Les premiers résultats annuels 2020 des principaux groupes bancaires de la place disent, tous, ou presque, la même chose: les banques ont maintenu en 2020 une bonne dynamique commerciale, notamment en termes de distribution de crédits, mais la rentabilité est sérieusement affectée par les dons réalisés au profit du Fonds spécial Covid-19, et surtout par la hausse vertigineuse du coût du risque, c’est-à-dire les provisions constituées par les établissements de crédits pour compenser d’éventuels incidents de remboursement des prêts consentis.
Les chiffres communiqués par les principales banques parlent d’eux-mêmes. Pour le groupe Attijariwafa bank, leader du secteur, le coût du risque consolidé s’établit à 5,5 milliards de dirhams en hausse de 243% par rapport à 2019. Pour la Banque centrale populaire, le coût du risque consolidé bondit de 139% sur un an, pour atteindre 6,1 milliards de dirhams. Les deux mastodontes bancaires de la place cumulent, à eux deux, un coût du risque de 11,6 milliards de dirhams!
Du côté de CIH Bank, le coût de risque en consolidé a été multiplié par quatre (+299%) et frôle désormais le milliard de dirhams. Même constat pour BMCI, dont le coût du risque flambe de 105% pour s’établir à plus de 900 millions de dirhams.
Le tableau ci-dessous retrace l’évolution du coût du risque des principaux groupes bancaires au Maroc, ainsi que leur rentabilité à fin 2020 (hormis Bank Of Africa et Crédit Agricole du Maroc, qui n’ont pas encore publié leur coût du risque à fin 2020).
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Dans leurs communiqués financiers, les banquent sont unanimes dans leurs explications: elles ont procédé à un provisionnement anticipatif et prudent liés à la crise sanitaire et ses effets sur l’environnement économique, pour justifier cette hausse significative du coût du risque.
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Il est vrai que la crise sanitaire a considérablement altéré la solvabilité des ménages et des entreprises, et leur capacité à rembourser leurs emprunts, faisant craindre aux banques une poursuite de la montée des impayés et des créances douteuses en 2021. A fin décembre 2020, l’encours des créances en souffrance détenues par le secteur bancaire a ainsi progressé de 14,5% sur un an, dépassant pour la première fois les 80 milliards de dirhams, selon les statistiques de Bank Al-Maghrib.
Selon les banquiers, cette situation devrait encore se poursuivre durant les prochains mois, au moins jusqu’au deuxième semestre de 2021. "D’après les responsables gouvernementaux, la campagne de vaccination devrait prendre fin d’ici la fin du premier semestre. Nous sommes très optimistes et espérons un retour à la normale des activités à la normale durant le second semestre", a indiqué Lotfi Sekkat, PDG de CIH Bank, lors d’une conférence de presse consacrée aux résultats annuels du groupe bancaire, organisée par visioconférence la semaine dernière.
En attendant cette embellie sur le front sanitaire, et par ricochet sur l’activité économique, se pose la question d’un risque de "credit crunch", c’est-à-dire le risque que les banques soient enclines à resserrer le robinet du crédit aux entreprises et aux ménages. Une situation qui pourrait pénaliser la relance de l’économie et que le wali de Bank Al-Maghrib en personne, Abdellatif Jouahri, a évoqué lors du dernier conseil de la Banque centrale: "les banques peuvent mettre un frein à la distribution de crédits pour ne pas se fragiliser davantage", avait-il alors lancé.
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Pour le moment, nous n’en sommes pas encore là, comme semblent le montrer les chiffres du crédit bancaire du mois de janvier 2021. Les prêts des banques au secteur non financier ont affiché une croissance en glissement annuel de 4,9% en janvier 2021. Cette évolution recouvre principalement l'accélération de 4,7% à 7,5% de la croissance des prêts aux sociétés non financières privées, preuve que les banques continuent de financer les entreprises.
En revanche, pour les ménages, la progression des crédits distribués ralentit. Pour preuve, l’encours des crédits à la consommation a baissé de 3,6% entre janvier 2020 et janvier 2021.