Depuis quelques années, le modèle de croissance qui a porté l’économie marocaine au cours de ces deux dernières décennies a commencé à montrer des signes d’essoufflement. En attestent les taux de croissance qui, bon an mal an, arrivent difficilement à atteindre la barre des 4% alors que le Royaume doit s’assurer une croissance moyenne annuelle de 6% pour résorber petit à petit son taux de chômage et assurer une croissance pérenne et durable.
Et pour les années à venir, à court et moyen termes, la situation ne devrait pas connaître de changements notables. En effet, comme le montrent les nouvelles perspectives économiques mondiales du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, publiées en marge des réunions de printemps des institutions de Bretton Woods qui se déroulent du 16 au 22 avril 2018, à Washington, le Maroc va enregistrer des taux de croissance modérés.
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Ainsi, le FMI mise-t-il sur une croissance du PIB de 3,1% en 2018 et 4% en 2019. Pour sa part, la Banque mondiale prévoit, après une croissance de 3% en 2018, 3,5% en 2019 et 3,7% à 2020, alors que la croissance était de 4% en 2017 tirée par une bonne production agricole.
Selon la Banque mondiale «la production céréalière devrait revenir à sa moyenne historique et la croissance du PIB non agricole évoluer autour de 3% en l’absence de réformes structurelles plus décisives».
Parallèlement, les institutions financières ont salué les évolutions des indicateurs macroéconomiques. La politique budgétaire prudente a permis de réduire le déficit budgétaire à 3,5% du PIB en 2017 et celui-ci devrait tomber à 3,3% en 2018. Il est en phase avec les engagements du gouvernement de ramener le déficit à hauteur de 3% du PIB en 2019-2021.
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Le déficit de la balance des opérations courantes a baissé à 4% malgré le déficit commercial qui ne cesse de se creuser en raison de l’évolution des cours des hydrocarbures qui ont impacté la facture des importations, et ce malgré l’augmentation significative des exportations tirées par les nouveaux secteurs exportateurs, dont l’automobile et l’aéronautique.
En ce qui concerne l’endettement, l’institution juge que «l’objectif du gouvernement de ramener la dette publique à hauteur de 60% du PIB à l’horizon 2021 n’est possible que s’il adopte une réforme fiscale complète comprenant des mesures visant à réduire les exonérations, à diminuer les taux d’imposition des sociétés et à faire respecter l’impôt aux professions libérales». De même, l’Etat doit aussi améliorer la gestion des investissements publics.
Mais, au-delà de ces évolutions des indicateurs macroéconomiques, c’est le modèle économique qui a fait le succès du Maroc au cours de ces 20 dernières années qui connaît un certain essoufflement. «Le modèle économique basé sur la demande intérieure, en particulier l’investissement public, risque de disparaître sans une augmentation significative des retombées de l’investissement et de la productivité», a averti la Banque mondiale.
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Du coup, le Royaume doit s’inventer un nouveau modèle à même de tirer sa croissance et de résorber un chômage des jeunes qui constitue une des craintes pour l’avenir. Pour l’institution, le Maroc doit évoluer vers un modèle davantage axé sur les exportations, où le secteur privé joue un rôle plus important en tant que moteur de croissance et de l’emploi. A ce titre, les nouveaux secteurs, notamment l’automobile et l’aéronautique, montrent la justesse de cette réorientation stratégique vers les secteurs exportateurs qui génèrent des devises et des emplois au profit des jeunes.
Toutefois, le secteur exportateur ne peut à lui seul tirer la croissance, reconnait la Banque mondiale. En plus du rôle des exportations, «à moyen terme, les perspectives économiques du Maroc devraient s’améliorer à condition que le gouvernement reste déterminé à mettre en œuvre des réformes approfondies et globales».
En plus de la poursuite du rééquilibrage des finances publiques, la flexibilité du régime de change et la mise en œuvre des réformes structurelles sont nécessaires. A ce titre, l’adoption par Bank Al-Maghrib d’une réforme en faveur d’un régime de change plus flexible permettant au dirham de fluctuer dans une fourchette plus large de plus ou moins de 2,5%, contre 0,3% auparavant, est saluée.
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Reste que d’autres axes prioritaires figurent en bonne place pour soutenir cette croissance. Un accent particulier doit être mis sur l’éducation et le marché du travail. Pour la Banque mondiale, «il faut améliorer l’environnement du capital humain pour assurer une croissance plus élevée et inclusive».
En outre, souligne le rapport, si «la création d’emplois s’est améliorée, le chômage reste élevé surtout pour les jeunes». En effet, alors que le nombre de jeunes en âge de travailler augmente annuellement de 300.000, la création d’emploi stagne autour de 130.000 par an. Ce gap accroît le taux de chômage chez les jeunes qui est actuellement le double de celui de la population totale. Ainsi, «la persistance des vulnérabilités et le manque d’inclusion restent les principaux défis de l’économie marocaine», souligne le rapport de la Banque mondiale.
Enfin, outre le défi du chômage des jeunes, le Maroc doit aussi «élargir la base de sa classe moyenne» et aussi «catalyser le secteur privé», souligne l’institution.