Jeudi 30 septembre 2021. Le président français Emmanuel Macron a reçu dix-huit jeunes, issus de familles qui ont vécu dans leur chair la guerre d’Algérie. A cet échange avec les jeunes, Macron a invité la presse, dont le quotidien français Le Monde qui restitue dans son édition de ce samedi un échange, sans faux-fuyants, et qui rétablit bien des vérités à rebours du récit alimenté par la junte militaire qui détient le pouvoir en Algérie.
Même Emmanuel Macron le concède: «J’étais frappé, durant ces dernières années, de voir à quel point l’histoire et les mémoires de la guerre d’Algérie étaient la matrice d’une grande partie de nos traumatismes», aux petits-enfants de ceux qui ont vécu la guerre d’Algérie, certains faisant partie des combattants du Front de libération nationale (FLN), d’autres de militaires français mobilisés en Algérie, d’autres encore de harkis, ces auxiliaires musulmans qui ont fait le choix de combattre pour l’Algérie française.
L’échange a eu lieu lors d’un déjeuner à l’Elysée. Et l’objectif assigné à ce déjeuner était de tout se dire, en vue d’apaiser la mémoire commune.
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Mais tout se dire ne sera pas apprécié pareillement des deux rives de la Méditerranée. Macron commence par dénoncer, en Algérie, une «histoire officielle» selon lui «totalement réécrit[e] qui ne s’appuie pas sur des vérités», mais sur «un discours qui, il faut bien le dire, repose sur une haine de la France». «La nation algérienne post-1962 s’est construite sur une rente mémorielle, assure-t-il, et qui dit: tout le problème, c’est la France.»
Or s’il y a une chose qui déplaît très fortement au régime algérien, c’est de remettre en question la falsification (Macron a parlé de réécriture) de l’Histoire. L’ancien député algérien Nouredine Aït Hamouda, pourtant fils d’un héros de la guerre de libération, le colonel Hamirouche, en a fait les frais quand il a qualifié de traitre l’émir Abdelkader et le président Houari Boumediène, déclenchant des réactions unanimement hystériques, en Algérie, qui ont conduit à son emprisonnement.
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Et le président français de poursuivre: «La construction de l’Algérie comme nation est un phénomène à regarder. Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française? Ça, c’est la question. Il y avait de précédentes colonisations. Moi, je suis fasciné de voir la capacité qu’a la Turquie à faire totalement oublier le rôle qu’elle a joué en Algérie et la domination qu’elle a exercée. Et d’expliquer qu’on est les seuls colonisateurs, c’est génial. Les Algériens y croient», ironise le président français.
A un jeune qui proteste et dit que la jeunesse algérienne n’a pas de haine pour la France, le président Macron précise sa pensée: «Je ne parle pas de la société algérienne dans ses profondeurs, mais du système politico-militaire qui s’est construit sur cette rente mémorielle. On voit que le système algérien est fatigué, le Hirak l’a fragilisé. J’ai un bon dialogue avec le président Tebboune, mais je vois qu’il est pris dans un système qui est très dur.»
A l’orée de l’élection présidentielle, prévue en France en avril 2022, le président Macron n’a qu’un seul objectif: être réélu. Il multiplie les déclarations et les mesures, dans l’espoir de barrer la route à l’extrême droite qui impose le tempo en France. Participent de ces mesures, résolument électoralistes, la réhabilitation des harkis et le durcissement de l’octroi des visas au Maroc, à l’Algérie et à la Tunisie.
Mais quels que soient les objectifs assignés aux propos de Macron, ceux qu’il a tenus jeudi dernier à dix-huit jeunes, portent le sceau de la vérité. Venant du chef de l’Etat, ils vont résonner au-delà de toute espérance.
Comment va réagir la junte?