbul avec le président turc Recep Tayyip Erdogan, appelant à éviter à tout prix une extension du conflit dans la bande de Gaza. Il doit avoir des entretiens avec le roi de Jordanie Abdallah II.
Lors d’une brève allocution samedi soir sur le tarmac de l’aéroport de La Canée en Crète, en Grèce, il avait affirmé que «l’une des véritables préoccupations est la frontière entre Israël et le Liban et nous voulons faire tout notre possible pour nous assurer qu’il n’y ait pas d’escalade», a-t-il ajouté.
M. Blinken, dont le pays est le premier soutien politique et militaire d’Israël, a aussi insisté sur le caractère «impératif» d’accroître l’aide humanitaire à la population palestinienne de Gaza, «de réduire le nombre des victimes civiles, de travailler à une paix régionale durable et d’avancer vers l’établissement d’un État palestinien».
Ce qui se passera dans la période d’après-guerre sur la reconstruction à Gaza et sa gouvernance seront également au centre des entretiens du chef de la diplomatie américaine avec ses partenaires arabes, qui réclament avant tout à ce stade un cessez- le-feu durable.
Après la Jordanie, M. Blinken s’envolera pour le Qatar, et achèvera la journée à Abou Dhabi, avant de se rendre lundi en Arabie saoudite, puis en Israël où il s’attend, de son propre aveu, à avoir des conversations qui ne seront «pas faciles».