Un seul jour et puis s’en va. Hassan Rabehi, qui a remis le vendredi 7 juin au ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Choukry, les copies de ses lettres de créance en tant que nouvel ambassadeur d’Algérie en Égypte, peut voir son nom inscrit dans le livre Guinness des records. En effet, littéralement au lendemain de son installation dans ses nouvelles fonctions au Caire, où il devait également porter la casquette de délégué permanent de l’Algérie auprès de la Ligue arabe, le diplomate a eu la surprise d’apprendre son limogeage par le président algérien Abdelmadjid Tebboune.
Un cas unique dans les annales diplomatiques, surtout que cet ambassadeur était porteur d’un message officiel et écrit, à savoir l’original de ses lettres de créance signées par Tebboune, qu’il devait remettre en mains propres, et lors d’une cérémonie officielle, au président égyptien Abdelfattah Sissi. C’est d’ailleurs ce dernier, comme le veut la pratique diplomatique en la matière, qui lui a accordé et signé, en avril dernier, un agrément d’accréditation à la demande du président Tebboune.
Ce super ambassadeur était également porteur d’une lettre d’accréditation à remettre au secrétaire général de la Ligue arabe où il devait représenter l’Algérie. C’est dire si la présidence égyptienne et le secrétariat général de la Ligue arabe sont les premiers surpris par cette rétractation inattendue du président algérien.
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Reste maintenant à savoir quel impair a commis Hassan Rabehi pour devenir l’ambassadeur le plus éphémère dans l’Histoire. Ni la Mouradia ni le ministère algérien des Affaires étrangères n’ont jugé utile de communiquer sur les raisons de cette décision.
Hassan Rabehi, ancien ambassadeur à Pékin, ancien secrétaire général du ministère algérien des Affaires étrangères, semble plutôt afficher un bon profil dont aurait pu se servir le régime algérien pour redorer son blason. À moins qu’il lui soit reproché d’avoir été, sous Abdelaziz Bouteflika et jusqu’à la présidentielle de 2019, ministre de la Communication et Porte-parole du gouvernement.
S’agit-il d’un rappel d’ambassadeur déguisé, les relations entre Alger et Le Caire n’ayant jamais été au beau fixe et s’inscrivant en général sous le signe de la défiance plutôt que celui de la confiance? Face à l’Égypte, comme face à son voisin marocain, l’Algérie réagit toujours à l’aune de cette grave maladie innée et incurable dont elle est atteinte, celle du complexe d’être démunie du substrat d’une nation et d’une histoire millénaire qui lui aurait permis d’exercer réellement un leadership régional.
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En moins de cinq ans, Abdelmadjid Tebboune a déjà changé quatre fois d’ambassadeur en Égypte. Emblématique est le cas d’Abdelaziz Benali Chérif nommé en juillet 2023 en tant qu’ambassadeur au Caire et délégué permanent à la Ligue arabe, avant d’être muté, huit mois plus tard (en avril dernier) au Brésil. Le régime algérien a laissé entendre que cette mutation intervenait comme une sanction, car, selon la propagande locale, Benali Chérif n’aurait pas suffisamment défendu la cause palestinienne au sein de… la Ligue arabe. Ce qui laisse entendre que Hassan Rabehi a été nommé spécifiquement pour créer davantage de cacophonie algérienne autour de la guerre à Gaza. Exactement comme le fait actuellement Amar Bendjama, brutalement limogé en 2016 de son poste d’ambassadeur à Paris, et qui a connu une longue traversée du désert avant d’être recyclé à New York, où son rôle se limite aujourd’hui à crier sur tous les toits que tout examen ou décision favorable du Conseil de sécurité de l’ONU sur la Palestine est une victoire arrachée par la diplomatie algérienne.
Plusieurs médias arabes restent interloqués face à ce limogeage inédit par sa célérité et irréfléchi quant à ses conséquences calamiteuses sur le peu de crédibilité qui reste encore au régime algérien, tant en interne qu’à l’international.
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Ainsi, un article publié sur le site du journal arabe Elaraby, édité à Londres, suppose que ce limogeage ne peut être lié qu’à un rappel de Rabehi en vue d’occuper une haute fonction étatique à Alger. Mais un blogueur algérien en exil estime, lui, que «cette affaire illustre en vérité la dangereuse maladie qui ronge le pouvoir algérien et l’empêche de développer le pays: l’instabilité permanente dans ses prises de décision et sa gouvernance».
Coïncidence ou pur hasard de calendrier, cette décision scandaleuse de revenir au mauvais moment sur la nomination d’un ambassadeur intervient en même temps que l’annonce par le président algérien de la convocation officielle du corps électoral pour la présidentielle du 7 septembre prochain.
Elle intervient également trois jours seulement après un autre scandale. Le 5 juin courant, le site de la Mouradia a annoncé le limogeage-surprise de Mohamed Bouakkaz, conseiller d’Abdelmadjid Tebboune chargé de la direction du protocole à la présidence algérienne «pour fautes graves et manquements à la déontologie de la profession». Ce que certaines sources concordantes ont traduit par des relations hors mariage entre ce conseiller et l’une des deux filles de Tebboune, Maha ou Seloua.