Le Maroc en passe de devenir la 4e puissance africaine, aux dépens d’une économie algérienne en pleine dégringolade

Le Maroc devrait d'ici 2025 surclasser l'Algérie en termes de PIB, selon les prévisions du FMI. . DR

La multiplication des contreperformances économiques et sociales de l'Algérie durant ces dernières années, laisse présager que le Maroc, grâce à plusieurs indicateurs favorables, est en passe de devancer ce pays en termes de richesse créée, comme en témoigne le dernier rapport du FMI d’avril 2021.

Le 08/07/2021 à 14h41

Le dernier rapport du FMI, rendu public en avril dernier, indique que l’Algérie risque d'être surpassée par le Maroc en 2025, sur fond de prévisions d’un PIB algérien de 151,5 milliards de dollars (MMUSD) en 2021, devant rester quasi-stable jusqu’à l’année 2025.

En revanche, d’après ces prévisions, le PIB marocain s’inscrirait sur une trajectoire haussière, en passant de 124 MMUSD en 2021 à 153 MMUSD en 2025, pour atteindre 162 MMUSD en 2026, ce qui permettrait au Royaume de devancer Alger pour deux années consécutives (2025 et 2026).

Alors qu’en 2020, l’Algérie et le Maroc ont affiché un PIB respectif, de 144,3 MMUSD et 113,5 MMUSD, l’écart entre les richesses des deux pays semble sur une tendance baissière depuis 2012, où il était à 110,8 MMUSD en faveur de l’Algérie, qui créait alors le double de la richesse produite par le Maroc, grâce aux hydrocarbures. Le gap entre les PIB marocain et algérien a, par la suite, recule à 60,5 MMUSD en 2017, puis à 30,7 MMUSD en 2020, soit une baisse de 50% en l’espace de 3 ans, pour atteindre quelque 27,5 MMUSD à fin 2021.

Selon les experts du FMI, le différentiel de richesse entre les deux pays devrait poursuivre sa contraction pour, quasiment, s’annuler en 2025, avant de s’établir à 8,1 MMUSD en 2026, en faveur du Royaume. Dans ces conditions, l’Algérie devrait avoir du mal à conserver sa position de 4e puissance du continent, surtout avec une économie marocaine (5e rang) en pleine ascension. Ainsi, ces analystes précisent qu’à partir de 2025, le Maroc devrait se hisser au 4e rang des puissances économiques africaines, juste derrière le Nigéria, l’Afrique du Sud et l’Egypte.

Toutefois, certains économistes estiment que la comparaison entre les deux pays n’est pas pertinente, vu que la structure de leurs économies demeure assez différente, arguant que le Royaume dispose d’une économie très diversifiée, alors que l’Algérie demeure, largement, dépendante des revenus énergétiques.

Ils ajoutent que la stratégie marocaine est basée sur l’expansion de la demande intérieure, soutenue par une forte augmentation des investissements publics et par la revalorisation des salaires, liée à l’ajustement du Smig (2.500 dirhams), qui est nettement supérieur à celui en vigueur en Algérie (équivalent à 1.600 dirhams).

En termes de perspectives, le FMI souligne que les Algériens devraient faire face à davantage de dégradation des conditions financières, en avançant que le PIB par habitant qui avoisinerait, en 2021, 3.364 dollars, contre 3.415 dollars pour le Maroc, devrait s’inscrire dans une tendance baissière durant les années à venir.

Cette institution financière internationale qui précise que c’est la première fois que le PIB par habitant du Maroc dépasse celui de l’Algérie, estime que le gap en termes de revenu par habitant devrait se creuser, davantage, au cours des prochaines années et que PIB par habitant du Royaume devrait s’établir, en 2026, à 4.256 dollars, contre seulement 3.156 dollars pour l’Algérie, soit environ 35% de différence en faveur du Maroc.

Le rythme soutenu du développement du Royaume trouve son origine dans les avancées incontestables enregistrées sur les plans économique et social, attribuées, principalement, à l’accélération des réformes dans le pays, qui affiche depuis plusieurs années, ses ambitions pour l’émergence économique.

L’orientation des autorités marocaines a pour objectif une plus grande ouverture économique, via le secteur privé qui représente un véritable moteur du développement en termes d’initiative, de création, d’innovation et d’investissement, avec une attention accrue aux questions sociales. Dans ce sillage, le Maroc a engagé plusieurs mesures pour soutenir le secteur industriel, en mettant l’accent sur les métiers mondiaux du Maroc, en l’occurrence l’automobile, l’aéronautique, l’électronique, le textile, l’agro-alimentaire, l’offshoring et les industries chimiques et para-chimiques.

Entre temps, l’Algérie a enregistré beaucoup de retard en matière de développement, d'autant que son économie basée sur la rente des hydrocarbures a montré ses limites, au moment où les efforts de diversification des sources de revenus peinent à porter leurs fruits. L’instabilité politique du pays dans le contexte du mouvement populaire de contestation, démontre que son modèle de développement est incapable de satisfaire les demandes pressantes et croissantes des citoyens, qui consistent en la réduction des disparités catégorielles et régionales et à la réalisation de la justice sociale.

En dépit du fait que le FMI avait estimé dans ses projections, d’octobre 2020, que le PIB de l’Algérie devrait rester supérieur à celui du Maroc au-delà de 2025, il semble que les facteurs structurels qui agissent sur l’évolution du PIB des deux pays, conjugués à la bonne gestion de la crise sanitaire au Royaume et à la chute des cours énergétiques, ont pour effet de faire avancer à 2025, le dépassement de l’Algérie par le Maroc en termes de création de richesse.

Par ailleurs, la capacité de résilience de l’Algérie s’est, considérablement, affaiblie ces dernières années, en raison des problèmes liés aux équilibres macroéconomiques du pays, dont le déficit du solde extérieur, passant de -4,4% du PIB en 2013 à près de -10,5% en 2020, lequel devrait rester élevé, autour de -7% du PIB en moyenne entre 2021-2026.

Pour sa part, le déficit extérieur marocain s’est inscrit sur une tendance baissière revenant de -7,6% du PIB en 2013 et à seulement -2,2% du PIB en 2020, soit son niveau le plus faible depuis 2006 (-1,5%), grâce à la baisse des cours énergétiques et l’amélioration du compte extérieur du Royaume, qui s’explique par la performance à l’export de ses métiers mondiaux, principalement les exportations du secteur de l’automobile.

Au niveau de la politique étrangère, le Royaume a fait de l’Afrique une priorité et a étendu son influence économique et politique, notamment en Afrique subsaharienne, alors que l’Algérie semble reculer dans ce domaine.

Sur un autre registre, le dernier rapport de la CNUCED (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement), de juin 2021, a démontré que le Maroc a pu, en dépit de la crise, maintenir quasiment inchangés les flux des investissements directs étrangers (IDE), à près de 2 MMUSD, en raison de son climat favorable aux affaires, tandis que l’Algérie a accusé une baisse de 20% de ses IDE à seulement 1 MMUSD.

Les différents indicateurs internationaux montrent que le climat des affaires en Algérie demeure très hostile à l’entreprise, notamment le rapport Doing business de la Banque mondiale de 2020, qui classe l’Algérie à la 157e position sur 190 pays, au moment où le Royaume est passe de la 60e position en 2019 à la 53e en 2020, soit une gradation de 7 places en une année, et de 22 places par rapport à 2017.

L’érosion des réserves de change en Algérie s’est accélérée durant la crise sanitaire, suite notamment à la chute des prix du pétrole, pour s’établir à près de 42 MMUSD à fin 2020, au lieu de 194 MMUSD à fin 2014. En moins de 6 ans seulement, l’Algérie a perdu plus de 152 MMUSD de ses réserves de change, avec une moyenne annuelle de 25 MMUSD de pertes, alors que les réserves en devises du Maroc ont progressé de 26,3 MMUSD à fin 2019, à 36,2 MMUSD à fin 2020, soit l’équivalent de 7 mois d’importations.

En plus des facteurs structurels qui agissent sur l’évolution du PIB des deux pays, la forte baisse de la richesse en Algérie est en liaison avec la poursuite de la forte dépréciation de la valeur du dinar qui, en l’espace de 10 ans (2011 à 2020), a été pratiquement divisée par deux, face aux principales devises internationales. En 2020, le dinar s’est déprécié de 11,6% vis-à-vis du dollar américain, alors que le dirham marocain s’est légèrement apprécié de 0,07% vis-à-vis du billet vert.

Tous les indicateurs laissent penser que la dépréciation du dinar algérien va se poursuivre durant les années à venir, sous l’effet de l’ensemble des déséquilibres structurels et du recours excessif par ce pays à la planche à billets, dans le but d’atténuer son déficit budgétaire.

Parallèlement, la chute du dinar algérien a renchéri, significativement, les produits importés, ce qui a provoqué une flambée des prix à la consommation et à la production, devant s’accentuer davantage, selon les experts du FMI. Ces derniers estiment que l’inflation en Algérie devrait augmenter de 2,4% en 2020 à près de 5% en 2021, pour s’établir à 7% en 2026, au moment où l’inflation devrait avoisiner au Maroc 0,8% en 2021, avant de progresser légèrement sans dépasser 2% d’ici 2026.

Outre l’effet du taux de change, la croissance économique en Algérie continue de s’essouffler dans un contexte de forte baisse des investissements publics, dès lors que le tarissement des revenus des hydrocarbures ne permet pas à Alger de maintenir certaines dépenses, ce qui risque d’amplifier, durant les prochaines années, la crise économique que traverse ce pays. Le FMI prévoit un creusement du déficit budgétaire en Algérie de -7,7% du PIB en 2020 à -13% en 2021, pour atteindre 12% d’ici 2026.

Si les recettes des hydrocarbures ont permis à Alger, par le passé, d’apurer sa dette, notamment extérieure, elles n’ont, toutefois, pas pu insuffler une véritable dynamique économique dans un pays qui a dilapidé d’importantes ressources financières. Alger qui a besoin d’investissements productifs pour le retour de la croissance, a dorénavant des marges de manœuvre très limitées en termes d’endettement, avec le risque d’être pénalisé par les marchés.

Dans ce cadre, le FMI qui table sur un trend haussier de l’endettement en Algérie, devant passer de 50% du PIB en 2020 à près de 107% en 2026, indique que la situation budgétaire au Royaume devrait s’améliorer progressivement durant les années à venir, avec un recul du déficit budgétaire, de -7% du PIB en 2020 à seulement -3,3% en 2026, alors que le taux d’endettement resterait stable a 75% du PIB d’ici 2026.

Force est de constater que le modèle de croissance tiré par le secteur public avec, uniquement, les hydrocarbures comme locomotive, ne suffit plus pour assurer la stabilité économique de l’Algérie. Si le seul espoir des autorités repose sur la remontée des cours du baril, les prévisions des institutions internationales tablent, quant à elles, sur une hausse limitée durant les années à venir et ce, en dépit de la reprise de la demande mondiale en énergie.

En effet, les dernières projections de la Banque mondiale indiquent que le brent devrait augmenter de 56 dollars/baril en 2021 à 60 dollars/baril en 2022, et rester proche de ce niveau jusqu’à 2025, ce qui rend difficile, pour Alger, de garder sa longueur d’avance sur le Maroc sans réformes concrètes. Dans ces conditions, le dépassement de l’Algérie par le Royaume peut s’opérer, même plus tôt que prévu.

Par Ayoub Khattabi
Le 08/07/2021 à 14h41