Les mesures interdisant les rassemblements dans le cadre de la lutte contre le coronavirus ont mis à l’arrêt total le secteur de l’événementiel, qui regroupe plus de 5.000 entreprises, selon une étude réalisée par le GPPEM (Groupement des prestataires de l’événementiel du Maroc). Plusieurs d’entre elles sont déjà condamnées, alors que d’autres survivent avec le peu de trésorerie qui leur reste.
«A ce jour, on parle de la moitié des entreprises qui ont fermé mais au moment où je vous parle d’autres prennent cette décision. Face aux charges, les professionnels ne peuvent que fermer, ce n’est pas un choix», explique Hakim Masbahi, secrétaire général du GPPEM et directeur de High Tech Vision, une société qui générait près de 25 millions de dirhams de chiffre d’affaires annuel.
En plus des entreprises structurées, le secteur de l’événementiel est un véritable écosystème avec de nombreuses petites mains et free-lances. Ce sont ceux là qui se retrouvent dans une situation critique, comme l’explique Mehdi Chaibi, directeur technique son et lumière: «pour nous, la haute saison était entre septembre et octobre. Ensuite nous nous sommes arrêtés et au mois de mars qui devait marquer la reprise, il y a eu le confinement et nous avons tout arrêté. Même des évènements qui étaient prévus au mois de septembre 2020 ont été annulés bien avant. Il y a des gens dans notre domaine qui n’ont pas trouvé de quoi manger, en particulier les free-lances».
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Pour les loueurs de matériels, le constat est le même. Avec une activité à l’arrêt, le matériel son et lumière subit les dégâts dus à la poussière et à l’humidité dans les hangars. Hakim Chegraoui, directeur de Sound Next, a dû se séparer de plus de 80% de son effectif et continue de débourser d’importantes sommes pour maintenir son matériel en état.
«Nous avions 17 salariés et maintenant nous n'en avons plus que quatre. Avec le manque de visibilité après 6 mois et l’arrêt des aides de la CNSS, nous avons dû prendre la décision de mettre fin à notre collaboration. Aussi l’entretien nous coûte de l’argent, la sonorisation, l’éclairage, c’est du matériel que nous devons régulièrement faire marcher. Ça nous coûte de l’argent en pièces et en main d’œuvre» confie ce jeune entrepreneur.
Face à ce constat, les autorités ont déclaré l’événementiel comme étant un secteur sinistré et ont alloué une aide à l’industrie. Cependant, cette aide, bien qu’elle soit saluée par les professionnels, reste insuffisante selon eux.
«Les autorités ont alloué une certaine somme pour les professionnels, mais ces montants ne sont pas suffisants. Il y a des gens qui ont des loyers, des charges à payer. Pour certains, ces montants n’ont même pas suffi à nourrir leurs familles», témoigne Mehdi Chaibi, directeur technique son et lumière.
«Reporter des échéances et donner 2000 dirhams à un employé ce n’est pas suffisant, on ne peut pas dire que c’est rien, parce que ça reste une lourde charge pour l’Etat, mais ce n’est pas suffisant. Si on veut sauver un secteur, il faut prendre des décisions pragmatiques», renchérit Hakim Masbahi, directeur de High Tech Vision et secrétaire général du GPPEM, qui appelle les autorités à autoriser la reprise de l’activité de manière progressive.
Pour encourager cette reprise, le GPPEM a organisé une simulation d’évènements en conditions réelles, mardi 6 octobre à Casablanca. Cette simulation était un SOS lancé aux autorités pour les appeler à valider le protocole élaboré par ce groupement de professionnels, pour relancer l’activité, à l’instar de ce qui a lieu dans d’autres secteurs.
«Nous ne voulons pas de privilèges, nous voulons juste redémarrer l’activité et si un café peut accueillir 50 personnes côte à côte nous demandons à les asseoir dans une salle de fête ou une salle de conférence avec toutes les mesures de sécurité sanitaire. Les entreprises structurées pourront tenir au maximum un an, un an et demi, si la situation ne change pas», ajoute le secrétaire général du groupement.
Le manque de visibilité est la problématique majeure de ces professionnels. Certains ont même complètement changé d’activité pour essayer de sauver quelques emplois. Hakim Chegraoui, notre loueur de matériel, a monté une petite structure de livraison de légumes qui s’autofinance, et qui lui a permis de sauver quatre employés.
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Autre crainte pour les professionnels: une émigration de certains d'entre eux, expérimentés, vers l’étranger.
«Il y a beaucoup de créatifs marocains qui travaillent dans d’autres pays, à l’international, parce qu’ils sont reconnus dans leur domaine, et si les choses continuent comme ça, il y aura une migration totale vers d’autre pays», s’indigne Mohamed Badie Boussouni, créatif, réalisateur et motion designer qui travaille dans l'événementiel depuis plusieurs années.
Au fil des années, le Maroc, en accueillant des évènements de grande envergure, a su s'imposer dans l’industrie de l’événementiel au niveau mondial. Aujourd’hui, avec cette crise, en plus des emplois, c’est un véritable savoir-faire qui risque de disparaître.