Des eurodéputés interpellent les instances de l’UE au sujet du soutien croissant de l'Algérie à la Russie

Said Chengriha et des hauts gradés de l'ANP, à Moscou, en juin 2021.

Said Chengriha et des hauts gradés de l'ANP, à Moscou, en juin 2021. . DR

Des eurodéputés de différents groupes au Parlement européen ont interpellé la présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, et le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, sur l'accord d'association liant l'Union européenne à l’Algérie, à la lumière du soutien croissant de l'Algérie à la Russie.

Le 16/11/2022 à 18h58

Dans une lettre envoyée aux deux responsables européens, les eurodéputés se disent «profondément préoccupés par les récents rapports sur les liens toujours croissants entre la Russie et l’Algérie, une situation qui se traduit à travers le soutien politique, logistique et financier de l'agression de Poutine contre l'Ukraine».

«L'Algérie s'est abstenue lors du vote sur la résolution des Nations unies condamnant la guerre en Ukraine le 2 Mars 2022. Un peu plus d'un mois plus tard, l'Algérie rejoint la Syrie et 23 autres États membres lors d'un vote contre l'exclusion de la Russie du Conseil des droits de l'homme de l'ONU», rappellent-ils, notant que certains observateurs ont pris ces votes comme un signe du soutien d'Alger aux aspirations géopolitiques de Moscou.

De plus, poursuit-on, une résolution, appelant les pays à ne pas reconnaître les quatre régions d'Ukraine revendiquées par la Russie, à la suite des soi-disant référendums tenus à la fin du mois dernier, et exigeant que Moscou renonce à sa «tentative illégale d'annexion», a été votée le 12 octobre 2022 à l'Assemblée générale de l'ONU. L'Algérie s'est abstenue lors du vote sur cette résolution.

Pointant les «doubles standards algériens», les eurodéputés expliquent que l’Algérie fait partie des quatre premiers acheteurs d'armes russes dans le monde entier, culminant avec un accord d'armement de plus de 7 milliards d'euros en 2021. Un afflux d'argent vers la Russie qui ne fera, selon eux, que renforcer la machine de guerre russe en Ukraine.

Rappelant que l'accord d’association UE-Algérie, signé en avril 2002 et entré en vigueur en septembre 2005, stipule dans son article 2 que «le respect des principes démocratiques et des droits humains fondamentaux établis par la Déclaration universelle des droits de l'homme inspirent les politiques nationales et internationales des Parties et constituent un élément essentiel de l’accord», les eurodéputés estiment qu’«en finançant l'agression de Poutine contre l'Ukraine, l'Algérie viole ce pilier primordial de l'Accord d’association».

Par conséquent, il est essentiel que l'UE explore les actions nécessaires pour s'assurer que ceux avec lesquels l'Union a conclu des accords d'association ne tentent de financer le gouvernement russe et sa machine de guerre par l'achat d’équipements et de matériels militaires, relève la lettre, appelant les responsables européens à «exhorter l'Algérie à signer et à ratifier le Traité sur le commerce des armes des Nations unies, qui réglemente le commerce international des armes classiques, en fixant les normes internationales les plus élevées en la matière».

«L'Union européenne doit envoyer un message clair au monde selon lequel le soutien à Vladimir Poutine et les efforts de guerre barbares de son régime ne seront pas tolérés», concluent-ils.

Que pourrait alors répondre la junte militaire au pouvoir à Alger aux accusations des eurodéputés? A moins de chercher une dérobade comme d’habitude, les faits sont têtus et certains sont encore plus accablants.

Au moment où les élus de l’Europe interpellent les instances de décisions de l’UE, l’Algérie accueille sur son sol des manœuvres militaires conjointes avec la Russie. Ces manœuvres, qui ont débuté ce mercredi 16 novembre et qui se poursuivent jusqu’au 18 du même mois, impliquent 100 membres des forces spéciales russes et sont organisées dans la région de Béchar, près des frontières avec le Maroc. Mais aussi presque aux frontières de cette même Europe dont les élus tirent la sonnette d’alarme.

Mieux encore, l’Algérie ne s’est pas jetée que dans les bras de la Russie, mais également dans ceux de l’Iran, pays montré du doigt pour constituer une sérieuse menace à la stabilité et à la paix internationales. Téhéran, qui est également un allié sûr de la Russie, vient d’annoncer, et de manière officielle, qu’Alger a formulé une demande pour acquérir des drones iraniens.

Ces mêmes drones iraniens, pour rappel, ont été utilisés par la Russie dans sa guerre contre l’Ukraine. Et, dans ce cas de figure, c’est cet axe Alger-Moscou-Téhéran qui doit davantage inquiéter les Européens et les Occidentaux en général.

Voici par ailleurs la liste des eurodéputés signataires de la lettre.Andrius KUBILIUS, EPP, Lituanie.Karen MELCHIOR, Renew, Danemark.Raphaël GLUCKSMANN, SD, FranceMichal ŠIMEČK, Renew, Slovaquie.Andrey KOVATCHEV, EPP, Bulgarie.Tomasz FRANKOWSKI, EPP, Pologne.Rasa JUKNEVIČIENĖ, EPP, Lituanie.Andrzej Witold HALICKI, EPP, Pologne.Ilhan KYUCHYUK, Renew, Bulgarie.Alexander YORDANOV, EPP, Bulgarie.Attila ARA-KOVÁCS, SD, Hongrie.Eero HEINÄLUOMA, SD, Finlande.Aušra MALDIEKIENĖ, EPP, Lituanie.Andrus ANSIP, Renew, Estonie.Teuvo HAKKARAINEN, ID, Finlande.Laura HUHTASAARI, ID, Finlande.

Par Rahim Sefrioui
Le 16/11/2022 à 18h58