La junte algérienne n’en est pas à son premier paradoxe près. Alors qu’il ne rate aucune occasion, quitte à se montrer le plus souvent hors de propos, pour s’autoproclamer champion de la défense de la cause palestinienne, le régime algérien a rejeté à tour de bras toutes les demandes d’autorisation, que lui ont adressées certains partis politiques et organisations de la société civile, en vue d’organiser des manifestations de soutien à Gaza. Ces manifestations étaient prévues durant la journée du 1er novembre courant à travers toute l’Algérie.
Les Algériens voulaient ainsi faire coïncider des manifestations pro-palestiniennes avec les célébrations du 1er novembre, date anniversaire du déclenchement de la guerre d’Algérie en 1954. Sauf que le régime algérien a déclaré la plus importante fête célébrée en Algérie «journée morte», arguant que tout rassemblement y est interdit en guise de solidarité avec les Gazaouis. Or, l’organisation de manifestations de soutien aux Palestiniens en cette journée, dite du déclenchement de la révolution algérienne, avait une charge symbolique, que le régime algérien a l’habitude d’utiliser à son profit, tout en la refusant, paradoxalement, aux Algériens.
Lire aussi : Gaza: de quoi la paralysie du régime algérien est-elle le nom?
L’on se rappelle que l’année dernière, après de longs mois de chassés-croisés et d’hésitations quant au bien-fondé de la tenue d’un sommet arabe chez un régime algérien honni par son peuple et à l’apogée de son bellicisme à l’égard de ses voisins, la Ligue arabe a fini par accepter la date du 1er novembre 2022 pour ce 31ème sommet. Pour le secrétariat général de la Ligue arabe, il s’agissait seulement de liquider, une fois pour toutes, ledit conclave d’Alger et passer rapidement au sommet suivant, organisé six mois plus tard à Jeddah, en Arabie saoudite. Mais capitalisant sur la date du 1er novembre, le régime algérien avait qualifié ce sommet d’«historique», avant même sa tenue, en vue de cacher son échec programmé.
Aujourd’hui, la junte algérienne interdit à la rue algérienne, en cette journée historique, de manifester en soutien à une cause dont il se veut être le chantre. D’ailleurs, pour alimenter cette instrumentalisation de la cause palestinienne, la junte algérienne a elle-même organisé, le jeudi 19 octobre dernier, soit quelque deux semaines après le déclenchement des hostilités à Gaza, un semblant de marche de soutien aux Palestiniens. Mais, comme on pouvait s’y attendre, seuls ont participé à cette manifestation bien encadrée des éléments triés sur le volet et appartenant tous à certaines unités de l’armée et de la police, en tenue civile, avec leurs familles, ainsi que les «états-majors» de certains petits partis politiques à la solde des généraux.
Lire aussi : Ligue arabe: alors que le Proche-Orient est à feu et à sang, l’Algérie joue la carte de la discorde
Le quadrillage de cette manifestation par un impressionnant dispositif de forces anti-émeutes visait surtout à éviter toute intrusion d’autres manifestants non homologués, de crainte que des slogans anti-Tebboune et anti-Chengriha ne soient scandés par des militants du Hirak, ce mouvement de contestation populaire qui empêche, depuis 2019, le régime militaire algérien de dormir sereinement. D’ailleurs, le même scénario a été réédité dix jours plus tard lors de la visite d’Abdelmadjid Tebboune à Djelfa, la première du genre hors d’Alger, où, flanqué de son ombre, le général Saïd Chengriha, il fut accueilli à nouveau par une horde de soldats, leurs familles ainsi que des troupes de musique bien connues, dont une célèbre danseuse, transformée pour l’occasion en égérie de la région. Chose qui a provoqué des commentaires caustiques sur les réseaux sociaux.
Lire aussi : Les dessous de la diplomatie du forfait de la «nouvelle» Algérie
Ce faux «bain de foule» à Djefla n’a échappé à personne. Pire, l’interdiction à la rue algérienne de manifester en soutien aux Palestiniens a été confirmée par un autre oukase, celui de la Fédération algérienne de football (FAF), qui a annoncé, via un communiqué daté du 2 novembre courant, la reprise graduelle du championnat local de football à partir du vendredi 10 novembre 2023, tout en précisant que les matchs se dérouleront sans public jusqu’à nouvel ordre (du régime). Bien évidemment, les stades algériens, connus pour leur fronde anti-régime, sont interdits à leur tour de supporters, de crainte de tifos et chants fustigeant les caporaux algériens.
Cette décision de la FAF, selon laquelle il peut exister un football sans public, n’est pas sans rappeler la déclaration de Tebboune, le 12 juin 2021, sur le très faible taux de participation qui caractérise les élections algériennes, et où il a laissé entendre qu’en Algérie, où il a lui-même été désigné président par un seul général de l’armée, la démocratie peut se jouer sans votants.