Ecotourisme: en vogue dans le monde, sous-exploité au Maroc

Des écotouristes au Maroc.. DR

Malgré son énorme potentiel, l’écotourisme au Maroc peine à décoller. Offre faible, manque de formation des professionnels, hébergements pas souvent aux normes... De nombreux défis restent à relever pour valoriser réellement cette niche en plein essor au niveau mondial.

Le 08/05/2023 à 19h33

Le tourisme durable, communément appelé écotourisme, séduit de plus en plus. Cette tendance s’est particulièrement développée avec l’avènement du Covid-19. Après avoir été confinés pendant plusieurs mois, les gens préfèrent aller dans les espaces ouverts, où ils peuvent être en communion avec la nature et découvrir les richesses culturelles des populations autochtones.

Parcs nationaux, désert, dunes, montagnes... Au Maroc, le potentiel dans ce domaine est énorme mais encore sous-exploité. «Le tourisme balnéaire a fait ses preuves et est arrivé à son seuil de positionnement à l’international. Notre pays dispose d’un capital naturel qui offre une grande diversité à travers ses dunes, déserts et ses côtes notamment. Une mosaïque qui pourrait permettre de développer l’écotourisme sur plusieurs niches. Mais ce potentiel n’est pas encore suffisamment exploité», confie Mostafa Bikine, consultant senior en tourisme et développement durable, dans une déclaration pour Le360.

L’écovillage Sidi Kaouki, situé en bordure de mer dans la province d’Essaouira, symbolise les potentialités du Royaume dans ce domaine. Il figurait d’ailleurs sur la liste des 44 «Meilleurs villages touristiques du monde en 2021», selon l’Organisation mondiale du tourisme (OMT). Cette liste est basée sur plusieurs critères regroupés en 9 domaines, dont, entre autres, la promotion et la conservation des ressources culturelles, les ressources culturelles et naturelles et la durabilité environnementale

Au lendemain de ce plébiscite, le ministère du Tourisme, a décidé de capitaliser sur ce succès pour étendre l’offre écotouristique au niveau national. A la mi-avril de l’année suivante, le ministère de la Communication et de la culture a également lancé le label «Moroccan Heritage» pour promouvoir le patrimoine culturel marocain, notamment le patrimoine immatériel. Et plus récemment, le 18 avril 2023, le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch a annoncé un reclassement des dix parcs nationaux.

Des préalables à mettre en oeuvre

Ces initiatives sont certes louables, mais leur réussite dépend de la mise en œuvre de certains préalables. «Il faudrait d’abord respecter les préalables écologiques dans les espaces touristiques, investir davantage dans l’assainissement, le traitement et le recyclage des déchets dans le monde rural, zone dont les systèmes sont fragiles. La sensibilité des visiteurs et des populations doit également être prise en compte», indique Mostafa Bikine.

Selon ce dernier, la prestation de services dans l’hébergement, l’accompagnement, la restauration, et l’animation doit aussi être renforcée. Idem pour les capacités des guides touristiques. «Depuis dix ans, l’école de formation des guides de montagne pour le monde rural est fermée. Or, la formation des guides touristiques est très importante pour faciliter les séjours des touristes dans ces espaces. Il ne faut pas seulement les limiter aux rôles d’éclaireurs», suggère-t-il.

Conscientes de l’attrait de l’écotourisme auprès des voyageurs, des agences de voyages investissent dans ce créneau porteur. C’est le cas de «Terres Nomades», basée à Marrakech. Contacté par nos soins, Lahcen Agoujil, directeur technique de l’agence, explique que «l’engouement des touristes étrangers, notamment les clientèles européenne et nord-américaine, pour le tourisme durable est en très forte croissance. Ils souhaitent de plus en plus des voyages « sur mesure » au plus près des populations locales, découvrir des sites préservés, loger chez l’habitant pour s’imprégner des traditions du pays en rencontrant les populations locales.»

D’après le voyagiste, le nombre d’écotouristes pourrait être multiplié par quatre au Maroc, s’il y avait une offre assez conséquente. «Actuellement, il y a un décalage important entre cette demande forte et une offre séduisante mais marginale et pas organisée. Ce mode de tourisme, qui faisait figure de niche touristique, est aujourd’hui en forte expansion. Et dans ce domaine, le Maroc possède des potentialités touristiques énormes qui demandent à être exploitées», renchérit-il.

Cette forte expansion est confirmée par le rapport Sustainable Travel Report 2022 de la plateforme d’hébergements touristiques Booking. Ce document de 14 pages est le résultat d’une enquête en ligne réalisée en février 2022 auprès de 30.000 touristes âgés de plus de 18 ans dans 32 pays et territoires. Les résultats révèlent que 81% des voyageurs confirment que le tourisme durable est important pour eux, tandis que 51% déclarent qu’ils se sentiraient mieux en séjournant dans un logement particulier qui a une certification durable.

Toujours selon le portail de référence, 71% des répondants disent vouloir voyager de manière plus durable au cours des prochaines années, soit une augmentation de 10% par rapport à l’enquête de 2021. Interrogés sur les raisons qui justifient leur choix, 41% disent opter pour le tourisme durable pour réduire leur impact sur l’environnement.

Il est important de souligner que parmi les répondants, 996 sont basés en France, 1.004 en Chine, 980 au Royaume-Uni et 998 en Allemagne, de gros marchés émetteurs de touristes pour le Maroc.

Par Elimane Sembène
Le 08/05/2023 à 19h33