Un comble: quand un violeur reconnu est nominé au prix RSF pour la liberté de la presse

Omar Radi. . DR

Dans le cadre de la 30e édition du prix RSF pour la liberté de la presse 2022, Reporters sans frontières a nominé Omar Radi dans la catégorie «prix de l’indépendance». Un moyen de blanchir un détenu de droit commun, inculpé pour viol. Mais de quelle liberté parle-t-on en fait?

Le 10/12/2022 à 08h40

S’il est désormais établi que certaines ONG ne sont en réalité que des instruments dont la vocation est de tordre le cou aux faits et faire pression sur des pays ou parties, Reporters sans frontières (RSF) fait fort en la matière s’agissant du Maroc. Remettant le couvert sur une affaire jugée, l’ONG censée défendre la liberté de la presse et les journalistes de par le monde n’a trouvé mieux que de tenter de consacrer un journaliste, certes, mais condamné pour viol.

Ainsi, dans le cadre de la 30e édition du prix RSF pour la liberté de la presse 2022 qui sera décerné le 12 décembre prochain, l’ONG a nominé Omar Radi dans la catégorie «prix de l’indépendance», une des trois séquences prévues lors de la cérémonie qui se tiendra à Paris.

Il faut rappeler qu'à la suite de plusieurs audiences marquées par de nombreuses demandes de report du procès émanant de sa défense, Omar Radi a été condamné le 19 juillet 2021, par la Chambre criminelle de la Cour d'appel de Casablanca, à six ans de prison ferme assortis d'une amende de 200.000 dirhams pour viol et atteinte à la sécurité intérieure de l'Etat dans deux affaires instruites séparément mais jugées ensemble.

Mais si Omar Radi est derrière les barreaux, c’est en tant que détenu de droit commun. C’est pour viol qu’il a été arrêté, poursuivi et condamné suivant un Code pénal marocain qui prévoit jusqu’à 10 ans de prison pour un tel crime. Les faits sont têtus: Omar Radi n’a pas été condamné en tant que journaliste, ni de façon générale, ni dans une affaire de droit et liberté d'expression et d'opinion. Son interpellation s’est faite suite à une plainte pour viol déposée contre lui par Hafsa Boutahar (article 485 et 486 du Code pénal). Et c’est la loi qui s’est appliquée.

Très médiatisée, sa condamnation a été prononcée à l'issue d'un procès jugé équitable durant lequel tous les droits de la défense ont été garantis, et ce, conformément aux dispositions pertinentes du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dont le Maroc est signataire.

En tentant de la sorte de réhabiliter Omar Radi et d’en faire un héros de la liberté d’expression, RSF ne fait que s’enfoncer dans sa volonté d’occulter le vrai sujet: les droits des victimes. Le viol caractérisé commis sur Hafsa Boutahar constitue une violation caractérisée des droits de la femme à un moment où la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles représente une priorité de l'agenda international.

C’est un destin déjà brisé, celui de la victime, que l’ONG veut désormais enterrer vivant. Ecouter Hafsa Boutahar en témoigner (comme elle l'a fait le 2 juin 2021 au micro de Le360), c’est mesurer tout l’écart entre l’atrocité des faits et leurs désastreuses conséquences sur la vie d’une femme et la volonté nimbée d’idéologie et d’hostilité envers le Maroc de ceux qui se dressent aujourd’hui pour défendre et couronner leur auteur.

Octroyer un prix à cette personne, c’est non seulement insulter les règles déontologiques et éthiques devant être suivies par tout journaliste digne de ce nom. C’est se rendre complice d’un acte criminel d’une immense gravité, en amplifiant l'impunité de cette personne et en redorant son blason. Or, un journaliste n'est pas au-dessus de la loi. A l'instar des autres citoyens, il est tenu, au minimum, de respecter les lois de son pays, quand il ne doit pas être exemplaire en matière de respect scrupuleux des droits de l'homme.

En cautionnant un violeur patenté, RSF admet que les droits de l’homme sont de facto à géométrie variable et que la qualité de journaliste suffit à enfreindre la loi et bafouer la dignité d’autrui, quitte à passer sciemment sous silence la voix de la victime, elle-même journaliste au demeurant.

La mise en scène en perspective et l’octroi éventuel d’un prix de l’indépendance à un violeur revient à compromettre la crédibilité tant dudit prix que de l’institution qui l’octroie et à commettre un impardonnable déni d’un droit de l'homme, en l’occurrence celui des victimes de viol.

Par Youssef Bellarbi
Le 10/12/2022 à 08h40