Immobilier: les banques haussent le ton

Il n’est plus question de constituer des réserves foncières de manière indéfinie. Les banquiers haussent le ton, en invitant les promoteurs immobiliers à liquider terrains et constructions le plus rapidement possible.

Le 26/01/2015 à 19h03

C’est désormais le désamour entre les promoteurs immobiliers et les banquiers. Les banques veulent pousser les promoteurs à se débarrasser de leurs réserves foncières et de leurs stocks de logements, et à récupérer les créances clients qui atteignent des niveaux élevés. La décision d’Addoha de lancer un plan stratégique de réduction de sa dette est-elle liée à cette pression qui s’accentue ? On ne saurait l’exclure, mais en tout cas, "c’est devenu un argument que nous brandissons face à notre clientèle de promoteurs immobiliers", affirme un directeur des engagements d’une banque de la place.

Une importante réserve foncière Chez presque tous les promoteurs, le problème de l’actif circulant se pose avec acuité. Ces actifs, composés de la réserve foncière, des stocks de logements et des créances sur la clientèle, sont censés être liquidés rapidement, souvent en quelque mois. Mais dans la réalité, la course des chiffres a poussé les promoteurs à aller trop vite. Par exemple, chez Addoha, à fin juin 2014, la réserve foncière et les stocks de logements finis ou en cours de production avait atteint 17,8 milliards de dirhams, soit plus de la moitié des actifs du groupe. Si l’on sait que le groupe génère un chiffre d’affaires annuel inférieur à 11 milliards de dirhams, on mesure l’ampleur de ces stocks. Au bas mot, il faudrait plus de quatre ans pour construire les terrains ou terminer les en-cours et enfin les vendre.

Alliance et Dar Saada n’y échappent pasChez Alliances, la réserve foncière et les stocks atteignent quelque 12 milliards de dirhams. Alors que le groupe avait réalisé en 2013 un chiffre d’affaires de 4,3 milliards de dirhams. C’est dire que de tels stocks de terrains, logements finis et en cours pourraient mettre plusieurs années à être écoulés. Du côté des Résidences Dar Saada, la filiale de Palmeraie Golf Développement, on est dans une configuration identique. Les stocks (terrains, constructions en cours et logements finis) sont de près de 5,4 milliards de dirhams, pour un chiffre d’affaires de 1,5 milliard de dirhams.

Un délai client supérieur à une annéeLa réserve foncière et les invendus ne sont pas le seul problème auquel les promoteurs immobiliers sont confrontés. En effet, le niveau des créances à la clientèle est excessif chez beaucoup d’entre eux. A titre d’exemple, chez Addoha, elles étaient de 9,4 milliards de dirhams au 30 juin 2014, ce qui correspond pratiquement à une année de chiffre d’affaires. Et ce n’est pas fini, puisque les autres créances (Etat, avance aux fournisseurs, etc.) totalisaient près de 4,7 milliards de dirhams.

Au niveau du groupe Alliances, le compte créances clients était de 5,45 milliards de dirhams à fin juin 2014. Là également, on dépasse un an de chiffre d’affaires. Les résidences Dar Saada est la seule société qui échappe à ce phénomène de délais interminable, puisque les créances clients ne dépassent pas 333 millions de dirhams, soit moins de trois mois de chiffres d’affaires.

Une baisse des prix à attendreLe fait est que ces réserves foncières et ces créances à la clientèle, visiblement excessives, sont financées par les banques, mais aussi par les fournisseurs, dont certains sont obligés d’attendre plus d’une année avant d’être payés. Aujourd’hui, pour liquider la réserve foncière et les stocks, les promoteurs devraient sans doute baisser les prix. On ne sera certainement pas confronté à la chute que certains pays comme l’Espagne ou les Etats-Unis ont connue, mais cette décision rompra l’équilibre actuel entre l’offre et la demande. De plus, dans les faits, les stocks concernent notamment un type bien particulier de logements. Dans l'habitat social, le problème se pose surtout dans les appartements au rez-de-chaussée et ceux au dernier étage, souvent le quatrième. Alors que dans le luxe et les villas, la mévente concerne des villes entières. Dans les deux cas, une baisse des prix est nécessaire.

Par Mar Bassine Ndiaye
Le 26/01/2015 à 19h03