Finances publiques: lecture des tendances récentes, selon la TGR

Siège de la Trésorerie générale du Royaume à Rabat.

À fin novembre 2025, les finances publiques marocaines affichent une dynamique contrastée. Portées par une nette progression des recettes fiscales et non fiscales, les recettes ordinaires du Trésor ont fortement augmenté, dégageant un solde ordinaire positif. Toutefois, la hausse soutenue des dépenses, notamment de fonctionnement et d’investissement, a creusé le déficit budgétaire, accentuant le recours au financement intérieur, selon les dernières données de la Trésorerie générale du Royaume.

Le 15/12/2025 à 14h42

La situation provisoire des charges et ressources du Trésor fait ressortir une dynamique budgétaire contrastée à fin novembre 2025. D’un côté, les recettes ordinaires enregistrent une progression notable, portées par la bonne tenue des recettes fiscales et non fiscales. De l’autre, la montée des dépenses, notamment de fonctionnement et d’investissement, pèse sur l’équilibre global et creuse le déficit budgétaire.

Selon le Bulletin mensuel de statistiques des finances publiques publié par la Trésorerie générale du Royaume (TGR), les recettes ordinaires brutes ont progressé de 15,8% par rapport à fin novembre 2024, pour atteindre 366,1 milliards de dirhams (MMDH). Dans le même temps, les dépenses ordinaires émises ont augmenté de 15,5%.

Cette évolution parallèle des recettes et des dépenses a permis de dégager un solde ordinaire positif de 25,9 MMDH, en amélioration par rapport aux 21,8 MMDH enregistrés un an auparavant. Toutefois, cet excédent ordinaire n’a pas suffi à compenser l’ampleur des dépenses globales.

Le besoin de financement du Trésor s’est ainsi établi à 89,6 MMDH à fin novembre 2025, contre 55,9 MMDH un an auparavant. Ce besoin a été couvert par un flux net positif du financement extérieur de 24,9 MMDH et, surtout, par un recours accru au financement intérieur à hauteur de 64,7 MMDH.

Recettes ordinaires: une progression tirée par la fiscalité

La hausse des recettes ordinaires brutes s’explique principalement par l’augmentation des impôts directs (+22,4%), des impôts indirects (+11,4%), des droits de douane (+5,4%), des droits d’enregistrement et de timbre (+10,4%), ainsi que des recettes non fiscales (+16,3%).

Les recettes fiscales brutes ont atteint 319,1 MMDH à fin novembre 2025, en progression de 15,7% par rapport à la même période de 2024. Cette évolution résulte du bon comportement conjoint des recettes douanières et de la fiscalité domestique.

Les recettes douanières nettes se sont établies à 91,8 MMDH, en hausse de près de 9,8%. Cette performance reflète l’augmentation des droits de douane, de la TVA à l’importation et de la taxe intérieure de consommation (TIC) sur les produits énergétiques.

Dans le détail, les recettes nettes des droits de douane ont progressé de 5,5% pour atteindre 15,4 MMDH, tandis que la TVA à l’importation s’est élevée à 57,4 MMDH, en hausse de 8,6%. La TIC sur les produits énergétiques a enregistré une croissance plus soutenue de 17,4%, à 19 MMDH.

La fiscalité domestique constitue le principal moteur de la croissance des recettes fiscales. Les recettes nettes issues de cette catégorie ont atteint 191,9 MMDH à fin novembre 2025, contre 161,1 MMDH un an auparavant, soit une hausse de 19,1%.

L’impôt sur les sociétés (IS) affiche une progression particulièrement marquée. Les recettes nettes de l’IS se sont établies à 75,5 MMDH, en augmentation de 28,9%, malgré des restitutions en hausse. En brut, l’IS a généré 78,9 MMDH, en progression de près de 30%.

L’impôt sur le revenu (IR) a également contribué à la dynamique des recettes, avec une hausse de 14,6% pour atteindre 60,5 MMDH en net. Cette évolution intègre un apport exceptionnel de 3,8 MMDH provenant de l’opération de régularisation volontaire instaurée par la loi de finances 2024.

La TVA à l’intérieur a généré 30,5 MMDH en recettes nettes, en hausse de 14,1%, malgré l’augmentation des remboursements, qui ont atteint 19,6 MMDH à fin novembre 2025. Les droits d’enregistrement et de timbre ont, pour leur part, progressé de 10,4% à 21,1 MMDH.

Les recettes non fiscales ont atteint 47 MMDH à fin novembre 2025, en hausse de 16,3%. Cette progression est attribuable principalement à l’augmentation des versements des comptes spéciaux du Trésor, des recettes de monopoles et des fonds de concours.

Les recettes issues des monopoles et participations de l’État ont enregistré une forte hausse de 30,8%, pour s’établir à 18,9 MMDH. Elles proviennent notamment de l’OCP (6,2 MMDH), de Bank Al-Maghrib (4,2 MMDH) et de l’Agence nationale de la conservation foncière (5 MMDH).

À l’inverse, aucune recette n’a été enregistrée au titre des privatisations et cessions de participations de l’État, contre 1,7 MMDH un an auparavant. Les recettes en atténuation des dépenses de la dette ont également reculé.

À fin novembre 2025, les dix principales natures de recettes représentent plus de 91% des recettes ordinaires nettes, la TVA demeurant la première source de financement du budget général de l’État.

L’investissement en hausse de 19,4%

Les dépenses émises au titre du budget général se sont élevées à 505,5 MMDH à fin novembre 2025, en augmentation de 13,5%. Cette hausse est portée par la progression des dépenses de fonctionnement (+16,1%) et des dépenses d’investissement (+19,4%).

Les dépenses de fonctionnement ont atteint 298,3 MMDH, dont 164,2 MMDH consacrés aux traitements et salaires, en hausse de 10,4%. Les dépenses de matériel ont augmenté de 17%, tandis que les charges communes ont bondi de plus de 40%.

Les charges d’intérêts de la dette se sont élevées à 41,9 MMDH, en hausse de 11,6%, sous l’effet de l’augmentation des intérêts de la dette intérieure. À l’inverse, les dépenses de compensation ont reculé de 5,7%, à 13,6 MMDH.

Les dépenses d’investissement ont atteint 105,4 MMDH, intégrant notamment des versements aux comptes spéciaux du Trésor pour près de 30 MMDH, traduisant la poursuite de l’effort d’investissement public.

Malgré un solde ordinaire positif de 25,9 MMDH, la situation globale des finances publiques affiche un déficit budgétaire de 68,8 MMDH à fin novembre 2025, contre 45,7 MMDH un an auparavant.

Ce déficit résulte de la montée des dépenses, conjuguée à un rythme soutenu d’exécution budgétaire. À fin novembre, les recettes ordinaires ont été réalisées à 99,7% des prévisions de la loi de finances, tandis que les dépenses ordinaires ont été exécutées à hauteur de 92,9% et les dépenses d’investissement à 82%.

Financement: recours accru au marché intérieur

Le financement du déficit a reposé à la fois sur le financement extérieur et intérieur. Le financement extérieur net a été positif de 24,9 MMDH, grâce notamment à des tirages sur le marché financier international et auprès de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD).

En parallèle, l’encours de la dette intérieure s’est établi à 796,2 MMDH à fin novembre 2025, en hausse de 5,5% par rapport à fin 2024, traduisant le recours soutenu du Trésor au marché des adjudications pour couvrir ses besoins de financement.

Le recours au financement intérieur a atteint 64,7 MMDH à fin novembre 2025, provenant principalement des adjudications pour un montant net de 40,78 MMDH, des dépôts au Trésor à hauteur de 672 millions de dirhams, ainsi que du compte courant du Trésor auprès de Bank Al-Maghrib pour 4,8 MMDH.

Par Lahcen Oudoud
Le 15/12/2025 à 14h42