L’incroyable arnaque du groupe immobilier Bab Darna n’a pas fini de faire parler d'elle. Hier, au cours d’une conférence de presse tenue à Casablanca, le président de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers, Taoufik Kamil, s’est exprimé sur cette retentissante affaire qui a défrayé la chronique, à la fin de l'année dernière.
Taoufik Kamil a d’emblée affirmé que l’initiateur de l’arnaque «n’est pas un promoteur, mais un escroc», et que la FNPI avait eu, dès 2016, des soupçons quant au sérieux du projet Bab Darna.
Les publicités et les promotions surréalistes diffusées à l’époque par le groupe Bab Darna à la télévision nationale, à des heures de grande écoute, avaient mis la puce à l’oreille des membres de la Fédération, qui s’étaient alors empressés d’alerter les autorités.
Taoufik Kamil, qui est par ailleurs député à la première Chambre, rappelle que la question de la diffusion de ces publicités mensongères avait été soulevée au Parlement, sans que cela ne débouche sur une réaction des autorités.
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A la FNPI, on estime que pour écarter les esprits mal intentionnés du métier de promoteur immobilier, il est nécessaire de renforcer l’arsenal législatif encadrant la profession.
«En tant que Fédération, nous n’avons pas le pouvoir de contrôle», affirme le président de la Fédération, mais d'ajouter que «nous avons demandé dans notre mémorandum de l’an dernier [adressé au ministère de l’Habitat, de l’Urbanisme et de la Politique de la ville, Ndlr] la mise en place du statut du promoteur, pour mieux encadrer et réglementer la profession».
L’idée derrière la création de ce statut, est de chasser les intrus et autres escrocs qui ne disposent ni des capacités techniques ni des capacités financières pour exercer le métier de promoteur, et qui entachent l’image de la profession. Une proposition qui est restée lettre morte, pour le moment.
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La FNPI estime, à ce titre, que l’arsenal législatif du pays en matière de promotion immobilière accuse toujours du retard par rapport à la réalité du terrain. «Les textes de loi sont établis sans aucune concertation avec les professionnels», déplore Taoufik Kamil. Ce dernier rappelle que la FNPI a créé, de sa propre initiative, le label «Iltizam» afin d’assurer la bonne exécution des projets, le respect des normes et, surtout, attester de la bonne foi du promoteur.
Par ailleurs, avec l’affaire Bab Darna, la problématique des amicales d’habitat, ces associations qui produisent des logements en auto-construction pour une livraison à elles-mêmes, et à but non lucratif, est également revenue sur le devant de la scène.
«Nous n’avons rien contre le principe des amicales», assure Taoufik Kamil. Mais les promoteurs déplorent que certaines de ces associations, qui bénéficient d’un régime fiscal très avantageux, soient devenues de véritables industries, qui sillonnent les salons, comme le SMAP Immo de Paris, pour recruter des acquéreurs, ce qui est strictement interdit. La FNPI propose que ces amicales passent du statut d’associations à celui de coopératives, placées directement sous la tutelle du ministère de l’habitat.
Rappelons que l'affaire Bab Darna est la plus grosse arnaque immobilière de l’histoire du Maroc. Entre 2017 et 2018, près d'une douzaine de projets immobiliers fictifs, tous standings confondus, avaient été commercialisés par Bab Darna. Le PDG du groupe, Mohammed El Ouardi, et ses nombreuses sociétés immobilières, ne détenaient, en fait, aucun des terrains sur lesquels devaient être bâtis ces projets, et ont laissé sur le carreau plus de 1.000 réservataires, qui leur avaient avancé des sommes parfois très importantes.
Selon des projections fiables, le montant des avances non restituées par le groupe Bab Darna est estimé à plus de 400 millions de dirhams, sans compter les 80 millions de dirhams de créances en souffrance cumulées auprès du secteur bancaire.
Sept personnes ont, depuis, été arrêtées: Mohamed El Ouardi, le PDG du groupe, mais aussi sa directrice financière, son directeur commercial, un commercial et un comptable, en plus d'un notaire, tous actuellement sous les verrous.
Début février dernier, à l’issue d’une longue série d’auditions, la juge d’instruction près le tribunal correctionnel de Aïn Sebaâ a fait état de «son incompétence» dans le traitement de ce lourd dossier, donnant ainsi au procès une nouvelle tournure.
Le dossier a ensuite été transféré à la chambre correctionnelle de la Cour d'appel après que les faits ont été requalifiés de crimes. Un juge d'instruction s’est alors saisi de l'affaire, qui est toujours à l'instruction.