Dans une dépêche publiée hier, samedi 1er janvier 2022, l’agence officielle de presse algérienne, APS, se fait l’écho d’un communiqué, publié le même jour, par l’association des boulangers et commerçants algériens, qui exige le maintien, même à perte, du prix de la baguette de pain à 10 dinars, alors même que le prix officiel de ce produit de première nécessité est fixé par l’Etat algérien à 8 dinars.
En effet, l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA), annonce qu’elle se démarque «des appels à augmenter le prix de la baguette subventionnée à 15 DA, assurant que toutes les revendications légitimes des boulangers avaient été soumises aux autorités publiques».
Reconnaissant que les prix des intrants (levures, améliorants…) et les charges (salaires, factures d’électricité et d’eau, loyers…) ont effectivement augmenté et érodé la marge bénéficiaire des boulangeries, l’UGCAA appelle néanmoins les boulangers à «faire montre de conscience, d'esprit patriotique et ne pas se précipiter à augmenter les prix, de manière aléatoire, à compter du 1er janvier 2022».
Cette association demande aussi de «ne pas se laisser induire par les rumeurs malveillantes et les infox relayées par les réseaux sociaux, dont les auteurs cherchent, comme à l'accoutumée, à semer la discorde et le désespoir en ciblant le gagne-pain du citoyen lambda, en exploitant les revendications légitimes des professionnels pour exécuter leurs ignobles complots et dessins belliqueux».
Hausse du prix de la baguette de près de 100%Une telle propagande, généralement brandie comme étant la panacée, peut-elle servir de solution à des problèmes économiques objectifs?
En tout cas, nombre de boulangers ont déjà augmenté le prix des baguettes qu'ils vendent, sans tenir compte de l'avis de l’association, diligentée par le régime.
Le prix de la baguette est en effet passé de 8 à 15 dinars, ce qui constitue une hausse de près de 100% et menace réellement d’enflammer le front social.
Le pouvoir d’achat des Algériens a en effet souffert de façon très significative des gouvernants, qui ont dévalué la monnaie locale, entraînant une inflation à deux chiffres dans un pays qui importe presque tout et n’exporte que les hydrocarbures. Cette nouvelle crise du pain est d’autant plus grave, que la levée des subventions sur les produits de première nécessité, brandie par le président Abdelmadjid Tebboune et son gouvernement, et qui devrait s’accompagner d’un renchérissement fulgurant des prix à la consommation, n’est même pas encore entrée en vigueur.
L’huile de table se fait rareLe pain n’est pas le seul produit de première nécessité qui menace de devenir hors de portée de larges catégories de la population algérienne. L’huile de table, que la junte fanfaronne d’être en mesure d’exporter, est introuvable dans de nombreuses villes. D’ailleurs, le ministre du Commerce, Kamel Rezig, a trouvé inexplicable que l’huile de table se soit éclipsée ces derniers jours des étals des grandes surfaces et épiceries, alors que la loi de finances 2022 a prévu, selon lui, une enveloppe de 20 milliards de dollars en ce qui concerne les subventions des produits de base.
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Mais plutôt que d’expliquer cette pénurie d’huile de table par la baisse de production locale, le renchérissement de l’huile de soja sur le marché international, sans parler du retard du paiement par l’Etat de la subvention aux producteurs, Kamel Rezig a préféré verser, lui aussi, dans la «complotite».
Sur les ondes de la radio nationale algérienne, le ministre du Commerce a d’abord pointé du doigt, jeudi et vendredi derniers, les spéculateurs qui auraient stocké de grandes quantités d’huile en vue d’engendrer une hausse des prix et réaliser de gros bénéfices en revendant leurs stocks. Rezig a même demandé aux ménages de ne pas «céder à la rumeur» d'une pénurie de l’huile de table, d’acheter de «manière rationnelle et faire preuve d’une culture de consommation consciente et authentique»!
La peine capitale pour les commerçantsLe ministre algérien du Commerce a également accusé ce qu’il appelle «les fake news véhiculées par les réseaux sociaux numériques» d’être à l'origine de la tension actuelle sur les prix et la raréfaction de l’huile de table sur le marché local.
Pour donner du crédit à son argumentaire tortueux, Rezig aurait même mis à contribution les forces de l’ordre pour se lancer à la chasse des spéculateurs, dont on se souvient que Tebboune les avait menacés, le 10 octobre dernier, de peines allant jusqu’à 30 ans de prison, voire de la peine capitale pour quelques kilos de pomme de terre.
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Cette chasse aux spéculateurs, feinte ou réelle, risque d’attiser davantage les tensions entre les autorités et les commerçants car, aujourd’hui en Algérie, tous les produits de base (fruits, légumes, viandes…) ont vu leurs prix flamber à cause d’une inflation galopante.
Cette nouvelle flambée des prix et autres pénuries interviennent quelques jours seulement après un rapport très peu reluisant de la Banque mondiale sur l’économie algérienne, présentée avec de nombreux voyants au rouge. D’ailleurs, l’institution de Bretton Woods a mis en garde contre un inéluctable «séisme» social, qui risque de secouer violemment le pays. Ce séisme risque de prendre une magnitude encore plus élevée avec la hausse du prix du pain.