Les métiers mondiaux du Maroc (MMM), sur lesquels le pays compte beaucoup pour la transformation structurelle de son économie, n’ont pas encore produit un impact significatif à cet effet, selon Bank Al-Maghrib (BAM). Ces métiers ont certes généré des retombées très positives sur les exportations, mais leur apport n’est pas «tangible» en matière de création de richesse et d’emploi et d’amélioration de la balance nette en devises.
Au cours des deux dernières décennies, rappelle BAM dans son rapport annuel 2023, le Maroc a érigé en choix stratégique le développement et la diversification de son tissu industriel, avec la mise en place d’un ensemble de stratégies (Plan Émergence 2005, Pacte national pour l’émergence industrielle 2009-2015, Plan d’accélération industrielle PAI 2014-2020 et PAI 2021-2023), lesquelles ont permis de développer des métiers comme l’automobile, l’aéronautique, l’électronique, le textile et cuir, l’agroalimentaire et l’offshoring.
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BAM estime que les données disponibles permettent d’appréhender les réalisations dans le cadre de cette orientation. Ainsi, sur la période 2014-2023, les exportations du secteur de l’automobile ont marqué une hausse annuelle moyenne de 14,1%, à 148,2 milliards de dirhams.
Cette évolution, explique-t-elle, reflète une nette progression de la production, aussi bien de l’usine Stellantis à Kénitra que celles du groupe Renault à Tanger et Casablanca. Ainsi, selon les chiffres de l’Organisation internationale des constructeurs automobiles (OICA), le nombre de véhicules produits au Maroc a progressé de 9,7% en moyenne annuelle, à près de 536.000 unités en 2023, un volume supérieur à ceux enregistrés en Roumanie (513.000 unités), la Hongrie (507.000 unités) ou encore le Portugal (318.000 unités).
Idem pour les exportations de l’aéronautique et de l’électronique et l’électrique, qui se sont accrues respectivement en moyenne annuelle de 12,9% et de 11%. La croissance est moins rapide pour les secteurs traditionnels, se situant à 7% pour l’alimentaire et à 3,6% pour le textile, habillement et cuir. Au total, les exportations des MMM ont progressé de 10,1% annuellement sur la période 2014-2023.
La valeur ajoutée de l’industrie en baisse
Ces performances, relève la Banque centrale, ont permis au Maroc de s’intégrer graduellement dans les chaînes de valeur mondiales et de monter en gamme vers des segments à forte valeur ajoutée. D’après l’édition 2023 du classement annuel de l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI) en matière de compétitivité industrielle, le royaume figure au 26ème rang (sur 153 pays) selon le critère «part des exportations de produits manufacturés de moyenne et haute technologie dans les exportations totales de produits manufacturés».
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Toutefois, nuance le rapport de la Banque centrale, l’évolution des exportations ne s’est pas accompagnée d’une amélioration notable en matière de création de richesse et d’emploi. Selon les données du Haut-Commissariat au plan (HCP), la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière a connu une augmentation de 1,8% en moyenne annuelle entre 2014 et 2023, et sa part dans le PIB a même reculé, au cours de la même période, de 15,3% à 14,5%, alors que l’objectif visé en 2020 par le PAI était de 23%.
Par sous-branche, la participation à la croissance industrielle ressort à 0,7 point et 0,8 point respectivement pour les catégories «industries alimentaires, boissons et tabacs» et «matériel de transport», à 0,2 point pour les branches «équipements électriques» et «fabrication d’ordinateurs, d’articles électroniques et optiques», tandis que la contribution de la branche «textiles, articles d’habillement et de cuir» a été nulle.
Effet «très limité» sur la création d’emploi
Côté emploi, les créations nettes au niveau du secteur industriel sont restées «très limitées», avec 8.000 nouveaux postes annuellement, soit au total 71.000 sur l’ensemble de la période. «Ce chiffre reste bien en deçà des ambitions annoncées lors des différentes stratégies mises en place depuis 2005», souligne le rapport de BAM.
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De même, ajoute la Banque centrale, si le développement des MMM et de leurs écosystèmes contribue au renforcement de la résilience de la position extérieure du pays, notamment à travers l’attractivité des investissements directs étrangers (IDE) et la dynamique des exportations, «la balance nette en devises de ces secteurs et leurs effets d’entraînement sur l’économie nationale restent encore incertains».
Et pour cause, «ces évolutions seraient imputables à un recours important à l’importation d’intrants pour la production de certains MMM», estime BAM. Selon la base de données sur le commerce en valeur ajoutée (TiVA) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le contenu en valeur ajoutée étrangère des exportations brutes ressort relativement élevé.
Investir massivement dans le capital humain
Il se situe à 53,5% pour la fabrication de matériels électriques, 49,9% pour la construction de véhicules automobiles, de remorques et semi-remorques et à 30% pour la fabrication d’autre matériel de transport contre 17,8% pour l’industrie alimentaire, boissons et produits du tabac. Interrogé par Le360, l’économiste Zakaria Firano indique qu’effectivement, une bonne partie des intrants entrant dans le cycle d’exploitation de ces secteurs, hormis l’automobile, sont importés.
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De même, ajoute-t-il, la productivité et la compétitivité de ces secteurs sont certes en amélioration, mais restent en deçà des niveaux des pays concurrents comme la Pologne, l’Ukraine ou la Turquie. Et ce, affirme-t-il, à cause des faiblesses observées notamment dans les domaines de l’enseignement et de la recherche et développement.
Pour y remédier, Bank Al-Maghrib estime que «le véritable défi du Maroc reste le renforcement du contenu en valeur ajoutée locale de ses exportations, d’autant plus (…) qu’il figure parmi les pays bénéficiaires potentiels de la réorganisation des chaînes de valeurs qui s’opèrent au niveau mondial». Pour ce faire, le pays est appelé à miser sur un investissement massif dans le capital humain, insiste le rapport de la Banque centrale.