D’emblée dans son discours d’ouverture de la présentation du rapport sur la «Désintermédiation du financement des Entreprises en Afrique», Said Ibrahimi, directeur général de CFCA, a mis l’accent sur le fait que «les PME africaines ont du mal à émerger sur le continent et le principal obstacle demeure celui du financement».
Les chiffres sont plus que révélateurs. En effet, 47 millions de Très petites et moyennes entreprises (TPME) ne disposent pas de ressources nécessaires pour faire face à leur développement. Et pour cause, les entreprises africaines ne se financent pratiquement que par voie bancaire, même si la situation diffère d’un pays à l’autre. En moyenne, «les financements bancaires représentent 95% des sources de financement des entreprises sur le continent, contre 40% en Europe et à peine 20% aux Etats-Unis». En clair, la désintermédiation financière est loin d’être une réalité sur le continent. Or, et c’est là que le bât blesse, si les financements sont essentiellement bancaires, «seulement 22% des entreprises africaines ont bénéficié du concours d’une banque sur le continent», fait remarquer le directeur général de CFCA.
90 introductions en Bourse en cinq ansPour Karim Zine-Eddine, directeur des études et des relations avec l’Afrique de Paris Europlace, la situation devrait évoluer sachant que les investisseurs internationaux s’intéressent de plus en plus à l’Afrique. Toutefois, «il faut qu’ils trouvent des véhicules d’investissement adaptés à leur profil d’investissement». Autrement dit, il faut développer le marché des capitaux : bourse, marché obligataire, capital investissement, etc.
Au niveau du marché boursier, selon Zine-Eddine, 37 milliards de dollars ont été levés par les entreprises au cours des cinq dernières années dans le cadre de 339 opérations d’introductions en Bourse et d’augmentation de capital dont 90 introductions en bourse permettant de lever 6,3 milliards de dollars. Au niveau du marché obligataire, les entreprises africaines recourent faiblement aux marchés de la dette pour lever des fonds.
En tout, 1.300 obligations d’entreprises sont listées pour un encours de 100 milliards de dollars. Quant au capital investissement, s’il se développe, il ne contribue que modestement au financement des entreprises en Afrique. Sur la période 2008-2014, le capital investissement n'a apporté que près de 13 milliards de dollars de capitaux aux entreprises africaines.
Obstacles et recommandationsAllant dans le même sens, Edoh Kossi Amenounve, directeur général de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), explique que «les entreprises africaines sont mal financées», insistant sur la nécessité d’améliorer le financement bancaire via la consolidation des secteurs bancaires l’assouplissement des conditions de financement des TPME, faciliter l’accès des banques aux particuliers, etc. De plus, avance-t-il, «il faut développer le private equity comme phase transitoire avant d’aller vers le financement désintermédié». Cela nécessite bien évidemment des réformes des systèmes financiers des pays avec en toile de fonds le développement du private equity, renforcer les canaux de drainage de l’épargne longue assurance, fonds de pension et caisses de retraite, etc.
Reste que la marche du continent vers la désintermédiation du financement des entreprises est parsemée de nombreux obstacles : base limitée d’investisseurs institutionnels, développement inégal du système bancaire de Afrique, accès difficile à l’information, prépondérance du financement bancaire, manque de liquidité et de profondeur des marchés, contribution très modeste du capital-investissement...
Face au constat dressé et afin d’améliorer la désintermédiation du financement des entreprises en Afrique, les deux partenaires du rapport ont formulé plusieurs recommandations : le renforcement de l’intégration financière des pays du continent, la création de véhicules de financement panafricains, le développement des marchés financiers locaux, la mise en place de réformes pour attirer les investisseurs étrangers...