Un homme, une légende: Abdelkrim El Khattabi et la bataille du Rif

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Le 21 juillet, le Maroc célébrait le 97e anniversaire de la bataille d’Anoual qui opposait la résistance marocaine conduite par Mohamed Ben Abelkrim El Khattabi à l’occupation espagnole.

Le 22/07/2018 à 17h36

Entre 1907 et 1912, le chérif Mohamed Ameziane s’impose à la tête de la résistance marocaine sur le champ de bataille face aux troupes espagnoles.

Le 15 mai 1912, il meurt en héros pendant le combat, passant ainsi le flambeau de la résistance du Rif à Mohamed ben Abdelkrim El Khattabi.

La naissance d’une icône

Né à Ajdir au Maroc, fils d’un cadi de la tribu Aït Ouriaghel, El Khattab fait son éducation dans les zaouïas traditionnelles et les écoles espagnoles.

Il poursuit ensuite son enseignement à l’université Qaraouiyine de Fès, avant de rejoindre l’Espagne pour y étudier pendant trois ans les technologies militaires.

Entre 1908 et 1915, il ajoute des cordes à son arc en devenant journaliste au quotidien de Melilla dans les colonnes duquel on prône la laïcité et la coopération avec les Occidentaux. Dès 1915, il rejoint l’administration espagnole avant d’être nommé cadi-chef de Melilla. Une promotion de courte durée, car il sera emprisonné en 1917 pour s’être opposé à l’expansion de la domination espagnole dans le nord du Maroc.

Il parvient à s’échapper de prison et rejoint alors Ajdir, sa ville natale en 1919 où il retrouve son frère avec lequel il entreprend d’unir les tribus du Rif dans le cadre d’une République du Rif indépendante.

La bataille d'Anoual, une première dans le monde

Homme charismatique et fin stratège, il parvient rapidement à s’imposer comme un chef de guerre, à réorganiser le mouvement de résistance aux niveaux politique, stratégique, militaire et logistique afin de couvrir tout le nord du Royaume.

Sa force de rassemblement et son sens de l’organisation sont les principales armes de ce héros d’un nouveau genre. Son style novateur ne d’ailleurs pas tarder à porter ses fruits. Le 21 juillet 1921, il mène la bataille d’Anoual et met en déroute les troupes espagnoles.

El Khattabi emploie des tactiques de guérillas qui désarçonnent les forces d'occupation espagnoles menées par le général Sylvestre les contraignant à se retrancher dans la ville de Melilla.

Meurtries par les pertes humaines et matérielles causées par cette bataille, les forces espagnoles n'ont d'autre choix que de négocier avec les résistants marocains pour limiter les dégâts et sauver la face.

Cette bataille marquera les esprits, car elle représente la première défaite d’une puissance coloniale européenne, disposant d’une armée moderne et bien équipée face à des résistants ne disposant pas des mêmes moyens.

La République du Rif est née...

En 1922, la République confédérée des Tribus du Rif est née et devient ainsi la première République issue d’une guerre de décolonisation au XXe siècle.

El Khattabi crée un parlement constitué des chefs de tribus, s’ensuit la naissance d’un gouvernement, d’une monnaie, d’une banque d’état, d’une justice moderne et indépendante. Les infrastructures routières et les ponts apparaissent, ainsi que le téléphone et le télégramme. L’ordre, la sécurité et l’éducation prennent le pas sur les vendettas et les guerres de clans.

Craignant que cette résistance marocaine ne serve d’exemple à d’autres colonies, la France entre en guerre et en 1925, El Khattabi doit faire face à une alliance franco-espagnole bien trop forte.

Malgré l'alliance des forces d'occupation franco-espagnoles, Abdelkrim El Khattabi et ses partisans ne capitulent pas et durant une année entière, mènent d'âpres négociations avec les deux puissances. La cessation de la lutte armée du Rif sera actée, sans toutefois que les Marocains rendent les armes.

Le 26 mai 1926, constatant qu'il s'agissait d'une guerre à forces inégales entre les deux parties, Abdelkrim El Khattabi préfère se rendre à l'occupant français et épargner, ainsi, la vie de nombreux soldats voués à la cause de la libération. Les Marocains n’en seront pas pour autant épargnés, car pour s’assurer qu’un tel soulèvement ne se reproduise pas, des avions munis de gaz moutarde bombardent des villages du Rif. Les Marocains du Rif seront ainsi les premiers civils gazés massivement dans l’histoire avec près de 150.000 morts entre 1925 et 1926.

La lutte acharnée des fils du nord du Royaume et des habitants du Rif s'est poursuivie jusqu'à la naissance du Mouvement national et de libération avec l'appui de feu SM Mohammed V qui a accédé au Trône le 18 novembre 1927.

Quant à Abderkim El Khattabi, il sera exilé à la Réunion en 1926. Il vivra en France quelques années avant de s’éteindre au Caire en 1963.

Par Zineb Ibnouzahir
Le 22/07/2018 à 17h36