Le scandale des 24 crânes triomphalement reçus en 2020 par la junte au pouvoir en Algérie de la part de la France n’en finit pas de livrer ses secrets. On s’en souvient, ces restes humains avaient été présentés par le régime algérien comme correspondant à des martyrs du combat pour l’indépendance de ce pays voisin avant que le New York Times du 17 octobre dernier ne révèle qu’il s’agit essentiellement de harkis et de bandits.
Cette semaine, c’est l’hebdomadaire Le Canard enchaîné qui revient sur cette affaire dans un article au titre des plus évocateurs: «Une grosse prise de têtes». Le journal y détaille comment les autorités algériennes, pourtant «très chatouilleuses sur les questions mémorielles, se sont curieusement pris les pieds dans le linceul à l’occasion de la restitution par la France, en 2020, des crânes de 24 résistants à la colonisation».
Les révélations faites autour de la (vraie) nature de ces crânes y sont qualifiées d’embarrassantes, d’autant que ceux-ci «ont été accueillis à Alger avec les honneurs militaires et inhumés dans le carré des martyrs du cimetière d’El Alia (considéré comme le Panthéon des chouhadas en Algérie, Ndlr), aux côtés de ceux des combattants tombés lors de la lutte pour l’indépendance». En bref, la junte a enterré côté à côte les victimes et leurs bourreaux, d’anciens supplétifs de l’armée française -deux tirailleurs et un zouave-, que l’Algérie considère officiellement comme des «traîtres» et des «collabos».
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Mieux encore, et toujours d’après Le Canard enchaîné, le Muséum national d'histoire naturelle - qui conservait les têtes, à Paris, dans les cartons du genre boîte à chaussures - a transmis aux autorités algériennes toute la documentation en sa possession. «Apparemment, personne ne s’est donné la peine de la lire, de l’autre côté de la Méditerranée!». C’est dire!
L’assertion est confirmée par le ministère français des Affaires étrangères qui avait confirmé au New York Times que la liste complète identifiant les 24 crânes a été «approuvée par les deux parties», le 26 juin 2020. C’est d'ailleurs dans cette liste que «se trouvaient des voleurs emprisonnés et trois fantassins algériens ayant effectivement servi dans l'armée française», précisait le journal américain, qui l’a consultée.
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Face à l’énormité du scandale, le régime algérien rumine toujours sa honte et opte pour sa grande spécialité: le déni. Lequel régime a, rappelons-le, offert le 3 juillet 2020, une somptueuse cérémonie officielle présidée par le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, et le chef d’état-major de l’armée algérienne, le général Saïd Chengriha, et organisée à l’aéroport Houari Boumédiène d’Alger pour accueillir solennellement les 24 crânes datant du XIXe siècle, dont les cercueils ont été recouverts de drapeaux algériens flambant neuf. C’était avant de les enterrer, deux jours plus tard, avec tous les honneurs et hommages, au très «select» Carré des martyrs, dudit cimetière El Alia d’Alger.
L’affaire a beau éclaté au grand jour à coups de révélations venant tant de personnalités comme l’anthropologue algérien, Ali Farid Belkadi, dont les conclusions d’enquêtes et travaux relatifs à ces crânes algériens ont été rapportées par un site électronique algérien très peu suspect d’être anti-régime, Algeriepatriotique, le média du général à la retraite Khaled Nezzar, que du New York Times, la junte regarde ailleurs.
Lundi 24 octobre dernier, le ministre des moudjahidines, Laïd Rebiga, a fini par sortir de son long mutisme… pour démentir les faits révélés par le journal américain. «Les résistants ont été identifiés clairement, d’une manière scientifique et suivant les normes mondiales dans le domaine. L’opération d’identification s’est faite bien avant la restitution des crânes à l’Algérie», s’est-il contenté de dire, sans plus de précisions. Si ce n’est que, là encore, «c’est l’Algérie qui est ciblée par cette campagne médiatique mensongère. Nous allons dévoiler plus de détails concernant cette affaire prochainement», a-t-il promis, en renvoyant lesdits «détails» aux calendes grecques. Autant dire qu’extrêmement embarrassé par ces révélations fracassantes du journal américain, le régime algérien choisit le silence et la facilité du complotisme.