Le Maroc souhaite développer d’importants projets gaziers pour accélérer sa transition énergétique. C’est dans ce cadre qu’un protocole d’accord a été signé, le 26 mars dernier, entre le ministère de la Transition énergétique et du Développement durable, le ministère de l’Intérieur, le ministère de l’Économie et des Finances et le ministère de l’Équipement et de l’Eau. Son objet: établir une feuille de route gazière renforçant la coordination des pouvoirs publics en vue de développer des infrastructures gazières durables au cours des dix prochaines années.
Ce protocole associe également cinq organismes et sociétés publics, à savoir l’Agence nationale des ports (ANP), l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE), l’Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM), la société Nador West Med et la Société nationale des autoroutes du Maroc (ADM).
Lors d’une intervention, le mardi 2 avril, au siège de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), Leila Benali, ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, a dévoilé les grands axes de ce programme stratégique qui sera piloté par son département. Concrètement, la feuille de route prévoit, à court terme (2024-2027), la construction de gazoducs domestiques qui permettront de transporter le gaz naturel liquéfié (GNL) issu des champs gaziers de Tendrara et d’Anchois (Larache) vers le réseau national et les sites industriels.
Construction de terminaux GNL dans trois ports
Il s’agira aussi de lancer simultanément plusieurs points d’entrée dédiés à l’importation et au stockage de gaz. Un terminal GNL sera construit au port de Nador West Med, ainsi qu’un gazoduc qui le connectera au Gazoduc Maghreb Europe (GME), et deux autres terminaux sont prévus au port atlantique de Jorf Lasfar 2 ou de Mohammedia, et au port de Dakhla Atlantique, dont le terminal sera connecté à terme au gazoduc Nigéria-Maroc.
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Rappelons que le département de Leila Benali avait signé, en juin 2023, un accord avec la Société financière internationale (SFI-IFC), filiale de la Banque mondiale, pour la réalisation d’études de faisabilité, la structuration et la gestion d’un processus d’appel d’offres qui sélectionnera un ou plusieurs partenaires privés chargés du développement, du financement et de l’exploitation de ces infrastructures gazières.
«Nous avons noué un partenariat avec SFI pour notamment structurer les contrats de partenariat public-privés et lancer, durant l’été prochain, la première phase de cette feuille de route gazière», a expliqué la ministre, précisant que les projets bancables seront privilégiés. «Nous souhaitons aussi une minimisation de la contribution de l’État pour permettre au secteur privé d’accroître ses investissements dans ces infrastructures et garantir une meilleure flexibilité dans leur mise en œuvre», a-t-elle souligné.
D’après Leila Benali, le Royaume, qui accuse un retard de 20 ans dans la mise en œuvre de son programme gazier, lancé en 2004, doit accélérer la cadence pour non seulement renforcer son secteur électrique, encore dépendant du charbon, mais également répondre aux besoins croissants de l’industrie. «Aujourd’hui, nous constatons une demande latente en gaz chez les industriels, notamment ceux établis dans la zone de Kénitra, qui traverse une situation critique marquée par l’épuisement des gisements du Gharb gérés par l’ONHYM. D’où la nécessité de développer des gazoducs qui permettront d’alimenter leurs unités», argumente-t-elle.
Devenir un grand corridor de transit énergétique
La ministre a évoqué, par ailleurs, la production de plus de 2,5 gigawatts (GW) de nouvelles capacités thermiques de gaz prévus par le plan d’équipement de l’ONEE à l’horizon 2027, qui s’ajouteront aux 800 MW déjà existants afin de répondre à la forte demande des industriels.
Le développement de ces gazoducs et terminaux permettra aussi, selon la ministre, d’alimenter de grands projets d’énergies renouvelables (notamment ceux du groupe OCP), mais également dans les industries de la céramique et du verre. Son département effectue actuellement un travail d’accompagnement en amont des compagnies minières, «afin de les encourager à développer des projets gaziers de manière économique pour baisser le coût de l’énergie pour l’industrie marocaine, mais aussi pour les consommateurs».
La vocation du Maroc, c’est de «devenir un grand corridor de transit énergétique bidirectionnel entre l’Afrique, l’Europe et le bassin atlantique, à l’instar de la Turquie, qui a six points d’entrée GNL dans ses frontières et 20.000 km de gazoducs sur son territoire», argumente la ministre. Et pour relever ce défi, «il est nécessaire de mettre en place une infrastructure flexible et agile dédiée au GNL, qui facilitera en outre à moyen ou long terme le transport de l’hydrogène via des hydroducs», conclut-elle.