Les attentes sont grandes autour de l’arrivée prochaine de Revolut au Maroc. Pour de nombreux clients, la néobanque britannique, entièrement digitale, pourrait enfin faire baisser les coûts des services financiers dans le pays. Les autorités de régulation, elles, y voient une occasion d’accélérer la digitalisation du secteur bancaire et de renforcer l’inclusion financière, indique le magazine hebdomadaire Challenge.
La révolution numérique a profondément transformé la relation entre les banques et leurs clients. Autrefois, les files d’attente dans les agences faisaient partie du quotidien. Aujourd’hui, la plupart des opérations se réalisent depuis un smartphone.
Le modèle de la banque traditionnelle, centré sur le contact humain et les infrastructures physiques, laisse peu à peu la place à un écosystème dominé par la rapidité, la simplicité et l’accessibilité des services digitaux. C’est dans ce contexte qu’émergent les néobanques, ces établissements 100% en ligne qui redéfinissent les codes du secteur.
Revolut illustre mieux que quiconque cette nouvelle ère, relève Challenge. Forte de plus de 40 millions d’utilisateurs à travers le monde et d’une valorisation supérieure à 30 milliards de dollars, la fintech britannique s’impose comme l’un des poids lourds mondiaux du secteur. Après avoir posé ses valises en Afrique du Sud, la société s’intéresse désormais de près au Maroc.
Revolut affirme évaluer ce marché, qu’elle juge «attractif» et porteur d’un fort potentiel pour offrir des services financiers innovants. Citant une source proche du dossier, Challenge souligne que l’arrivée de Revolut pourrait profondément modifier l’équilibre du marché local, notamment en matière de frais bancaires.
Les Marocains résidant à l’étranger pourraient également y trouver leur compte: en 2024, ils ont transféré plus de 117 milliards de dirhams vers leur pays d’origine, une manne financière souvent grevée par des commissions élevées et des frais fixes incompressibles.
Pour l’expert en fintech Adnane Messaoud, cité par Challenge, la venue du géant britannique ne ferait aucun doute. «Revolut pourrait bousculer les banques locales avec ses services 100% digitaux, sans frais de tenue de compte, des taux de change réels et une expérience mobile fluide», estime-t-il.
Selon lui, cette nouvelle concurrence séduira d’abord les jeunes urbains et les travailleurs indépendants, plus enclins à adopter des solutions numériques. «Les établissements de paiement existants devront réagir vite, car Revolut capterait une clientèle connectée et à fort pouvoir d’achat», prévient-il.
Du côté des observateurs internationaux, l’intérêt pour le Maroc se comprend. Andrea Bises, expert en réglementation financière pour la Fondation Gates dans les pays du Golfe et en Afrique, rappelle que le Royaume fait partie des cinq économies les plus dynamiques du continent, aux côtés du Nigeria, du Kenya, de l’Afrique du Sud et de l’Égypte. Également cité par Challenge, il souligne la stabilité macroéconomique du pays et sa proximité avec l’Europe, deux atouts majeurs pour attirer des acteurs internationaux. Mais il pointe également les freins réglementaires: «le cadre marocain reste très restrictif pour une entreprise comme Revolut, qui propose des services de trading, de cryptomonnaie, d’assurance ou encore de cartes premium. Aucun nouvel agrément bancaire étranger n’a été accordé depuis plus de dix ans», rappelle-t-il.
Des géants comme M-PESA (Vodafone) ou Flutterwave en ont fait l’expérience, leurs tentatives d’implantation s’étant soldées par des échecs, malgré plusieurs années de démarches. Revolut pourrait cependant miser sur sa stratégie commerciale bien rodée, comme le modèle freemium, qui consiste à offrir un service de base gratuit, afin d’attirer une large clientèle, avant de proposer des options payantes plus personnalisées. L’objectif affiché est de réduire drastiquement les frais bancaires tout en démocratisant l’accès à des services financiers de qualité.
Pour Adnane Messaoud, les banques marocaines devront compter avec ce nouveau concurrent, même si leur principal atout reste la licence bancaire, difficile à obtenir pour un nouvel entrant. «S’il parvient à entrer sur le marché, Revolut aura un impact fort, notamment grâce à sa popularité auprès de la diaspora et des jeunes connectés, qui représentent des segments stratégiques pour le Maroc», souligne-t-il.
Reste la question du cadre juridique, soulève le magazine. La réglementation nationale, notamment la loi 09-08 sur la protection des données personnelles, montre aujourd’hui ses limites. Adoptée en 2009, elle ne prend pas pleinement en compte les enjeux liés à la numérisation et à l’intelligence artificielle.
Le chercheur Yasser Elkouri rappelle que cette loi présente «des lacunes importantes», notamment en matière de notification des violations de données et de portée extraterritoriale. Dans une série d’articles publiés sur la plateforme «Village de la Justice», il met en garde contre le risque d’incompatibilité entre les systèmes d’IA utilisés par les fintechs et les principes de protection des droits individuels prévus par l’actuelle législation.








