Le jeudi 23 juillet dernier, la Direction générale des impôts (DGI) annonçait la suspension de l’application du référentiel des Prix des transactions immobilières et foncières (PTIF), avec l’objectif de donner une nouvelle impulsion aux transactions immobilières, au point mort depuis le début de la crise sanitaire et le confinement. La mesure concerne toutes les transactions, dont les actes établis depuis le 20 mars dernier, et qui n’ont pas encore fait l’objet d’une procédure de régularisation.
Lancé pour la première fois en 2015, le référentiel des PTIF permet d’accéder aux prix de référence en matière de cession immobilière, retenus par la DGI pour le calcul de l’impôt sur le revenu et l’impôt sur le profit foncier. Dans la pratique, les déclarations des contribuables affichant un prix ou une valeur estimative dont le montant est inférieur à celui du référentiel, font l’objet d’un redressement quasi-systématique de la part de la DGI.
La mise en place de cet argus de l’immobilier, en concertation avec l’agence nationale de la conservation foncière, les notaires et les promoteurs immobiliers, partait donc d’une bonne intention. Il s’agissait d’assurer plus de transparence sur le marché et de lutter contre la pratique du «noir» dans les transactions immobilières ainsi que celle de la sous-déclaration.
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Mais aux yeux des professionnels, ce référentiel, en dépit de plusieurs réajustements, n’était pas adapté à la réalité des prix et du marché, étant donné que plusieurs paramètres qui déterminent le prix, comme l’orientation du bien, son ensoleillement, sa situation géographique, les matériaux utilisés, etc., n’étaient pas pris en compte.
La crainte d'un redressement fiscal après une transaction immobilière a de facto considérablement inhibé les vendeurs, provoquant un véritable blocage sur le marché.
La crise sanitaire liée à la pandémie de coronavirus n’a pas arrangé les choses. Selon l’indice des prix des actifs immobiliers de Bank Al-Maghrib, les transactions immobilières ont connu une baisse de 31,2% entre le dernier trimestre 2019 et le premier trimestre 2020. Pendant les trois mois du confinement, les transactions se sont même littéralement arrêtées. Et depuis la reprise, leur nombre reste très faible, alors que le stock de biens invendus demeure considérable, au grand dam des propriétaires et des promoteurs.
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La suspension du référentiel est donc accueillie avec satisfaction par les professionnels. «C’est une excellente initiative de la DGI qui va libérer le marché immobilier et le rendre plus flexible», commente, pour Le360, Mohamed Lahlou, fondateur et ex-président de l’Association marocaine des agences immobilières, qui a longtemps milité pour la mise en place de cette mesure.
Selon cet interlocuteur, la suspension du référentiel commun des Prix des transactions immobilières et foncières est un signal fort du fisc à l’attention du marché. C’est un véritable «feu vert de la DGI à l’attention des vendeurs», qui pourront désormais réaliser leurs transactions sans avoir l’épée de Damoclès du fisc suspendue au-dessus de leur tête.
Dorénavant, la recherche du prix auquel un immeuble peut-être cédé doit s’appuyer sur les données réelles d’un marché immobilier en situation normale. Elle consiste à apprécier la valeur vénale d’un bien à l’aide des ventes portant sur des immeubles identiques.
Toutefois, la suspension du référentiel des prix pourrait avoir des effets pervers en incitant certains vendeurs à profiter de la situation pour renouer avec la bonne vieille habitude du «black». Sur ce point précisément, Mohamed Lahlou en appelle au sens civique des acquéreurs et les exhorte à ne pas accepter de payer le «noir», soit une importante somme d'argent non déclarée, demandée par le vendeur. Le fisc devra aussi se montrer vigilant pour lutter contre les abus.
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Toujours est-il que depuis le début de la crise sanitaire, les autorités multiplient les coups de pouce fiscaux pour sortir le marché de l’immobilier de sa torpeur. Outre la suspension du référentiel des prix des transactions immobilières, les droits d’enregistrement ont été revus à la baisse. Ils ont même été supprimés pour l’acquisition d’un logement social.
Par ailleurs, la Banque centrale a opéré deux baisses successives de son taux directeur, le ramenant de 2,25% en mars 2020 à 1,5% en juin dernier, avec l’espoir de relancer la demande de crédits.
Selon nos sources, cette baisse ne s’est pas encore répercutée sur les taux d’intérêts assortissant les crédits immobiliers. «Le crédit reste encore relativement cher. En moyenne, avant le confinement, un crédit immobilier se négociait autour de 4,2% H.T. Après le confinement, ce taux est encore de 4,2% H.T.», souligne ainsi un opérateur.
Les taux pourraient néanmoins s’orienter à la baisse dans les prochains mois sous l’effet de la concurrence entre les banques pour attirer les clients les plus solvables.