Une sécheresse persistante, une confusion des saisons et des repères traditionnels brouillés: voilà le tableau qui caractérise l’agriculture marocaine ces dernières années. Dans une telle période d’incertitude, l’AgriTech ne se présente plus comme une option, mais comme une nécessité, estime Faïssal Sehbaoui, Directeur général d’AgriEdge, spin-off du centre d’excellence AgriTech de l’Université Mohammed VI polytechnique (UM6P).
«La sécheresse persistante que connaît le pays depuis près de quatre années est un signal d’alarme impossible à ignorer. La confusion des saisons, résultat du changement climatique, brouille les repères traditionnels de l’agriculteur. Dans ce contexte incertain, l’agriculture de précision ne se présente plus comme une option, mais comme une impérieuse nécessité», appuie-t-il.
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Selon Faissal Sehbaoui, l’agriculture de précision, c’est avant tout une stratégie décisionnelle. «Elle offre à l’agriculteur une vision bien précise et détaillée de son exploitation, s’appuyant sur une multitude de données météorologiques, relatives à la composition du sol ou aux variations climatiques. Converties en informations stratégiques, ces données guident chaque geste de l’agriculteur: quand irriguer, quand nourrir le sol, quand traiter les cultures. Grâce à cette approche, chaque action devient plus pertinente, plus efficiente et, par conséquent, plus fructueuse», détaille-t-il.
Cependant, aborder l’agriculture de précision au Maroc nécessite une fine compréhension des spécificités locales. «Il serait illusoire et contre-productif d’importer des solutions forfaitaires conçues pour d’autres territoires. Le véritable défi réside dans la création de solutions adaptées au contexte marocain, en parfaite harmonie avec les réalités et contraintes de la région. Une agriculture de précision efficiente sera celle qui, tout en intégrant les avancées technologiques universelles, saura s’ancrer profondément dans le terroir marocain», tient à préciser le directeur général d’AgriEdge.
L’approche de l’agriculteur marocain est pragmatique
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les agriculteurs marocains, pragmatiques, sont loin d’être réfractaires à la technologie. «Face aux nouvelles avancées technologiques, l’agriculteur marocain ne voit pas un simple gadget, mais une continuité de cette dynamique innovatrice. Son approche est pragmatique: évaluer la technologie en question et, selon la valeur ajoutée perçue, décider ou non de son adoption. Il suffit de jeter un œil à la performance des exportations du Maroc malgré les aléas climatiques récurrents. Grâce à une propension à l’innovation ancrée dans son ADN, le Royaume se positionne aujourd’hui comme l’un des principaux exportateurs de divers produits agricoles», soutient Faissal Sehbaoui.
Citant l’exemple des solutions proposées par sa start-up, Faissal Sehbaoui relève que «dès que l’agriculteur marocain perçoit clairement les bénéfices d’une technologie, il l’embrasse sans hésitation. La preuve en est la croissance exponentielle observée dans l’adoption de nos offres. Ce qui a commencé avec une modestie apparente, à savoir une centaine d’hectares, englobe aujourd’hui près de 50.000 hectares au Maroc».
Les innovations en AgriTech, en particulier celles relatives à la gestion de l’eau et à la fertilisation, sont les plus sollicitées auprès d’AgriEdge. «L’une des solutions que nous avons développées a permis aux producteurs de blé de réaliser des économies d’environ 20% sur leurs dépenses en engrais azotés. Plus impressionnant encore, cela s’est traduit par une augmentation de la production de 20%, prouvant ainsi l’efficacité et la rentabilité de ces nouvelles méthodes», détaille cet expert en AgriTech.
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Faissal Sehbaoui se dit par conséquent optimiste quant à l’avenir de l’AgriTech au Maroc, une technologie qui se présente comme une solution, non seulement pour augmenter la rentabilité des agriculteurs, mais aussi pour répondre aux défis environnementaux.
«L’optimisation des ressources est essentielle à la fois à l’échelle individuelle et collective. Pour l’agriculteur, l’AgriTech est un levier pour renforcer la profitabilité. Il permet d’augmenter la production tout en consommant moins, garantissant ainsi une meilleure rentabilité. À un niveau plus global, cela répond à des enjeux écologiques. Par exemple, il favorise une consommation raisonnée de l’eau. De plus, en limitant le recours aux engrais azotés, ces technologies réduisent les coûts pour les agriculteurs tout en diminuant l’impact carbone. Cette approche marie efficacement performance économique et durabilité environnementale», conclut-il.