Enjeu climatique, la décarbonation est aussi un défi économique à relever pour les exportateurs marocains avec l’instauration du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne. Dans un Policy Paper publié récemment, la fondation allemande Konrad-Adenauer-Stiftung a analysé l’impact de cette nouvelle mesure pour les exportateurs marocains et les ajustements politiques qu’elle impose.
En décembre 2022, le Parlement européen et les États membres de l’Union européenne (UE) annonçaient l’adoption d’un mécanisme visant à appliquer des «droits à polluer» aux importations européennes. Communément appelée «taxe carbone», cette mesure, qui entre en vigueur le 1er octobre 2023, concernera d’abord les secteurs les plus polluants, notamment ceux de l’acier, de l’aluminium, du ciment, des engrais, de l’électricité ou encore de l’hydrogène.
Hausse des coûts de production
Alors que près de 65% des exportations marocaines se destinent à l’Europe, les auteurs de l’étude s’accordent à dire que l’instauration de la taxe carbone aura impérativement un effet négatif sur la compétitivité et le volume de ces exportations dans un premier temps.
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Parmi les défis que pose ce mécanisme à l’économie marocaine figure l’augmentation des coûts d’exportation des marchandises. «Le passage aux énergies renouvelables dans les phosphates et l’industrie nécessitera des investissements qui feront exploser les coûts de production et réduiront donc la compétitivité des exportations marocaines», explique l’étude réalisée par les trois chercheurs: Lahcen Haddad, Ayoub Touati et Veronika Ertl.
Et d’ajouter: «L’actuel plan ambitieux de l’OCP d’investir 13 milliards de dollars pour atteindre une neutralité carbone d’ici 2040 rendra certainement les produits dérivés du phosphate plus compétitifs à long terme. Mais entre-temps, ses exportations vers l’UE risquent d’être négativement affectées, ce qui pourrait avoir un impact sur la balance des paiements au Maroc».
L’ampleur de cet impact dépendra d’une série de facteurs, notamment l’intensité en carbone des produits exportés, le niveau de concurrence sur le marché, la capacité des entreprises à s’adapter et à innover face à la nouvelle réglementation environnementale et la volonté du gouvernement marocain de mettre en place des politiques visant à soutenir les investissements «verts».
De réelles opportunités
Toutefois, au-delà des défis qu’il pose, le mécanisme d’ajustement carbone présente également des opportunités pour le Maroc. Il permettra d’accélérer la transition énergétique du pays vers une économie à faibles émissions carbone et d’augmenter la compétitivité de l’industrie marocaine sur le marché international.
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Car si ce mécanisme rendrait plus coûteux les produits au bilan carbone élevé, il devrait en parallèle doper la demande pour les produits issus de cycles écologiquement vertueux, ce qui représente pour le Maroc une occasion unique de développer les filières vertes et de renforcer leur compétitivité.
«Le Maroc a déjà beaucoup investi dans le développement de ses capacités en matière d’énergies renouvelables et de mise en place du cadre législatif adéquat. Il dispose donc d’une base solide sur laquelle s’appuyer pour assurer une transition efficace vers une économie à faible émission de carbone», précise-t-on.
Diversifier les marchés à l’export
Pour les auteurs de l’étude, le Maroc est également bien placé pour devenir un exportateur d’énergie renouvelable et d’hydrogène vert vers l’UE, ce qui lui donne un avantage par rapport aux autres exportateurs vers le Vieux continent.
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Les «dépendances des structures économiques actuelles» et les «ressources relativement limitées» posent toutefois un problème. Pour réussir la transition énergétique dans des délais satisfaisants, les décideurs politiques et les entreprises marocaines sont appelés à nouer de nouveaux partenariats et des collaborations avec les entreprises et les gouvernements européens pour lever davantage de fonds et accélérer les investissements dans l’industrie «verte».
D’un autre côté, le Maroc devra également diversifier ses marchés à l’export au-delà de l’Europe, afin de réduire sa dépendance vis-à-vis de ce marché, en s’ouvrant davantage sur l’Afrique, l’Amérique, le Moyen-Orient et l’Asie. Cette diversification ne doit pas cependant se faire au détriment de la politique de décarbonation de l’industrie nationale, prévient l’étude de la fondation allemande.