Le renforcement du cadre prudentiel des établissements de crédit est l’une des priorités de la Banque centrale. Plusieurs nouveautés réglementaires devaient entrer en vigueur en début d’année 2020, mais ont été reportées à la fin de cette année, pandémie de coronavirus oblige.
«La Banque centrale a finalisé plusieurs projets de textes réglementaires en 2019. L'adoption était prévue pour le premier trimestre 2020. Néanmoins, compte tenu de la crise sanitaire, leur adoption a été reportée au quatrième trimestre 2020», a révélé Hiba Zahoui, directrice de la Supervision bancaire de Bank Al-Maghrib (BAM), lors de la présentation du rapport annuel sur la supervision bancaire.
Deux réformes majeures sont concernées par ce report. Il s’agit, d’une part, de la révision de la circulaire 19 G relative à la classification des créances en souffrance et, d’autre part, de la réforme des dations en paiement et des ventes à réméré (une mesure qui concerne le traitement des actifs immobiliers détenus par les banques dans leur bilan).
Classification des créances en souffrancePour ce qui est de la classification des créances en souffrance, la Banque centrale a retenu, après consultation avec la profession bancaire, une entrée en vigueur progressive, et en deux étapes: fin 2022 pour les dispositions régissant les créances en souffrance, et fin 2024 pour les dispositions régissant les créances sensibles.
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Rappelons que cette réforme vise l'élargissement de la notion de défaut en intégrant de nouveaux critères, notamment les dépassements persistants, l'introduction d’une classe intermédiaire de risque dite «créances sensibles», ainsi que les modalités de constitution des provisions.
L’objectif, in fine, consiste à renforcer la solidité des banques et promouvoir des règles saines en matière de gestion du risque de crédit, en convergence avec les normes internationales. Par ailleurs, ce nouveau mode de classification donnerait une image plus fidèle de la qualité du portefeuille des banques en captant de nouveaux indices de dépréciation.
Concrètement, les créances dites sensibles concernent les crédits dont l’encours est d’au moins 20 millions de dirhams et dont les bénéficiaires présentent des risques de défaillance à court ou moyen terme. Pour de telles créances, la banque doit établir une provision d’au moins 10%.
En annonçant le report de l’entrée en vigueur de ce dispositif gourmand en fonds propres, BAM offre ainsi un répit aux banques pour ne pas altérer leur capacité à financer l’économie en cette période de crise.
Dation en paiementL’autre chantier prudentiel mis en stand by par BAM est celui relatif aux dations en paiement, un sujet qui préoccupe au plus haut point les responsables de la banque centrale. Les dations en paiement consistent à se libérer d'une dette par une prestation ou un bien différent de celui qui était initialement dû. Pour les banques, il s’agit donc, en ce qui concerne les dations, d’éteindre la dette d’un débiteur en contrepartie de l’acquisition d’un actif généralement immobilier.
Le secteur bancaire marocain a eu recours de manière croissante à ce mécanisme ces dernières années, dans le sillage des difficultés des poids lourds de la promotion immobilière à rembourser leurs crédits. Au point que le stock d’actifs acquis, par voie de dations en paiement, atteint près de 18 milliards de dirhams, soit 1,5% de l’actif global des banques. Un niveau jugé trop élevé par la banque centrale, qui souhaite mieux encadrer la pratique afin de prémunir les banques du risque immobilier qu’elles encourent à travers la détention de ces actifs dans leur bilan.
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Bank Al-Maghrib a donc élaboré un nouveau cadre réglementaire devant régir ces opérations à l’effet de mitiger le risque associé à cette pratique.
Ce dispositif prévoit la mise en place de règles comptables dédiées, l’édiction d’une directive fixant les bonnes pratiques en matière de gouvernance et de gestion de ces opérations et l’introduction d’un traitement prudentiel spécifique des expositions sur les actifs acquis par voie de dations en paiement et ventes à réméré.
Concrètement, cette mesure, qui devait entrer en vigueur en début d’année 2020, considère qu’un actif immobilier qui reste dans le bilan bancaire au-delà d’un certain délai peut constituer un risque, face auquel il doit y avoir des fonds propres additionnels pour le couvrir.
En repoussant son adoption, BAM offre là aussi un répit de plusieurs mois aux banques afin de leur permettre de mobiliser davantage de crédits à l’attention des agents économiques.
Il faut dire que depuis le déclenchement de la crise sanitaire, BAM s’est montrée particulièrement souple pour soutenir l’accès au crédit bancaire au profit à la fois des ménages et des entreprises dans ces circonstances exceptionnelles.
Outre le triplement de la capacité de refinancement des banques pour soutenir l'économie, les baisses successives du taux directeurs (de 2,25% à 1,5%), et la baisse du taux de la réserve obligatoire de 2% à 0%, la banque centrale a pris une série de mesure d’assouplissement des règles prudentielles en vigueur, comme l’autorisation de surseoir au provisionnement des crédits qui ont déjà fait l’objet d’un report pour les banques.