Un an perdu pour rien? C'est en juillet dernier que la loi-cadre 52-21 relative à la réforme des établissements et entreprises publics (EEP) est entrée en vigueur. Une vaste réforme visant à rehausser «l'efficience économique et sociale des EEP» en remédiant à leurs dysfonctionnements structurels et en garantissant une complémentarité et une cohérence optimales entre leurs missions respectives.
Mais c'est aussi une réforme à mener au pas de charge, puisque l'article 60 fixe un délai de cinq ans pour mettre en œuvre les opérations de restructuration du portefeuille public. Pour l'heure, le projet semble avancer au ralenti et les engagements contenus dans la loi de finances 2022 tardent à être honorés.
Textes en instance
Au cours de cette année, selon le rapport sur les EEP, il est prévu de présenter d'importants textes législatifs prévus par cette loi-cadre. «Il s'agit d'un projet de loi relatif à la réforme du contrôle financier et de gouvernance des EEP, d'un autre traitant du régime des privatisations ainsi que d'un troisième projet de loi relatif à la procédure de création des entreprises publiques», nous explique une source proche du dossier. Jusque-là, aucun de ces projets ne semble avoir été mis dans le circuit d'adoption législatif.
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Au sein du département des Finances, on se veut néanmoins rassurant. «Les préparatifs vont bon train pour être au rendez-vous», affirme Abderrahmane Semmar, directeur des entreprises publiques et de la privatisation (DEPP). Une direction du ministère géré par Nadia Fettah Alaoui qui devrait abattre un travail colossal d'ici la fin de l'année.
Car à côté des trois textes de lois, au moins cinq décrets devraient être préparés. Ils portent sur la nomination et la rémunération des représentants de l'Etat, sur la contractualisation entre l'Etat et les EEP, sur l'évaluation du domaine public mis à la disposition de ces entités, en plus de l'évaluation de leurs missions et activités ainsi que leur code de bonnes pratiques et de gouvernance.
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A tout cet arsenal législatif devraient s'ajouter plusieurs guides, circulaires et contrats-types destinés à faciliter la mise en œuvre des nouvelles règles et pratiques consacrées par cette réforme, pour ne citer que les contrats objectifs internes aux EEP ainsi que les contrats de performance avec leurs dirigeants.
Agence en hibernation
Un des piliers majeurs de cette réforme cruciale n'est autre que l'Agence nationale de gestion stratégiques des participations de l'Etat et de suivi des performances des établissements et entreprises publics. La loi 82-10 lui donnant naissance a été également publiée en juillet dernier. Sauf que son entrée en vigueur reste tributaire de la mise en place des organes d'administration et de gestion de cette agence. Pour l'heure néanmoins, aucune nomination de directeur général n'est en perspective et encore moins de date de premier conseil d'administration.
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«La nomination du directeur général se fera en Conseil des ministres puisque l’Agence fait partie, depuis janvier dernier, des établissements publics stratégiques», précise le patron de la DEPP qui semble avoir déjà balisé le terrain. Trois textes d'application concernant cette agence «sont finalisés et seront mis prochainement dans le circuit d’approbation», en plus de projets d’instruments de gestion, notamment, l’organigramme, le règlement des achats et le statut du personnel qui ont été préparés.
«Dès la publication des textes règlementaires, surtout le décret relatif à la composition du conseil d’administration, et dès la nomination du directeur général de l’Agence, la réunion du premier conseil sera tenue et dédiée à l’approbation de plusieurs résolutions afférentes au démarrage effectif de l’Agence, comme son plan d'action et son budget, mais aussi les aspects liés à la politique actionnariale de l’Etat», promet Abderrahmane Semmar.
C'est sur cette agence nationale que repose effectivement la conception d'une stratégie actionnariale publique. Celle-ci est censée traduire les orientations et les objectifs de l'Etat-actionnaire, mais elle devrait également favoriser les synergies entre les EEP, tout en assurant la mutualisation de leurs moyens.
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Cette agence, qui devrait détenir à terme le gros du portefeuille public, est censée être transformée en société anonyme dans un délai de cinq ans après son opérationnalisation. Mais en parallèle, c'est à elle qu'incombe la lourde tâche de restructurer et redimensionner les participations publiques. Tout un programme annoncé rien que pour cette année 2022.
Transformations attendues
En premier lieu, il s'agit de donner plus de consistance au partenariat scellé, fin 2019, dans le secteur touristique, entre l'ONCF, l'OCP et le Fonds Hassan II pour le développement économique et social. S'il a permis l'émergence d'un pôle public national composé d'actifs hôteliers emblématiques (Mamounia, Palais Jamaï, Michlifen et Marchika Resort), la révolution attendue en matière de gouvernance tarde à se faire sentir. «Ce nouveau pôle peut servir de modèle pour clarifier les contrats de performance et le code de bonnes pratiques à généraliser sur l'ensemble des EEP», relève un connaisseur du dossier.
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Une autre opération, finalisée dans la foulée de l'adoption de la loi-cadre, a consisté au rapprochement entre TMSA et Marsa Maroc. Tanger Med a en effet acquis, en juillet 2021, les 35% détenus par l'Etat dans le capital de l'ancienne Sodep pour près de 5,4 milliards de dirhams dans ce qui est présenté comme une volonté des pouvoirs publics de consolider les secteurs logistique et portuaire. «Pourtant, il ne s'agit que de la monétisation d'un actif de l'Etat. Pis encore, c'est un transfert d'endettement vers une entreprise publique puisque TMSA n'a pas la trésorerie pour se payer une telle acquisition», affirme notre expert.
D'autres opérations accusent par ailleurs du retard comme la mise en place d'un pôle audiovisuel national. Les contours du holding public télévisuel porté par la SNRT et auquel seront filialisés à 100% Soread-2M et Medi1TV relèvent toujours du mystère. C'est aussi le cas des sociétés régionales de distribution qui devaient aller dans le sillage de la reconfiguration du secteur de l'électricité.
Poids lourds
Un autre gros morceau annoncé pour l'année en cours consiste en l'amorçage de la transformation de six établissements publics en sociétés anonymes. Et il s'agit d'établissements marchands de taille considérable: ONCF, ONDA, ONEE, FEC, OMPIC et LORAC.
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Ces six établissements comme 51 autres entités figurent dans le périmètre initial d'intervention de cette agence. Un ensemble qui pèse 63% du chiffre d'affaires des 767 EEP (filiales comprises) que compte le Royaume. Il représente par ailleurs la quasi-totalité de leur valeur ajoutée dégagée, alors que leurs charges d'exploitation (hors dotations) représentent à peine la moitié des dépenses englouties par l'ensemble des EEP. Côté résultat, 90% des bénéfices réalisés par le secteur des EEP provient des établissements stratégiques figurant dans le périmètre de cette agence nationale.
C'est dire l'importance et l'urgence de donner un coup de fouet à cette réforme stratégique dont la finalité n'est autre que de libérer tout le potentiel de performance du portefeuille public.