L’industrie automobile mondiale est en effervescence ces derniers mois. L’arrivée d’une offre chinoise de véhicules électriques, massive et inattendue, de qualité et très compétitive inquiète au plus haut point les principales marques mondiales. Ces dernières n’ont pu que constater l’effritement de leurs positions sur un marché chinois à très fort potentiel et craignent même la perte d’autres marchés. Par ailleurs, en Occident, les ultimes poches de résistance de ceux qui prônaient le maintien des moteurs thermiques se sont écroulées face à la pression d’une opinion publique inquiète d’un bien réel réchauffement climatique.
L’Union européenne, marché qui nous intéresse éminemment pour être le principal débouché de la production des usines Renault et Stellantis installées au Maroc, a déjà pris sa décision. Son parlement a voté, il y a quelques mois, dans le cadre de l’adoption d’un modèle économique décarboné, en faveur d’un remplacement progressif et définitif du parc automobile à moteur thermique. L’objectif est d’arriver à une conversion totale à l’électrique pour l’année 2035.
La décision du Parlement européen pose, bien évidemment, la question de l’avenir des deux usines actuelles au Maroc. D’autant que le problème ne va pas se poser en 2035, mais bien avant. Pour Renault, on parle d’un arrêt des livraisons vers l’Europe avant fin 2030.
Plusieurs scénarios peuvent être envisagés pour ne pas mettre fin à l’activité du secteur automobile au Maroc.
Le premier, et le plus simple, consiste à réorienter la production vers d’autres marchés où les moteurs thermiques sont promis à une mort moins rapide, essentiellement en Afrique. Le risque qu’il comporte est un évident décrochage technologique par rapport aux standards mondiaux. Les constructeurs n’investissent plus dans la recherche dans le domaine du moteur thermique et les efforts pour la création de nouveaux modèles ne se justifieraient pas au vu de l’exiguïté du marché africain.
Le deuxième scénario, le plus ambitieux, est de coupler la production existante avec une autre, significative, de véhicules électriques destinée à garder nos marchés en Europe et nos acquis technologiques. Cela permettra à Renault et Stellantis de maintenir leurs ventes en Afrique, voire peut-être de les améliorer, et au Maroc de demeurer dans la course des producteurs compétitifs. L’avantage de ce scénario est le maintien et le développement des PME constituant l’écosystème automobile actuel. Pour rappel, le groupe motopropulseur d’un véhicule thermique peut compter jusqu’à 2.000 pièces en mouvement, celui d’un véhicule électrique en compte une vingtaine.
Le troisième scénario, tout à fait envisageable, serait de «convaincre» un constructeur chinois de véhicules électriques, répondant aux normes européennes, de s’installer au Maroc, pour profiter d’un savoir-faire industriel, d’une main-d’œuvre formée et d’un accès au marché européen régi par un accord de libre-échange vieux de plus de vingt ans.
Le suivi des déclarations du ministère de l’Industrie, des accords signés par le ministre délégué chargé de l’Investissement avec une entreprise chinoise dans le domaine des batteries et surtout le grand projet lancé par la Holding Al Mada d’une Gigafactory ne laisse aucune place au doute quant à la volonté du Maroc d’opter au mieux pour le deuxième scénario et, «au pire», de faciliter les conditions à la réalisation du troisième. Cela est de nature à rassurer quant au futur du secteur automobile dont la construction a coûté au Maroc beaucoup de temps et de moyens, et à même de nous préparer à toute éventualité, au vu du caractère changeant de la politique française à l’égard du Maroc.