Une trentaine de chercheurs, en grande majorité lauréats de l’IAV Hassan II, spécialistes dans les domaines de l’eau et des activités qui lui sont rattachées, se sont penchés sur la problématique du manque de ressources hydriques dont souffre le Maroc depuis quelques années. Une situation qui devrait s’aggraver à l’avenir à cause notamment du changement climatique.
Dans un livre blanc, ces chercheurs ont formulé une série de recommandations pour améliorer la gestion des ressources hydriques au Maroc. Parmi les principaux constats, il a été relevé «une situation et des perspectives alarmantes des ressources en eau» ainsi qu'«un manque de données et une incertitude concernant la fiabilité de celles qui sont disponibles».
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Les experts appellent ainsi à sensibiliser les décideurs et l’opinion publique aux impacts des changements climatiques, en vue d’intégrer cette donne dans toutes les politiques publiques et accroître la résilience du pays face à ce phénomène. Cela permettra également de mettre en cohérence les stratégies sectorielles, en y intégrant les changements climatiques et en tenant compte de leurs impacts potentiels à long terme.
Pour pallier le manque de données, les chercheurs recommandent d'accélérer l'établissement et l'opérationnalisation du projet de Système national d’information sur l’eau (SNIE), lancé dans les années 2000 et renforçant le R&D dans les domaines du climat et de l'eau.
Ils appellent également à mettre en place un système de comptabilité de l’eau à l’échelle des bassins hydrauliques pour améliorer l’acquisition, le traitement et l’analyse des informations sur l’eau, à développer un système d’information participatif à travers un réseau de volontaires qui contribuent à informer sur la situation pluviométrique, l’alerte des crues, le suivi de l’état de sécheresse et à rendre l’information climatique gratuite et ouverte.
Mobilisation de ressources supplémentaire: une vision trop optimisteLe groupe de travail constate par ailleurs que l’objectif de mobilisation d’un volume supplémentaire de 4,5 milliards de m³ (MMm³), dont 3 MMm³ à partir des barrages et 1,5 MMm³ à partir d’eaux non conventionnelles, d’ici 2050, fixé par la stratégie de l’Etat est «trop optimiste» eu égard au taux déjà élevé de mobilisation des eaux de surface et souterraines.
«Les seuls gisements restants sont les eaux de surface non encore mobilisées des bassins du Nord et les eaux non conventionnelles produites par dessalement de l’eau de mer et, dans une moindre mesure, par réutilisation des eaux usées épurées», soulignent les chercheurs.
Pour assurer une meilleure gestion de l’offre, les experts recommandent d’entreprendre une campagne de communication pour faire prendre conscience aux politiciens et au public que le potentiel d’augmentation de l’offre est très limité et qu’il est désormais nécessaire d’adapter la demande aux ressources en eau renouvelables disponibles.
Ils appellent également à optimiser le programme de construction de nouveaux barrages, grands et petits, en ciblant ceux qui ont une efficacité certaine, une rentabilité économique prouvée et un minimum d’impacts négatifs sur les plans social et environnemental, et à mettre à la disposition du public les études de justification économique et d’impacts correspondantes.
Ils proposent, par ailleurs, de promouvoir le dessalement de l’eau de mer principalement pour l’alimentation en eau potable et accessoirement pour l’irrigation de cultures à très haute valeur ajoutée dans les zones où les agriculteurs ont la capacité à payer le coût de l’eau dessalée et de promouvoir la réutilisation des eaux usées épurées notamment pour l’arrosage des espaces verts et des cultures sans risques pour les niveaux de traitement disponibles.
Les spécialistes appellent enfin à faire contribuer les opérateurs d’eau au financement des ouvrages de mobilisation en vue d’optimiser les investissements, d’alléger le fardeau de l’Etat et d’inciter à l’économie d’eau, tout en veillant à minimiser l’impact sur les usagers les plus pauvres.