Financement, informel, réglementation, emplois... la BAD dresse l’état des lieux de l’écosystème entrepreneurial au Maroc

D'après l'étude, 22% des entreprises crées au Maroc sont dirigées par des femmes, qui représentent aussi 44% des entrepreneurs potentiels. (Photo d'illustration). 2019 JOSEP SURIA

Dans une étude conjointe, intitulée «Profil entrepreneurial du Maroc», le ministère de l’Économie et des Finances et la Banque africaine de développement (BAD) établissent un état des lieux de l’écosystème entrepreneurial dans le pays. Du profil des entrepreneurs aux besoins de financement, en passant par le potentiel en création d’emplois, le cadre réglementaire et le poids du secteur informel.

Le 06/12/2023 à 11h35

Dresser l’état des lieux de l’écosystème entrepreneurial au Maroc: tel est l’exercice, plutôt foisonnant, auquel se sont attelés le ministère de l’Économie et des Finances et la Banque africaine de développement (BAD), dans le cadre d’une étude conjointe, intitulée «Profil entrepreneurial du Maroc». Modus operandi: interroger un échantillon de 9.085 personnes, issues de 3.034 ménages, dont 2.297 entrepreneurs (établis ou potentiels), afin de livrer une radiographie de l’entrepreneuriat dans le pays, en se penchant sur ses différents aspects, du profil des entrepreneurs aux besoins de financement, en passant par le potentiel en création d’emplois, le cadre réglementaire et le poids du secteur informel.

Selon les résultats de ce sondage, le Maroc dispose d’un potentiel entrepreneurial estimé à 25% de la population âgée de 18 ans et plus, dont 9% d’entrepreneurs établis et 16% d’entrepreneurs potentiels qui ont initié des actions conceptuelles ou concrètes pour créer leur propre entreprise.

Plus de 70% des entrepreneurs exercent dans l’informel

Concrètement, «57% des entrepreneurs établis le sont par nécessité, à travers des micros et petites entreprises dans des secteurs et activités à faible productivité», indiquent les auteurs de l’étude, qui précisent que près de 50% sont des travailleurs indépendants et 40% des chefs d’entreprise disposant d’un minimum de trois employés. L’entrepreneuriat féminin séduit également de plus en plus, puisque 22% des entreprises créées sont dirigées par des femmes, qui représentent aussi 44% des entrepreneurs potentiels.

Le rapport met surtout l’accent sur la prédominance de l’entrepreneuriat informel qui s’établit à plus de 70% au niveau national. «Les diverses réglementations (fiscalité, charges sociales et procédures administratives) et l’instabilité de l’activité économique sont perçues comme les principales contraintes à la formalisation», souligne l’étude. En revanche, précise-t-on, «l’accès à une couverture maladie et à la retraite constitue pour les entrepreneurs des incitations à formaliser leurs activités, ce qui conforte le chantier de l’extension de la protection sociale».

C’est un secret de polichinelle. L’accès aux financements constitue un casse-tête pour de nombreux entrepreneurs marocains. Une réalité confirmée par l’enquête qui révèle que plus de 80% d’entre eux expriment ce besoin en liquidités et que seuls 6,7% ont déposé un dossier de financement auprès d’une banque. «Un paradoxe qui pourrait s’expliquer par l’importance de l’informel et la part des projets non viables», commentent les auteurs de l’étude.

Un potentiel de création de 100.000 emplois par an

Après le diagnostic, place aux remèdes pour libérer le potentiel des entrepreneurs au Maroc. D’abord, mobiliser des investissements privés au niveau territorial, afin de développer des chaînes de valeur et créer des opportunités commerciales pour les très petites, petites et moyennes entreprises (TPME), qui pourraient générer plusieurs emplois à court et moyen terme. «Si seulement 5% des entrepreneurs établis et potentiels arrivaient à développer leur entreprise, cela pourrait générer, en moyenne, 100.000 emplois par an au niveau national», indique l’étude.

Ensuite, développer des programmes d’accompagnement pour les entrepreneurs, dont près de 60%, particulièrement les femmes, souhaitent obtenir un soutien technique pour améliorer leur activité. Une mise à jour du cadre réglementaire est également préconisée, «pour favoriser la création et le développement des TPME, la formalisation des unités économiques informelles et l’extension de la sécurité sociale à tous les travailleurs indépendants».

Enfin, il s’agit de promouvoir l’entrepreneuriat dans la formation professionnelle et l’enseignement universitaire. «À moyen et long terme, le développement des capacités nécessaires à l’activité entrepreneuriale requiert des interventions au niveau du préscolaire et de l’éducation de base », propose-t-on.

Selon le ministère de l’Économie et des Finances, cette étude, la première du genre sur le continent, s’appuie sur une enquête nationale relative au profil entrepreneurial, représentative du marché du travail sur le plan national et régional. «Elle identifie les caractéristiques socio-démographiques et les capacités intrinsèques des entrepreneurs, et détermine les principales contraintes et besoins en termes d’appui à la création et au développement de leurs entreprises», souligne le ministère.

Par Elimane Sembène
Le 06/12/2023 à 11h35