La tomate marocaine face aux standards européens et aux enjeux économiques nationaux

Tomate

Des cageots de tomates.

Le Maroc prévoit d’exporter près de 650.000 tonnes de tomates en 2025, générant un chiffre d’affaires estimé à 7,2 milliards de dirhams, soit une hausse de 4,5% par rapport à l’année précédente. L’Union européenne demeure le principal marché, alors que le gouvernement marocain balaie toute rumeur concernant d’éventuels risques sanitaires associés aux tomates exportées vers le continent.

Le 14/12/2025 à 13h50

Le secteur marocain de la tomate, qui connaissait une progression fulgurante et avait conquis le marché européen, doit désormais faire face à des normes européennes strictes et, plus crucialement, aux enjeux économiques vitaux du Royaume.

Selon le ministère de l’Agriculture, le respect strict des normes européennes constitue un préalable incontournable pour ces exportations. Les cahiers des charges imposés concernent la qualité, la sécurité alimentaire et le respect de l’environnement. La traçabilité complète de la chaîne de valeur, associée à la digitalisation des flux de production et de transport, est désormais essentielle pour maintenir l’accès aux marchés européens, selon les directives de la Commission européenne. Cette exigence s’accompagne d’un enjeu majeur: l’adaptation au changement climatique et la gestion durable de l’eau, ressources particulièrement sensibles dans les bassins agricoles marocains, d’après le Haut-Commissariat au Plan (HCP).

Le secteur fait face à des défis structurels. Car si les volumes exportés sont significatifs, les exportations de produits agricoles marocains vers l’Europe ont été multipliées par cinq au cours des vingt dernières années, atteignant 83 milliards de dirhams en 2024, selon l’Office des Changes. À ce titre, certains sous-secteurs, comme la tomate, restent sensibles aux fluctuations des prix européens. Néanmoins, les alertes ponctuelles sur la qualité, notamment en matière de pesticides ou de traçabilité, restent marginales et ne remettent pas en cause la fiabilité générale des produits marocains, selon le ministère de l’Agriculture. Une situation qui intervient dans un contexte où les tomates marocaines continuent de susciter une vive résistance de la part de certains producteurs espagnols et français, qui les accusent de pratiquer une concurrence jugée déloyale.

La dépendance au marché européen représente néanmoins une vulnérabilité, même infime. D’après les statistiques de l’Office des Changes, les exportations vers d’autres destinations, notamment en Asie, restent limitées par des contraintes logistiques et par des habitudes de consommation spécifiques. La rentabilité du secteur dépend donc fortement des prix pratiqués en Europe et des coûts de transport pour des produits périssables. Dans ce contexte, la diversification des marchés et la valorisation des marques marocaines apparaissent comme des enjeux stratégiques. Certaines variétés, telles que les tomates cerises ou les tomates destinées à l’industrie agroalimentaire, bénéficient d’une reconnaissance internationale, selon le HCP, mais la concurrence espagnole et italienne reste réelle sur les marchés mondiaux.

Sur le plan national, la valorisation de la production implique de renforcer la chaîne de valeur, de développer la transformation locale et d’industrialiser certains produits. Selon la Banque mondiale, cette stratégie ne vise pas uniquement l’exportation, mais également la satisfaction du marché intérieur, particulièrement après sept années de sécheresse qui ont affecté les ressources hydriques et les barrages, aujourd’hui à des niveaux très inférieurs à ceux de 2015, selon le ministère de l’Agriculture. Le soutien aux petits agriculteurs constitue un volet central de cette politique.

Par ailleurs, les aides à l’irrigation et à l’installation sont différenciées: les exploitations de moins de cinq hectares bénéficient d’une prise en charge complète, tandis que les plus grandes exploitations reçoivent 60% du financement, d’après le Crédit Agricole. Des crédits bonifiés sont également accessibles pour soutenir l’investissement agricole, notamment pour la mécanisation et les infrastructures de stockage, selon le ministère des Finances.

Le secteur agricole marocain fait face à un autre défi majeur qui est celui de la pénurie de main-d’œuvre saisonnière. Selon le HCP, les récoltes de tomates et d’autres cultures nécessitent des millions de journées de travail, mais le recours à l’aide directe de l’État par les ouvriers complique le recrutement. Cette situation illustre les tensions concrètes auxquelles sont confrontés les exploitants, qu’ils soient petits, moyens ou grands, et souligne la nécessité de mécanismes innovants pour sécuriser la main-d’œuvre saisonnière.

Par Mouhamet Ndiongue
Le 14/12/2025 à 13h50