Les combats et les bombardements se sont poursuivis samedi à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, notamment aux abords des deux principaux hôpitaux de la ville, Nasser et Al-Amal. À l’hôpital Nasser, «à court de carburant, nourriture et fournitures», il reste «actuellement 350 patients et 5.000 personnes déplacées», a décrit Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), appelant de nouveau à un «cessez-le-feu immédiat».
Après des accusations israéliennes, selon lesquelles douze employés de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) auraient été impliqués dans l’attaque du Hamas, le 7 octobre 2023, sept pays, dont l’Australie, le Canada, la Grande-Bretagne, l’Italie et l’Allemagne, ont décidé vendredi de suspendre leur contribution à l’Unrwa, emboîtant le pas aux États-Unis.
Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell est resté prudent, préférant attendre «la pleine transparence» et des «mesures immédiates» avant de prendre une décision. La Suisse a elle aussi renoncé à trancher, souhaitant «plus d’informations» avant d’approuver son budget pour 2024.
Le chef de l’Unrwa, Philippe Lazzarini, a jugé «choquantes» ces suspensions de fonds, «en réaction à des allégations contre un petit groupe d’employés», compte tenu des mesures prises par l’agence et du fait qu’en «dépendent deux millions de personnes pour leur simple survie». L’agence s’est séparée des employés mis en cause et a ouvert une enquête.
«Sanctionner l’Unrwa, qui maintient difficilement en vie toute la population de Gaza, pour la responsabilité alléguée de quelques salariés, revient à punir collectivement la population gazaouie qui vit dans des conditions humanitaires catastrophiques», a réagi Johann Soufi, avocat international et ex-directeur du bureau juridique de l’Unrwa à Gaza, contacté par l’AFP. L’affaire a été révélée vendredi, juste après que la décision de CIJ, «une temporalité qui interroge forcément», a estimé Johann Soufi.
Israël veut «s’assurer» que l’Unrwa ne joue plus aucun rôle à Gaza après la guerre, a déclaré samedi son chef de la diplomatie, Israël Katz. Le Hamas a pour sa part demandé «aux Nations unies et organisations internationales de ne pas céder aux menaces et au chantage», accusant Israël de vouloir priver les Gazaouis de toute aide internationale.
Le ministre des Affaires civiles de l’Autorité palestinienne, Hussein al-Cheikh, a appelé les pays retirant leur soutien à l’Unrwa à «revenir immédiatement sur leur décision». L’agence, a-t-il martelé, a «besoin d’un soutien maximal (...) et non qu’on lui coupe soutien et assistance».
«Aucun endroit sûr»
Au sud de Khan Younès, plus de 1,3 million de Gazaouis déplacés sont massés à Rafah, acculés, dans des «conditions de désespoir», contre la frontière fermée avec l’Égypte, selon l’ONU.
Les rues où s’écoulent les eaux usées sont remplies de centaines de milliers de tentes, abris dérisoires contre des pluies diluviennes, selon un journaliste de l’AFP. «Ce qui se passe n’a pas de sens. Qu’ils ouvrent les points de passage pour que nous puissions partir! Il ne reste plus rien à Gaza», déplore Hind Ahmed, une mère de famille. «Nous ne quitterons pas Gaza, les Juifs sont venus ici et ce sont eux qui devraient partir», l’interrompt un passant, en colère.
Rafah et ses environs ne sont pas non plus épargnés par les bombes israéliennes. «Il n’y a aucun endroit sûr dans la bande de Gaza. Tout ce qui est dit est faux», témoigne Mohammed Al-Chaer, un habitant de la ville, dans son quartier dévasté.
Tentative de médiation
L’attaque du Hamas a entraîné la mort d’environ 1.140 personnes en Israël, majoritairement des civils, selon un décompte de l’AFP réalisé à partir de chiffres officiels israéliens.
En représailles, Israël pilonne sans relâche le petit territoire palestinien, qu’il maintient sous blocus depuis 17 ans et sous un siège total depuis le début de la guerre. Les bombardements et les opération terrestres de l’armée israélienne ont tué 26.422 Palestiniens, en grande majorité des femmes, des enfants et des adolescents, et fait plus de 65.000 blessés selon le dernier bilan, samedi, du ministère de la Santé du Hamas.
En Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967 et où le Hamas n’est pas représenté, plus de 380 Palestiniens ont été tués par les soldats et les colons israéliens, et des centaines de personnes ont été «arrêtées» par les forces israéliennes.
La Cour internationale de justice, plus haute juridiction de l’ONU, saisie par l’Afrique du Sud, avait statué qu’il existait des preuves plausibles qu’Israël commettait des actes de génocide dans la Bande de Gaza, et a ordonné à l’État hébreu de «prévenir et punir toute incitation au génocide» et de permettre l’entrée de l’aide humanitaire. Bien que ses décisions s’imposent en principe à ses membres, la CIJ ne dispose cependant d’aucun moyen pour les faire appliquer.
Tentative de médiation
À l’origine d’une première trêve, le Qatar, l’Égypte et les États-Unis tentent une médiation pour parvenir à une nouvelle trêve, qui inclurait la libération d’otages et de prisonniers palestiniens.
Le directeur de la CIA, le service de renseignement américain, va rencontrer «dans les tout prochains jours à Paris» ses homologues israélien et égyptien, ainsi que le Premier ministre qatari, pour tenter de conclure un accord de trêve, selon une source sécuritaire.
Plusieurs milliers de personnes ont par ailleurs participé samedi soir à des rassemblements en Israël, notamment dans le centre de Tel-Aviv, pour demander le retour des otages et la démission du gouvernement en vue de la tenue d’élections.
Mais dans une allocution télévisée, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a de nouveau martelé sa détermination: «si nous n’éliminons pas les terroristes du Hamas (...) le prochain massacre n’est qu’une question de temps», a-t-il affirmé.