Comment la France est devenue un carrefour logistique pour la tomate marocaine

Tomates

Tomates en branches.

Revue de presseLongtemps ciblée par des restrictions et des critiques, la tomate marocaine s’impose aujourd’hui comme un produit incontournable sur les marchés européens. Et la France, qui en est le premier importateur, en tire un avantage commercial majeur, en la ré-exportant, massivement, dans l’Union européenne. Cet article est une revue de presse tirée du magazine hebdomadaire Challenge.

Le 08/07/2025 à 18h39

Il y a encore quelques mois, la tomate marocaine faisait l’objet de suspicions en France, alimentées par un durcissement des contrôles sanitaires à l’import et des mesures restrictives dénoncées comme discriminatoires par les professionnels marocains du secteur.

Une pression que ces derniers interprétaient comme une tentative de fragiliser la compétitivité d’un fruit, devenu trop performant.

Mais l’orage semble désormais passé. Le président de la Comader, Rachid Benali, se veut rassurant: «Aujourd’hui, tout est rentré dans l’ordre. Je pense qu’il n’y a plus de problème entre nous».

Ce climat apaisé intervient dans un contexte de réchauffement diplomatique entre Rabat et Paris, qui redonne un second souffle à leur partenariat économique, notamment dans le secteur agricole.

Derrière les tensions de façade, les chiffres racontent une tout autre histoire, relève le magazine Challenge.

Selon une étude du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), la France ne se contente pas d’importer massivement les tomates marocaines.

Elle en réexporte en moyenne un tiers vers ses partenaires européens, écrit-on.

En 2023, la France a ainsi importé 530.000 tonnes de tomates du Maroc, son principal fournisseur, loin devant l’Espagne.

Et, sur ces volumes, environ 300.000 tonnes ont été ré-expédiées vers des marchés comme l’Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique ou encore la Scandinavie.

Un véritable système logistique s’est mis en place autour du hub de Perpignan-Saint-Charles International, plateforme stratégique pour le transit, le reconditionnement et la redistribution des fruits et légumes à l’échelle de l’Union Européenne (UE).

Ce rôle de carrefour logistique, que joue la France, ne serait pas possible sans l’essor spectaculaire de la filière marocaine.

En deux décennies, le Royaume est devenu un géant de la tomate, dans l’espace euro-méditerranéen.

Le climat doux des régions du Souss et de Dakhla, bientôt suivi par l’Oriental, l’usage de technologies modernes d’irrigation, et une stratégie efficiente, résolument tournée vers l’export, ont permis de stabiliser la production de la tomate marocaine, même en période hivernale.

La tomate rouge du Maroc est donc devenue un atout pour les distributeurs européens, souligne Challenge.

Elle est bon marché, disponible toute l’année, et conforme aux standards sanitaires européens.

Une fois sur le sol français, une partie significative de cette production est ré-étiquetée, et acheminée vers d’autres pays européens, ce qui fait de la France un acteur pivot de ce commerce agricole euro-maghrébin.

Avec près de 120.000 emplois directs, 1,1 milliard d’euros de recettes à l’export, et une croissance continue vers les marchés européens (+15% vers l’UE entre 2021 et 2022), la filière légumière et fruitière du Royaume pèse lourd dans l’économie du pays.

Pour Rachid Benali, cette dynamique profite aussi à l’Europe. «En 2022, le solde commercial agricole de l’UE avec le Maroc est resté largement excédentaire, autour de 900 millions d’euros», a-t-il dit, cité par le magazine.

Pour certains experts, comme Mostafa Chehhar, directeur du Domaine Vert au Groupe Crédit Agricole, il est temps pour le Maroc d’explorer de nouveaux débouchés. «Avec la ZLECAf, nos produits peuvent conquérir des marchés en Afrique subsaharienne. Il ne faut pas céder à certaines visions court-termistes qui appellent à l’arrêt de cultures jugées trop gourmandes. Ces cultures sont sources de devises et de compétitivité pour notre agriculture».

L’exemple de l’avocat est emblématique. Entre 2017 et 2022, les exportations marocaines ont presque doublé, passant de 22.500 à 42.300 tonnes.

Le Royaume est désormais le neuvième exportateur mondial de ce fruit, avec 90 millions de dollars de revenus pour ce seul segment. Entre enjeux diplomatiques, stratégies logistiques et batailles de compétitivité, la tomate marocaine symbolise donc bien plus qu’un simple produit agricole.

Elle cristallise les interdépendances commerciales euro-méditerranéennes, les capacités d’adaptation du Royaume, et les défis futurs d’une agriculture, confrontée à la mondialisation et au changement climatique.

Par La rédaction
Le 08/07/2025 à 18h39