De son vrai nom Abdelkader Haddad, «Nasser El-Djinn» a bâti toute sa carrière au sein de l’Armée nationale populaire (ANP). Figure de la décennie noire (1992-1999), il s’était distingué dans la lutte antiterroriste par des méthodes impitoyables. Ancien patron du Service de coordination opérationnelle et du renseignement antiterroriste (2006-2013), il a pris, le 24 mai 2025, la tête de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).
Entre-temps, il avait connu la disgrâce: arrestation en 2015, condamnation à cinq ans de prison, libération en 2020 et réhabilitation en 2021. Son parcours illustre à lui seul les luttes de clans et les règlements de comptes internes qui minent l’armée algérienne depuis des décennies.
Aujourd’hui, la valse des chefs est éloquente: pas moins de 60 généraux emprisonnés, des dizaines mis à la retraite, et cinq hauts responsables sécuritaires actuellement derrière les barreaux, condamnés à de lourdes peines.
En l’espace de trois ans à peine (2020-2023), la Direction centrale de la sécurité de l’armée (DCSA) a vu défiler quatre responsables successifs, tandis que la DGSI et la DDSE ont, elles aussi, enchaîné les titulaires à un rythme effréné.
Cette instabilité chronique affaiblit durablement l’appareil sécuritaire et met en lumière les fractures profondes qui traversent l’ANP.
«La loi de mobilisation générale adoptée en mai 2025 illustre cette dérive: préparer la population à un état d’exception, brandir la menace d’un «ennemi historique» – le Maroc – et justifier un budget militaire colossal de 25 milliards de dollars. »
— Mustapha Sehimi
À cette instabilité sécuritaire s’ajoute une présidence affaiblie. Abdelmadjid Tebboune, réélu en septembre 2024 avec seulement 23% du corps électoral, peine à consolider son autorité.
Flanqué de Saïd Chengriha – successeur de Gaid Salah et désormais ministre de la Défense –, il tente de composer avec un état-major divisé et un chef militaire sans véritable leadership interne, mais adepte d’une ligne dure.
La loi de mobilisation générale adoptée en mai 2025 illustre cette dérive: préparer la population à un état d’exception, brandir la menace d’un «ennemi historique» – le Maroc – et justifier un budget militaire colossal de 25 milliards de dollars.
Historiquement, le régime algérien reposait sur un trinôme: Présidence, état-major de l’Armée de terre et Renseignement intérieur. Ce schéma, déjà dominant sous Bouteflika, perdure mais sans le même équilibre. Tebboune n’a pas le charisme de son prédécesseur, Chengriha reste un pivot fragile, et le pôle sécuritaire est affaibli par des purges incessantes.
Résultat: un verrouillage politico-militaire accru, une centralisation autoritaire et une vie politique étouffée.
La fuite de Nasser El-Djinn, dernier épisode en date de cette saga, apparaît dès lors comme le symptôme d’une crise plus large. Elle pourrait annoncer de nouvelles fractures au sein du régime et révéler, à terme, l’effritement d’équilibres déjà précaires.





