Le ministère de la Transition énergétique et du Développement durable revient à la charge pour lever les obstacles qui empêchent les sociétés de services énergétiques (ESCO) («Energy Service Company» en anglais) de jouer pleinement leur rôle dans l’atteinte des objectifs nationaux d’économies d’énergies. Il a, en effet, préparé un nouvel avant-projet de décret sur le cahier des charges des ESCO, qui est mis en ligne sur le site du Secrétariat général du gouvernement (SGG) pour recevoir les commentaires du public.
À rappeler qu’ESCO désigne une entreprise qui offre une large gamme de solutions et de services liée à l’énergie, dans le but d’aider ses partenaires et clients, tant du secteur public que privé, à réduire leur consommation énergétique. Il s’agit notamment des études énergétiques, des projets de performance et un accompagnement au financement. Les études énergétiques visent à réaliser un diagnostic de la situation énergétique d’un client pour lui fournir une expertise qui lui permettra de prendre des décisions pertinentes concernant la préparation et la mise en œuvre d’un projet d’efficacité énergétique.
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Les projets de performance consistent, quant à eux, en des prestations qui couvrent l’ensemble du processus de réalisation de projets d’optimisation énergétique, qu’il s’agisse de contrats de travaux (EPC) ou de contrats de performance énergétique (CPE). Pour ce qui est de l’accompagnement au financement d’un projet d’efficacité énergétique, il est censé aider les clients à trouver la solution de financement la mieux adaptée à leurs projets.
De ce fait, les ESCO constituent un outil important pour la mise en œuvre de la stratégie nationale de l’efficacité énergétique qui est alignée sur les engagements du pays envers les Objectifs de Développement Durable (ODD) et le changement climatique, notamment la réduction de 45,5% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030.
Un projet de décret d’une grande importance
Un avant-projet de décret sur le même objet, préparé par le ministère et qui date de 2019, n’avait pas abouti. Cet échec est dû à divers facteurs, explique Abdessamad Malaoui, expert en énergie, interrogé par Le360. Il s’agit, notamment, développe-t-il, du manque de consensus entre les ESCO, les clients potentiels et les autorités de régulation, les modifications réglementaires de la loi n° 13-09 sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique de 2010, ainsi que les priorités changeantes du gouvernement, accentuées sur le développement des énergies renouvelables et la lutte contre le changement climatique.
Pour y remédier, le nouvel avant-projet de décret a défini «clairement» le cahier des charges des ESCO, spécifiant les conditions d’agrément, les obligations et les modalités de fonctionnement, note notre interlocuteur. «L’adoption de ce décret est cruciale pour créer un environnement propice à l’investissement dans l’efficacité énergétique au Maroc, contribuant ainsi à la réalisation des engagements climatiques du pays», souligne-t-il.
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À noter que la loi 13-09, promulguée en 2010, a été remplacée en 2019 par la loi n° 52-19, qui s’inscrit également dans la trajectoire des ODD et des changements climatiques. Elle prévoit des objectifs ambitieux, notamment une réduction de 45,5% des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. De plus, le Maroc s’est engagé à atteindre l’objectif d’une production d’électricité verte de 52% d’ici 2023, une cible importante dans la transition vers un modèle énergétique durable. Ainsi, note l’expert, la loi 52-19 offre un cadre réglementaire qui favorise le développement des ESCO au Maroc, soutenant les ambitions nationales en matière de développement durable et de lutte contre le changement climatique.
Les ESCO face à une multitude de défis
En attendant l’aboutissement de cet avant-projet de décret, la formule ESCO peine à se faire une place dans l’écosystème national de l’efficacité énergétique qui cible une réduction de la consommation de l’énergie de moins de 20% d’ici 2030, dans divers secteurs potentiellement impactés tels que l’agriculture, les bâtiments, le transport et l’éclairage public. En effet, fait savoir Abdessamad Malaoui, «certaines ESCO limitées ont réussi à mettre en œuvre des projets d’efficacité énergétique, contribuant ainsi à la réduction de la consommation d’énergie et des émissions de gaz à effet de serre dans divers secteurs. Ces initiatives ont également engendré des économies financières significatives pour les clients de ces ESCO». Cependant, relève-t-il, le secteur des ESCO au Maroc fait face à une multitude de défis. Il en est ainsi du fait qu’un nombre «considérable» d’acteurs économiques ne sont pas encore pleinement informés des avantages des ESCO, ce qui suscite des hésitations quant à l’adoption de leurs services, note-t-il. De plus, ajoute-t-il, l’accès au financement demeure une problématique, particulièrement pour les petites et moyennes entreprises évoluant dans ce domaine. Aussi, poursuit-il, le cadre réglementaire régissant les ESCO au Maroc demeure encore relativement flou et instable, créant une incertitude préjudiciable tant pour les investisseurs potentiels que pour les clients.
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Pour y faire face, les espoirs reposent sur le nouveau projet de texte. «Les perspectives d’amélioration pour le secteur des ESCO reposent sur l’adoption imminente du nouvel avant-projet de décret sur les cahiers des charges», insiste l’expert. «Ce changement réglementaire devrait jouer un rôle crucial dans la résolution de certains de ces obstacles persistants, ouvrant ainsi la voie à un environnement plus favorable au développement du marché des ESCO au Maroc», conclut-il.
Des conditions pour exercer
L’avant-projet de décret préparé par le département de la Transition énergétique a pour objet la définition du cahier des charges des ESCO pour la détermination des conditions et des procédures à suivre pour leur création et l’exercice des activités qui relèvent d’elles. Le texte précise, d’abord, que ces sociétés sont les seules habilitées à réaliser des études qui visent l’économie d’énergie et la qualification des équipements et des installations énergétiques sur la base de ces études, ainsi que la réalisation et/ou le financement des projets de l’efficacité énergétique surtout dans le cadre des contrats de performance énergétique.
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Le département de l’énergie autorise ces sociétés selon des conditions techniques, logistiques et organisationnelles et pratiques que dispose ce texte. Parmi ces conditions, la société qui demande l’autorisation d’exercer en tant qu’ESCO doit avoir réalisé au minimum trois projets d’efficacité énergétique au cours des trois dernières années et au moins deux études techniques et économiques dites de qualité investissement au cours des cinq dernières années qui sont suivies par la réalisation des projets d’efficacité énergétique avec le suivi de la performance énergétique. L’avant-projet de décret détaille également les obligations de ces sociétés en matière des compétences, des ressources financières et matérielles dont elles doivent disposer.
L’autorisation est accordée dans un délai ne dépassant pas 60 jours à compter de la date de réception de la demande d’autorisation et des documents joints. La société autorisée est tenue d’adresser au département de l’Énergie, chaque année, ainsi que chaque fois que cela s’avère nécessaire, un rapport sur ses activités et les projets réalisés. Elle doit réaliser les travaux dont elle se charge selon un guide des procédures qui respecte les dispositions d’un cahier des charges annexé à ce projet de décret. Ce cahier des charges précise aussi les services qu’une ESCO est censée fournir à ses clients et les clauses qui doivent être inscrites dans le contrat qui les lie, le plan d’action, la résolution des différends qui peuvent surgir, etc.