L’exécutif sera-t-il contraint de mettre sur les rails un référendum sur les retraites ? C’est l’autre enjeu de la décision du Conseil constitutionnel le 14 avril, qui nourrit à gauche d’un frein à la réforme, à défaut d’un retrait pur et simple.
«On a un levier qui peut faire trembler le gouvernement et le président de la République», considère André Chassaigne, député communiste et l’un des instigateurs de la procédure de référendum d’initiative partagée (RIP). Saisis par les parlementaires de la gauche et du RN, les «Sages» doivent dans une semaine rendre deux décisions. La première porte sur la conformité à la Constitution du projet de réforme et de ses conditions d’adoption au Parlement.
Ils doivent également se prononcer sur le projet de RIP initié par 252 parlementaires. En cas de feu vert, s’engagerait le recueil durant 9 mois des 4,8 millions de soutiens citoyens nécessaires, avant une possible consultation nationale sur la réforme des retraites.
«Mécontentement populaire»
Compte tenu du fort «mécontentement populaire», André Chassaigne fait «le pari qu’on n’aura pas besoin d’autant de temps», tablant sur l’atteinte de ce seuil «avant l’été». Malgré plusieurs tentatives, aucun RIP n’est allé à son terme depuis son introduction dans la Constitution en 2008 sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy.
Un précédent essai transpartisan en 2019-2020 contre la privatisation d’Aéroports de Paris avait enregistré plus d’un million de signatures, encore loin des 10% requis du corps électoral. Le gouvernement avait cependant suspendu son projet de privatisation en raison de la crise du Covid-19.
Les partenaires de gauche sont plutôt confiants par rapport au verdict du Conseil constitutionnel. «La majorité n’est pas prête, ça peut être très dangereux pour eux», assure la députée EELV Marie-Charlotte Garin. Reste que si les Sages validaient à la fois le projet gouvernemental de réforme et la procédure de RIP, les échanges se corseraient.
Une course parallèle
Ce sera «une autre bagarre à conduire: qu’il n’y ait pas l’application de la loi tant que le RIP sera en construction», anticipe André Chassaigne. Le ministre du Travail Olivier Dussopt affirme lui que «même si le Conseil constitutionnel validait la demande de référendum, cela n’empêche pas la mise en oeuvre du texte tel qu’il a été adopté».
Cela risque d’être une «course parallèle» entre d’un côté promulgation de la réforme et décrets d’application, de l’autre recueil des signatures citoyennes, redoute Valérie Rabault (PS). Mais Emmanuel Macron peut «ne pas mettre en oeuvre la loi» pour empêcher «une situation absurde», suggère cette vice-présidente de l’Assemblée, rappelant le précédent du CPE (contrat première embauche), suspendu en 2006 par Jacques Chirac.
Mettre sur pause, le chef de l’Etat «en a le droit et il est même souhaitable qu’il le fasse, pour éviter tout conflit avec la procédure référendaire et apaiser la colère citoyenne», a défendu auprès du Monde le constitutionnaliste Dominique Rousseau, très écouté à gauche.