Lors d’un verdict prononcé le 25 février dernier dans l’affaire dite «El Bouchi 2», relative à des transactions immobilières entachées d’abus de pouvoir et de pots-de-vin, une douzaine de personnes ont été condamnées à de lourdes peines de prison et amendes. Un seul accusé, malgré les deux ans requis à son encontre par le procureur, est relaxé séance tenante. Il s’agit de Khalid Tebboune, fils de l’actuel président algérien.
Pourtant, Abdelmadjid Tebboune, qui fait toujours face à un énorme déficit de légitimité, aurait pu sortir grandi de ce procès impliquant son fils afin de se débarrasser, un tant soit peu, de sa tare de président mal élu. En effet, du moment que Khaled Tebboune était placé en garde à vue à la prison d’El Harrach depuis le 18 juin 2018, son père aurait dû faire le sacrifice d’accepter sa condamnation à deux ans de prison, où il était devenu un prisonnier de luxe depuis décembre 2019, et d’où il serait sorti hier, mercredi 17 juin 2020, après avoir purgé le restant sa peine.
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Finalement, le président algérien s’est attiré davantage les foudres de l’opinion publique face à ce traitement de faveur réservé à un fils à papa, lui qui avait promis dans son programme électoral de bâtir une nouvelle Algérie aux antipodes de celle de la «Issaba» qui dirige le pays du «Club des pins» depuis l’Indépendance.
Pire, le président Tebboune ne s’est pas arrêté là. Sachant que la justice algérienne, régulièrement brocardée par la rue algérienne comme étant truffée de magistrats qui ne s’en tiennent jamais aux textes de loi, mais aux textos envoyés d’en haut, Tebboune vient de donner, dimanche dernier, la preuve que rien n’a changé dans le pays. Non seulement deux magistrats accusés de corruption avérée (un procureur et son assistant) ont été relaxés, mais tous les autres condamnés dans l’affaire «El Bouchi 2» ont vu leurs condamnations divisées par deux. Le principal accusé, Kamel Chikhi, alias Kamel El Bouchi (Kamel le boucher), passe de huit à quatre ans, ce qui fait qu’il n’a plus que moins de deux années à passer derrière les barreaux. Il ne les purgera certainement pas. Dans quelques mois, il sera relaxé en catimini «pour bonne conduite».
Le scénario est tracé d’avance pour celui qui est considéré comme l’un des plus importants barons de la drogue dans le bassin méditerranéen. Importateur de viande et promoteur immobilier, El Bouchi est en effet le principal accusé dans le dossier des 701 kg de cocaïne saisis au port d’Oran, en 2018. Les complicités dont il a bénéficié impliquent de très hauts gradés militaires et l’ancien directeur de la DGSN, Abdelghani Hamel. El Bouchi qui filmait à leur insu les pontes du régime, dont il achetait le silence, a juré ses grands dieux dans le tribunal ne pas avoir fait affaire avec le fils Tebboune. Est-ce l’un des éléments expliquant ce qui s’apparente à un renvoi d’ascenseur?
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De toute façon, l’affaire El Bouchi n’a pas encore révélé tous ses secrets, puisque l’ancien patron de la Gendarmerie, fidèle entre les fidèles de Gaïd Salah, le général Ghali Belkecir, qui a mené l’enquête sur l’affaire de la cocaïne, a pris la fuite avec sa famille en Espagne. Il a emporté dans ses bagages les enregistrements vidéos des caciques du régime et de leurs messagers, filmés à leur insu par El Bouchi. Si l’on ajoute à la fuite de Belkecir, celle encore plus rocambolesque aux Emirats arabes unis de l’adjudant-chef Ghirmat Benouira, ancien puissant secrétaire particulier d’Ahmed Gaïd Salah, qui a emporté avec lui de nombreux dossiers estampillés «Secret défense», les secrets de l’Etat algérien et de son armée prennent l’allure d’un Bottin consultable par tous.
Et las but not least, le général Khaled Nezzar, ancien chef d’état-major de l’armée algérienne et ancien ministre de la Défense, le principal artisan du putsch qui a interrompu le processus démocratique en Algérie, principal protagoniste de la décennie noire qui a fait plus de 200.000 morts, l’un de ceux qui savent qui a tué le président Boudiaf et qui sont les commanditaires de l’assassinat des moines de Tibhirine, mentor du général Toufik qui a tenu d’une main de fer les renseignements algériens pendant plus de 20 ans, homme resté au cœur du dispositif militaire algérien jusqu’à la montée en puissance de Gaïd Salah… Cet homme, le général Nezzar, en fuite à Barcelone, condamné en Algérie à 20 ans de prison par le tribunal militaire de Blida et dont l’un des fils, resté en Algérie, vient de l’accuser du meurtre de sa mère, envisagerait, selon nos sources, de négocier avec une puissance étrangère pour se mettre, ainsi que sa famille, définitivement à l’abri contre une manœuvre qui conduirait à son extradition ou son arrestation.
Quant à l’affaire El Bouchi, le fils du président algérien ne risque probablement plus d’être impliqué dans le dossier «El Bouchi 1», plus connu sous le nom du scandale des «701 kg de cocaïne» saisis au port d’Oran le 29 mai 2018. Il s’agissait d’un bateau censé transporter une cargaison de viande congelée, importée du Brésil par le magnat de l’immobilier Kamel Chikhi, mais dans lequel les douaniers algériens ont découvert une importante quantité de cocaïne. Ce dossier entache durablement le mandat de l’actuel président algérien qui n’a certainement pas oublié que lors du 43e vendredi, les militants du Hirak avaient brandi des petits sacs en plastique remplis de farine, en scandant: «Ils nous ont ramené Escobar».