La société Al-Kharafi, qui s'était saisie de l'appareil en juin 2015 en vertu d'une sentence prononcée en Égypte, s'est finalement désistée, a-t-on appris vendredi auprès des différentes parties, ce qui met fin à la procédure qui l'opposait en France à la Libye.
Le luxueux A340 avait été investi par les rebelles au cœur du conflit de 2011. Sur des images d'archive, on les voit longer les hublots, entrer dans la salle de bain, s'allonger sur le lit double ou les banquettes en cuir.
"C'était vraiment les sans-culottes à Versailles", résume Patrick Baz, photojournaliste de l'AFP, qui a visité l'avion le 29 août 2011. Pour les rebelles, c'était "une découverte", et "même pour nous, en tant que journaliste".
A l'issue du conflit, le gouvernement de transition envoie l'avion l'année suivante en France dans le cadre d'un contrat de maintenance signé avec Air France. Direction: Perpignan, où un sous-traitant de la compagnie, EAS Services, doit remettre l'avion en état.
En 2013, l'appareil, qui portait le nom de la compagnie Afriqyha Airways "afin d'éviter que les déplacements du colonel Kadhafi ne puissent être identifiés", est repeint aux couleurs de l'État libyen, avant d'être notamment utilisé pour transporter le Premier ministre Ali Zeidan, à Tunis ou en Italie, selon les avocats de l'État libyen en France.
Mise à prix de 62 millions d'euros Mais en juin 2015, la société de droit koweïtien Al-Kharafi fait venir un huissier à Perpignan qui saisit l'appareil. En 2006, en effet, le groupe avait signé un contrat avec le régime de Kadhafi pour la construction d'une station balnéaire aux bords de la Méditerranée, station qu'elle devait exploiter pendant 90 ans.
Quatre ans plus tard, le régime résilie la concession. Al-Kharafi saisit alors un tribunal arbitral au Caire, qui condamne en 2013 la Libye à payer près de 937 millions de dollars, additionnés de 4% d'intérêts à compter du prononcé.
Pourtant, en France, l'entité gouvernementale libyenne propriétaire de l'avion, l'Executive authority for special flights (EASF), s'oppose à la saisie. Et obtient gain de cause: le 30 novembre 2015, le tribunal de grande instance (TGI) de Perpignan lui donne raison. La société koweïtienne fait appel mais finalement se désiste, un abandon qui sera définitivement acté par le TGI de Perpignan dans un jugement du 25 août 2016.
"Nous avons préféré privilégier la poursuite de la saisie d'autres actifs libyens, plus facilement réalisable", a affirmé Me Rémi Barousse, évoquant un "aléa sur la vente et le prix de vente" de l'avion. Initialement, Al-Kharafi souhaitait vendre l'avion aux enchères avec une mise à prix de 62 millions d'euros.
"L'avion 5A-ONE est donc libre de droit et restera la propriété de l'État de Libye", s'est félicitée auprès de l'AFP l'avocate de ce dernier en France, Me Carole Sportes.
Mais l'avion ne quittera pas forcément Perpignan pour autant. "L'avion n'a pas été abandonné à Perpignan, mais stationné pour des opérations de réparation et de maintenance, et afin de le protéger en raison de la situation instable en Libye", précisaient les conseils de l'État libyen lors de l'audience à Montpellier.
Autre question en suspens: Air France, qui avait pris part à la procédure, exerce toujours un droit de rétention, dans le but de recouvrer une créance de quelque 2,4 millions d'euros, a précisé à l'AFP le conseil de la compagnie. Les travaux réalisés sur l'avion n'ont en effet pas été payés.
Près de cinq ans après la chute du régime, la Libye reste en proie au chaos. Un gouvernement d'union nationale dirigé par Fayez al-Sarraj s'est installé au printemps, mais il peine encore à asseoir son pouvoir à l'échelle de tout le pays, notamment en raison de l'opposition d'une autorité politique rivale basée dans l'Est.