Le HCP a-t-il cherché à gonfler le taux de croissance de 2024?

Chakib Benmoussa, Haut commissaire au Plan.

Dans une note publiée lundi, le Haut-Commissariat au Plan (HCP) a annoncé une progression de 7,9 % du PIB en 2024. Un chiffre impressionnant, mais qui prête à confusion, notamment lorsqu’on le compare à la prévision de 3,8 % avancée tout récemment par Bank Al-Maghrib pour la même année. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, cette divergence ne relève pas d’un désaccord sur l’analyse économique, mais plutôt d’une différence de méthode de calcul utilisée par le HCP, qui n’a pas été clairement explicitée.

Le 11/12/2025 à 09h50

La norme internationale consiste à communiquer le PIB en volume, encore appelé PIB réel, c’est-à-dire corrigé de l’effet prix. Les économistes ne s’intéressent jamais au PIB en valeur, car il mélange deux dynamiques: la quantité produite et la hausse des prix.

«Dans sa note, le HCP présente le PIB en valeur, ce qui gonfle automatiquement le taux de croissance annoncé. Pour mesurer la croissance réelle, il faut retirer l’effet prix à l’aide d’un instrument précis: le déflateur du PIB», précise cet économiste spécialisé dans la conjoncture.

Contrairement à l’inflation, qui reflète le prix des produits consommés par les ménages, le déflateur du PIB mesure la variation du coût de production dans l’ensemble de l’économie: salaires, coût du capital (taux d’intérêt, amortissements), impôts sur la production, etc.

Cet outil est indispensable pour transformer le PIB nominal en PIB réel. Pourtant, le HCP ne le publie pas. «Sans le déflateur, l’information est partielle. Diviser le PIB en valeur par l’inflation est une erreur méthodologique», met en garde notre expert.

Il rappelle également que déflateur et inflation peuvent évoluer dans le même sens, mais ne donnent presque jamais le même chiffre, car entre le coût de production et les prix finaux, il existe un élément essentiel: le comportement de marge des entreprises.

Une communication loin d’être neutre

L’économiste insiste sur un point. La statistique, dit-il, «n’est jamais neutre». Les indicateurs obéissent à des conventions internationales et à des choix méthodologiques. En ne précisant pas les prix utilisés pour «déflater» le PIB, le HCP laisse place à des interprétations, voire à des suspicions.

«Si on communique uniquement le PIB en valeur sans préciser les prix retenus, le message transmis au public peut être trompeur, surtout que la plupart des gens ne connaissent pas la différence entre inflation et déflateur du PIB», explique-t-il.

Interrogé sur la possibilité qu’une telle démarche serve des intérêts politiques, notamment en année préélectorale, notre expert reste prudent. «Je ne connais pas les jeux politiques. Mais ce que je peux dire, c’est qu’une statistique mal expliquée peut facilement être perçue comme un outil de communication», note-t-il.

Pour une lecture rigoureuse des performances économiques, l’expert estime que le HCP devrait systématiquement publier le PIB en valeur, le PIB en volume, le déflateur du PIB et une note méthodologique claire expliquant le passage de l’un à l’autre.

«Le public mérite une information complète. Le PIB réel est le seul indicateur permettant d’apprécier véritablement l’évolution de la richesse créée dans le pays», conclut-il.

Par Wadie El Mouden
Le 11/12/2025 à 09h50