Tourisme: voici ce que représente le marché américain pour le Maroc

Lors de l'arrivée du premier vol direct New York-Marrakech, vendredi 25 octobre à l'aéroport de Marrakech-Ménara.

C’est un marché à fort potentiel et les opérateurs touristiques ne peuvent plus se permettre de s’en passer. Bien que les arrivées de visiteurs américains varient au fil des saisons, leur appétit pour le Maroc reste intact, et il est temps pour le Royaume de capitaliser pleinement sur cette opportunité. Voici pourquoi.

Le 14/11/2024 à 12h54

Les chiffres de 2024 en témoignent: le Maroc a accueilli quelque 291.478 visiteurs américains à fin septembre, un chiffre en légère hausse par rapport à 2023 (+1%), mais encore en deçà des niveaux prépandémiques de 2019 (-9%). «Ce segment représente pourtant une opportunité inexploitée pour le pays, avec des touristes enclins à dépenser plus et à rechercher des expériences uniques. Face à la concurrence d’autres destinations méditerranéennes et nord-africaines comme l’Égypte et la Turquie, le Maroc doit affiner son approche pour capitaliser sur cette clientèle», analyse Zoubir Bouhoute, consultant.

Des arrivées irrégulières, mais un potentiel intact

L’évolution des arrivées en provenance des États-Unis pour 2024 montre une certaine volatilité, avec des fluctuations mensuelles marquées. En début d’année, janvier a enregistré une baisse significative de 18% par rapport à 2019, tandis que février a marqué une reprise (+10%). Mars a, à nouveau, vu une baisse (-9%), et avril est resté stable par rapport à l’année précédente. Cependant, le mois de mai a été particulièrement performant avec une hausse de 30% des arrivées par rapport à 2019, un indicateur encourageant pour la saison estivale.

Évolution des arrivées en provenance des États-Unis (Source: ministère du Tourisme)

Évolution des Arrivées des États-Unis (2024 vs. 2019)
Mois Variation en % (2024 vs 2019)
Janvier -18%
Février +10%
Mars -9%
Avril 0%
Mai +30%
Juin -3%
Juillet -25%
Août -25%
Septembre +13%


Les mois de juin, juillet et août, en revanche, ont affiché des baisses marquées (-3% et -25% respectivement pour juillet et août), soulignant un ralentissement pendant les mois traditionnellement attractifs. Cette tendance s’est inversée en septembre, avec une augmentation de 13%, montrant une reprise tardive, mais encourageante. «Ces chiffres en dents de scie soulignent l’importance de mieux structurer l’offre pour attirer un flux plus constant et moins dépendant des effets de saisonnalité surtout après le lancement du vol direct New York-Marrakech par United Airlines», commente Zoubir Bouhoute.

Marrakech, destination phare, et des opportunités pour diversifier l’offre

Les données de nuitées montrent un fort intérêt pour Marrakech, qui concentre 34% des nuitées des touristes américains, confirmant son statut de destination préférée. Casablanca (13%) et Fès (12%) occupent les deuxième et troisième places, attirant respectivement des visiteurs pour leur patrimoine culturel et leur offre urbaine. Agadir, Rabat et Tanger représentent chacune 7% des nuitées, avec Essaouira (4%), Chefchaouen (3%) et Ouarzazate (2%) en tant que destinations secondaires.

«Ces chiffres montrent une grande concentration sur quelques villes, ce qui représente à la fois une force et une opportunité de diversification. En mettant en avant d’autres villes et en encourageant les itinéraires thématiques, le Maroc pourrait capter l’intérêt d’une clientèle qui, en plus de rechercher des sites emblématiques, souhaite aussi découvrir des lieux moins connus et des expériences uniques», estime ce professionnel.

Un profil de voyageur à forte valeur ajoutée

Les touristes américains se distinguent par un profil à fort potentiel économique. En 2023, leurs dépenses moyennes par séjour ont atteint 14.782 dirhams, pour un total de 4.901 millions de dirhams générés, illustrant leur disposition à dépenser pour des expériences de qualité. La durée moyenne de séjour est de 2,33 jours, un chiffre qui, bien qu’encourageant, reste en deçà de ce que le Maroc pourrait obtenir en développant une offre plus complète et variée.

Ce segment de visiteurs est également connu pour son intérêt pour le confort et les expériences haut de gamme. «Majoritairement transportés par des compagnies aériennes premium, ils privilégient les hébergements de qualité, allant des hôtels standards aux établissements cinq étoiles. Ce goût pour les services de haut niveau doit encourager les opérateurs marocains à miser davantage sur la qualité de l’accueil et le confort», fait observer notre interlocuteur.

Les motivations des touristes américains au Maroc se concentrent principalement autour de l’évasion émotionnelle et de la découverte de la culture locale. Ils recherchent des expériences gastronomiques uniques, l’immersion dans des villes aux richesses culturelles comme Marrakech et Fès, et des moments d’évasion dans la nature. L’appétit pour la cuisine locale et les produits du terroir, les circuits culturels et les city breaks sont des attentes clés pour ce segment. Casablanca et Marrakech sont, d’ailleurs, les mieux associés à ces attentes, avec Casablanca en tête pour les city breaks et Marrakech pour la gastronomie et les expériences urbaines.

Pourquoi faut-il se démarquer face à l’Égypte et à la Turquie?

La concurrence dans la région reste cependant intense, en particulier avec l’Égypte et la Turquie, qui captent aussi les voyageurs américains par leurs offres culturelles et historiques. Pour se démarquer, le Maroc doit insister sur ses atouts distinctifs, comme l’exclusivité et l’authenticité de son expérience touristique, son patrimoine gastronomique, et ses paysages naturels.

Actuellement, le Maroc se classe cinquième en termes de capital effectif sur le marché américain, avec un score d’équité effective de 9%, derrière l’Égypte mais devant la Turquie. Néanmoins, pour gagner en compétitivité, le Maroc devra renforcer son image de marque, améliorer son positionnement dans le domaine de l’hospitalité et développer une offre qui répond mieux aux attentes des touristes américains.

Avec un TCAM (taux de croissance annuel moyen) de -3% sur la période 2019-2024, les arrivées touristiques au Maroc restent en dessous de leur potentiel. Les touristes étrangers au Maroc (TES), représentant 86% des arrivées avec 251.439 visiteurs en 2024, ont vu une baisse de 1% par rapport à 2023 et de 5% par rapport à 2019, avec un TCAM de -2%. En revanche, le segment des Marocains résidant à l’étranger (MRE) a connu une hausse de 15% par rapport à 2023.

Pour les nuitées dans les établissements hôteliers classés, les chiffres montrent une augmentation de 6% par rapport à 2019, bien que les nuitées des TES aient diminué de 15% par rapport à 2023. Le TCAM pour les nuitées est de +2%, illustrant un léger redressement qui peut être renforcé par des initiatives stratégiques visant à prolonger les séjours.

Le marché américain représente donc un potentiel de croissance important pour le Maroc, mais pour transformer cet intérêt en flux régulier, il est impératif d’adapter l’offre aux attentes spécifiques de cette clientèle. «En renforçant la qualité des services, en diversifiant l’offre au-delà des villes phares, et en développant des partenariats avec des compagnies aériennes, le Maroc peut tirer parti de l’appétit des touristes américains pour des expériences authentiques et immersives. D’autant plus que les États-Unis deviendront le troisième plus grand marché émetteur en 2030, avec 146 millions de touristes, après la Chine (251 millions) et l’Allemagne (151 millions)», conclut Zoubir Bouhoute.

Par Hajar Kharroubi
Le 14/11/2024 à 12h54