Le «prix de l'Indépendance» attribué à Omar Radi, ou quand Reporters sans frontières couronne un violeur patenté

Journaliste, Omar Radi se trouve actuellement en prison, condamné pour un viol qu'il a commis sur une autre journaliste, Hafsa Boutahar. Il a reçu un «prix de l’Indépendance», décerné par l'ONG Reporters Sans frontières, le 12 décembre 2022, à Paris. . Le360 (photomontage)

Comme attendu, les noms des lauréats du prix de l'ONG Reporters sans frontières (RSF) pour la liberté de la presse 2022 ont été dévoilés hier, lundi 12 décembre à Paris. Omar Radi, journaliste condamné pour un viol qu'il a commis, a remporté le «prix de l’Indépendance». Au mépris du simple bon sens et, surtout, des droits de sa victime.

Le 13/12/2022 à 09h13, mis à jour le 13/12/2022 à 17h15

L’évènement se voulait grandiose avec la présence, notamment, de Dmitri Mouratov, journaliste russe, prix Nobel de la paix 2021. Organisée hier, lundi 12 décembre 2022 à Paris, la cérémonie de la 30e édition du prix Reporters sans frontières (RSF) pour la liberté de la presse avait pour but avoué de distinguer des journalistes ayant contribué de «manière notable à la défense ou à la promotion de la liberté de la presse dans le monde». La réalité est en fait vraiment autre.

En tout, 15 journalistes et médias originaires de 15 pays avaient été nommés dans un total de trois catégories. Parfaitement orchestré, l’évènement a ainsi récompensé une journaliste iranienne, Narges Mohammadi (dans la catégorie «Courage»), les deux journalistes ukrainiens Mstyslav Tchernov et Yevhen Maloletka (dans la catégorie «Impact»)… Et le journaliste marocain Omar Radi (dans la catégorie «Indépendance»).

A lui seul, ce «casting» en dit long sur le véritable agenda que cachent ces distinctions, dont la vocation est de tordre, pêle-mêle, le cou aux faits et faire pression sur des pays ou des parties en particulier. Cette année, Reporter sans frontières a fait fort, s’agissant du Maroc, en remettant le couvert sur une affaire déjà jugée et en consacrant un journaliste, certes, mais qui a été condamné pour une affaire liée au droit commun, et pas n'importe laquelle: un viol.

Si Omar Radi se trouve actuellement derrière les barreaux, c’est en effet en tant que détenu de droit commun. C’est bel et bien pour viol qu’il avait commis, qu'il été arrêté, poursuivi et condamné suivant les dispositions du Code pénal marocain, qui prévoit pour ce genre de crimes jusqu’à 10 ans de prison.

Rappelons d’ailleurs qu’à la suite de plusieurs audiences, marquées par de nombreuses demandes de reports du procès émanant de la défense du prévenu, Omar Radi a été condamné le 19 juillet 2021 par la Chambre criminelle de la Cour d'appel de Casablanca à six ans de prison ferme, et à s'acquitter du versement d'une amende de 200.000 dirhams.

Omar Radi avait été interpellé suite à une plainte pour viol, qui avait été déposée contre lui par Hafsa Boutahar, sa victime, dans le strict respect des termes de la loi.

Dans cette affaire, ce n’est pas sa qualité de journaliste qui était en question, et encore moins son étiquette autoproclamée de défenseur des droits de l’homme, de la liberté d'expression et d'opinion.

Sa condamnation a été prononcée à l'issue d'un procès jugé équitable, largement médiatisé, durant lequel tous les droits de la défense ont été garantis, conformément aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont le Maroc est signataire.

En consacrant un violeur reconnu, en tant que héros de la liberté d’expression, RSF occulte ainsi sciemment le vrai sujet: les droits des victimes. Le viol caractérisé qu'a commis Omar Radi sur Hafsa Boutahar est, de fait, une violation des droits des femmes, de ce qu'est un être humain, à un moment où la lutte contre les violences faites aux femmes et aux mineures, est une priorité dans bien des pays. RSF n'a, à l’évidence, que faire de cela.

Il reste une vie brisée, celle de la victime d'un viol, que RSF veut désormais enterrer vivante. Ecouter Hafsa Boutahar témoigner de ce qui lui est arrivé, c’est mesurer tout l’écart entre l’atrocité des faits qu'elle a vécus, leurs désastreuses conséquences sur sa vie, et cette volonté, maquillée sous les dehors de la défense de nobles valeurs, de pourfendre un Maroc envers lequel l'hostilité n'est même pas dissimulée. Car telle est la volonté de ceux qui se dressent aujourd’hui, avec force grandes et belles paroles, en défendant et en couronnant celui qui n'est, en fait, que le violeur d'une femme. 

En agissant de la sorte, l’ONG porte un sérieux coup aux règles éthiques et morales auxquelles tout journaliste digne de ce nom est tenu. Un journaliste n'est pas au-dessus des lois. Tout comme d'autres citoyens, il est tenu au minimum de respecter les lois du pays où il travaille, et devrait être exemplaire en ce qui concerne le simple respect des valeurs des droits humains. Voilà: en lui décernant un prix, RSF couvre un violeur, et se rend complice d’un crime d’une immense gravité, en amplifiant l'impunité de cette personne, et en cherchant maladroitement ainsi à redorer son blason.

Cette consécration vient confirmer que pour ces personnes, les droits de l’homme sont décidément à géométrie variable, et qu'être qualifié de journaliste suffit pour enfreindre les lois et bafouer la dignité des autres. Quitte à passer volontairement sous silence la voix de la victime, elle-même journaliste, d'ailleurs.

Cette mise en scène qu'est l’octroi d’un «prix de l’indépendance» à celui qui est un violeur équivaut à gravement compromettre la crédibilité tant de ce prix, que de l’institution qui l’octroie. Les grands discours, comme ceux qui ont pu être prononcés au cours de cette cérémonie par certains responsables de RSF, n’altèrent en rien les faits: Omar Radi, un «héros» de cette cérémonie de remise de prix, s’est rendu coupable d'un viol, et l'ONG RSF en est, de facto, complice. Honteux. 

Par Youssef Bellarbi
Le 13/12/2022 à 09h13, mis à jour le 13/12/2022 à 17h15