Mais quelle mouche a encore piqué le chef d’état-major de l’Armée nationale populaire (ANP) et véritable tenancier du pouvoir en Algérie? Outrepassant comme à l’accoutumée ses prérogatives, marchant sur les plates-bandes du président de la république et violant de manière on ne peut plus flagrante son devoir de réserve, le général d’armée Saïd Chengriha a récemment organisé un colloque pour chauffer à blanc trolls, folliculaires, pseudo-influenceurs et autres bourreurs de crânes payés par le régime pour véhiculer l’existence d’un semblant de «patrimoine culturel algérien» sur les réseaux sociaux et se livrer à toutes les basses besognes qui vont avec.
S’exprimant dans une langue arabe tordue et d’une voix étouffée qui semble sortir du ventre, et choisissant «L’industrie du contenu numérique… Le garant de la mémoire nationale», comme intitulé de son homélie militaire, Chengriha voulait, disait-il d’entrée de jeu, «mettre la lumière sur les menaces qui guettent la mémoire nationale et les moyens d’y faire face sur les différentes plateformes de l’espace numérique». Des mots vagues pour faire la mousse, la mémoire nationale ne pouvant pas être menacée du moment qu’elle n’existe pas.
Et de poursuivre, toujours fidèle à sa novlangue barbante, que «les médias ainsi que les réseaux sociaux sont des outils essentiels dans la stratégie de création de l’instabilité qui vise l’identité culturelle et civilisationnelle de la nation et le chemin de l’édification de son avenir, via l’effacement de l’identité nationale, l’altération de l’histoire et la diffusion des fake news. Aujourd’hui, nous sommes en train de discuter de la sécurité identitaire et il est impératif de faire face à de nouveaux fronts à travers l’exploitation des moyens militaires et une présence forte sur le monde virtuel».
À ses 78 piges, il est de notoriété publique à l’intérieur même de l’Algérie que Chengriha a atteint un tel niveau de sénescence et de néant que le régime d’Alger commence à lui inventer de nouveaux concepts complètement ubuesques pour s’accrocher et continuer à faire tourner la toupie de la corruption, du lavage de cerveau et de la détestation du Maroc, au moment même que les Algériens meurent de soif dans plusieurs localités, Tiaret en tête.
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Depuis quand un général s’exprime-t-il sur ce qu’il se dit ou se passe sur les réseaux sociaux? Depuis quand parle-t-on de «sécurité identitaire»? Aucune nation au monde ne mandate son armée pour assurer la sécurité de son identité. Mais, il est vrai que toutes les nations du monde ont une identité, forgée à travers les siècles et des spécificités culturelles qui constituent un bien commun, impérissable. Ce qui n’est pas le cas de l’Algérie, un pays dessiné par la France de façon artificielle, et âgé à peine de 62 ans.
En agissant ainsi, Chengriha confirme, malgré lui, que le régime d’Alger traverse une période de fragilité politique et de carence en légitimité tellement profonde que le monde virtuel l’horrifie et le désarçonne, au point d’ouvrir un front burlesque: la sécurité identitaire.