Dans un communiqué diffusé le 3 août dernier, le Conseil de la concurrence a infligé à l’Ordre des experts comptables (OEC) une sanction pécuniaire de 3 millions de dirhams. L’institution dirigée par Ahmed Rahhou a estimé que l’OEC, en rendant obligatoire un tarif honoraire de 500 dirhams de l’heure pour l’ensemble des experts-comptables, a enfreint les règles de libre concurrence, telles que définies par la loi 104-12 relative à la liberté des prix.
«La directive du tarif honoraire minimum ne concerne que les prestations d’audit, une activité réglementée qui représente 10 à 15% du volume d’affaires réalisé par les experts-comptables. L’essentiel de notre activité (80 à 85%) est généré par la tenue de comptabilité, la supervision, le conseil juridique et fiscal», a expliqué d’emblée Amine Baakili, président de l’OEC, au début de l'interview qu'il a accordée à l’émission Grand Format-Le360.
«Fin 2019-début 2020, nous avons estimé que le barème horaire qui a prévalu jusqu'ici ne règle pas le problème de la qualité. D’où l’idée de fixer pour ces missions réglementées un tarif minimum de 500 dirhams de l’heure», a-t-il rappelé, ajoutant que la nouvelle norme tarifaire, qui n’a toujours pas été appliquée, a pour seul objectif d’améliorer la qualité des missions d’audit.
Appuyé par ses avocats, l’OEC affirme avoir relevé plusieurs irrégularités de fond et de forme dans la conduite de la procédure administrative menée par le Conseil de la concurrence.
Amine Baakili regrette quant à lui le fait qu’il a parfois dû apprendre par les médias que l’Ordre faisait l’objet d’une convocation de la part du Conseil de la concurrence.
L’action de cette institution, poursuit-il, a été enclenchée par une demande d’avis déposée par un expert-comptable, concernant la légitimité du canevas-type des missions d’audit des entreprises publiques, qui a été préparé par la Direction des entreprises publiques et de la privatisation (DEPP).
«Nous ignorons comment cette demande d’avis s’est transformée en auto-saisine», s’est demandé le président de l’instance ordinale des professionnels des chiffres.
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Amine Baakili estime que le Conseil de la concurrence n’a pas bien compris les missions de l’OEC, et n’a pas pris en considération les spécificités du métier d’audit et du commissariat aux comptes.
«C’est un métier d’intérêt général. L’auditeur est un garant de la fiabilité financière, un protecteur de l’épargne. L’OEC est un organisme de régulation et non un groupement professionnel ou une association de cabinets. La mission de certification des comptes ne peut être traitée comme une mission de service commercial effectuée sur un marché de libre concurrence», a-t-il insisté, expliquant que «l’OEC est exclu du champ d’application de la loi 104-12 sur laquelle le Conseil de la concurrence a fondé ses griefs. Cette loi ne s’applique pas aux organismes exerçant une mission d’intérêt général».
Le Conseil de la concurrence a proposé à l’OEC une option transactionnelle (soit un arrangement à l’amiable) en s’acquittant d’une amende moins importante. «Nous avons refusé, parce qu’en acceptant ce deal, nous devrions reconnaître les griefs. Or, nous sommes sûrs de notre position. Nous sommes confiants, car nous sommes dans la légalité», a réagi Amine Baakili, à une question sur les raisons qui l’ont poussé à rejeter cette option.
N’hésitant pas à qualifier d’«injuste» la décision du Conseil de la concurrence, l’OEC a décidé d’interjeter appel, et de poyrsuivre la procédure jusqu'à l'épuisement de l'ensemble des recours possibles.
«La procédure est déjà lancée. On va déposer le dossier incessamment», a confié Amine Baakili, qui n'exclut pas de démissionner de son poste, si la justice ne donnait pas gain de cause aux experts-comptables.