Voici les risques systémiques qui pèsent sur le système financier marocain

Bank Al-Maghrib, à Casablanca.

Bank Al-Maghrib, à Casablanca. . DR

Le Comité de coordination et de surveillance des risquessystémiques (CCSRS) a tenu le 24 décembre sa dixième réunion au siège de Bank Al-Maghrib (BAM) à Rabat. En voici les principales conclusions.

Le 25/12/2019 à 13h39

Le Comité a examiné l’état d’avancement de la feuille de route inter-autorités de stabilité financière couvrant la période 2019-2021 et analysé la cartographie des risques systémiques pesant sur le système financier national.

L’analyse de la situation du système financier au regard des tendances économiques et financières observées et attendues, a amené le comité à relever les principaux constats suivants:

- Les risques macroéconomiques demeurent globalement modérés dans un contexte international empreint d’incertitudes liées principalement à la persistance des conflits commerciaux et des tensions géopolitiques qui continuent de peser sur la croissance mondiale. Au niveau des comptes extérieurs, le déficit du compte courant, après un creusement en 2018 à 5,5% du PIB, devrait s’alléger à 4,6% en 2019 et poursuivrait son amélioration au cours des deux prochaines années. Les réserves internationales nettes continueraient sur l’horizon de prévision à assurer autour de 5 mois d’importations de biens et services. La croissance nationale connaitrait un ralentissement en 2019 à 2,6% après 3% en 2018, sous l’effet de la baisse de la valeur ajoutée agricole. Celle du secteur non agricole, pour sa part, connaîtrait une certaine amélioration avec une croissance passant de 2,6% en 2018 à 3,3% en 2019, à 3,5% en 2020 et à 3,7% en 2021. Au niveau des finances publiques, le déficit budgétaire hors privatisation se creuserait à 4,1% du PIB en 2019 après 3,7% en 2018. Toutefois, au cours des deux prochaines années, la consolidation budgétaire se poursuivrait, le déficit devant revenir à 3,8% du PIB en 2020 et à 3,5% en 2021.

- Dans un contexte de raffermissement de l’activité non agricole, le crédit bancaire a enregistré une légère reprise profitant particulièrement aux sociétés privées. Le taux des créances en souffrance des entreprises non financières s’est stabilisé autour de 10% et celui des ménages est passé de 7,4% en 2018 à 7,9%.

- Dans cette conjoncture et en dépit du ralentissement de leur marge d’intérêt, les banques sont parvenues au titre du premier semestre 2019 à préserver leur rentabilité en lien notamment avec l’accroissement des résultats des activités de marché conjugué à une baisse du coût du risque. Au plan de la capitalisation, elles continuent de dégager des ratios de solvabilité supérieurs aux minimas réglementaires. Le risque de concentration sur les gros débiteurs auquel est exposé le secteur bancaire continue de faire l’objet d’un suivi particulier. Par ailleurs, une attention spécifique continue d’être accordée à la gestion des cyber-risques par les banques, dans un contexte de digitalisation accrue des services bancaires

- Dans l’ensemble, le secteur des assurances continue de faire preuve de solidité et de croissance aussi bien en vie qu’en non vie. Il dégage une marge de solvabilité, en couverture du risque de souscription, largement supérieure au minimum réglementaire. Ces excédents de marge devraient, néanmoins, connaître une baisse significative avec le passage à la solvabilité basée sur les risques. Le secteur doit également parer à la détérioration de la sinistralité sur la branche non vie et à la baisse des rendements des actifs, dans un contexte de baisse des taux d’intérêt.

- S’agissant des régimes de retraite, la sous-tarification des droits acquis dans le cadre de la branche long-terme de la CNSS et du régime général du RCAR conduit à une forte accumulation des dettes implicites (engagements non couverts) des deux régimes. En ce qui concerne le régime des pensions civiles géré par la CMR, sa réforme paramétrique intervenue en 2016 a permis d’équilibrer sa tarification au titre des droits acquis après 2017. Toutefois, l’importance des engagements du régime au titre des droits acquis avant la réforme menace à court terme sa pérennité, avec un épuisement des réserves projeté pour 2029.

- Le marché des capitaux demeure stable avec une faible volatilité des marchés actions et obligataires. La capitalisation boursière s’établit à 609 milliards de dirhams à fin novembre 2019, en progression de 6% en glissement annuel. Cette évolution est portée notamment par la nette augmentation du niveau d’émission sur le marché boursier par rapport aux six dernières années. La liquidité de ce marché, quoique faible, s’est légèrement améliorée au 2ème semestre. Pour sa part, le niveau de valorisation est proche de sa moyenne historique des cinq dernières années qui reste néanmoins élevée (PER de 19,3x). Le marché de la dette privée a connu une augmentation sensible des émissions en 2019 atteignant plus de 77 milliards de dirhams contre 70 milliards en 2018 et l’encours ressort également en progression à fin novembre de près de 13% en glissement annuel. Avec 457,5 milliards de dirhams à fin octobre, l’actif net des OPCVM est en progression de 4% en glissement annuel, avec une orientation de la collecte vers la catégorie obligataire de moyen et long termes. Concernant le risque opérationnel des entreprises de marché (Bourse de Casablanca et le Dépositaire Central), il reste maîtrisé avec un nombre d’incidents techniques et un taux de suspens des transactions très faibles.

Le Comité a, par ailleurs, fait le point sur l’état d’avancement des actions inscrites dans la feuille de route sectorielle pour la mise en œuvre des recommandations du GAFIMOAN en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme dans le secteur financier. Dans ce cadre, les régulateurs financiers ont contribué à la refonte du cadre légal et à la finalisation de l’Evaluation nationale des risques y afférents conjointement avec les autres autorités concernées. Ils ont également renforcé le corpus réglementaire et édicté des guides destinés aux acteurs financiers tout en intensifiant les actions de sensibilisation et de supervision à leur égard.

Par Ayoub Khattabi
Le 25/12/2019 à 13h39