Deux conditions cumulatives doivent être réunies pour justifier un plafonnement des prix et des marges.
Première condition: la survenance d’une hausse ou d’une baisse excessive des prix. Or, constate Guerraoui, la loi est muette à ce niveau. Elle ne fixe aucun critère d’appréciation du caractère anormal d’une hausse ou d’une baisse exceptionnelle. Devant ce vide juridique, le Conseil a pris acte des appréciations avancées par le gouvernement sur le caractère excessif des hausses des prix et, par conséquent, a considéré que cette condition est remplie par le gouvernement.
Deuxième condition: la hausse ou la baisse excessive des prix doivent être motivées par trois faits essentiels:
- Soit par des circonstances exceptionnelles (situation de crise par exemple), ce qui n’est pas le cas. «Cette motivation n’est donc pas applicable dans le cadre de cette demande d’avis du gouvernement», souligne Guerraoui.
- Soit par l’avènement d’une calamité publique (événements d’une extrême gravité, catastrophes naturelles ou résultant d’une activité humaine, accident d’une centrale thermique ou hydroélectrique). «Cette motivation n’est pas non plus remplie par la demande d’avis», poursuit Guerraoui.
- Soit par une situation manifestement anormale du marché (le cas d’une hausse ou d’une baisse excessive des prix, motivée par une conjoncture particulière). Or, les hausses des prix sur le marché marocain remontent au premier mois de la libéralisation (décembre 2015). «La hausse actuelle n’est pas motivée par une situation manifestement anormale», note le Conseil dans son avis. Par conséqunet, la demande d'avis ne remplit pas cette troisième condition.
Il résulte de ce qui précède que les conditions requises pour mettre en place des mesures temporaires (article 4 de la loi sur les prix et la concurrence) ne sont pas toutes réunies dans le cadre de la demande d'avis du gouvernement.
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Le plafonnement des prix n’est pas judicieux d’un point de vue économique et concurrentiel, a tranché le Conseil de la concurrence, qui avance les raisons suivantes:
- Le plafonnement est une mesure conjoncturelle, dont la durée est limitée à six mois (prorogeable une fois), ce qui ne répond pas aux dysfonctionnements structurel du marché.
- Une mesure inappropriée et inefficace pour protéger le consommateur marocain. La marge bénéficiaire étant estimée à 8% du prix (4% pour les grossistes et 4% pour les stations de services), il serait faux de penser qu’il suffit de maîtriser la marge pour changer la structure des prix des carburants, sachant que le Maroc importe 93% (les prix resteront liés aux changements brusques des prix sur le marché international). En l’absence de mesures d’accompagnement, le plafonnement ne garantit pas la préservation du pouvoir d’achat des citoyens.
- Le plafonnement s’applique à tous les opérateurs, toutes tailles confondues, indépendamment du coût supporté par chacun des intervenants. Aux yeux de l’autorité de la concurrence, ce serait donc une mesure discriminatoire susceptible de pénaliser les petits et moyens opérateurs.
- Le plafonnement des prix et des marges donne un mauvais signal au marché et risque de brouiller la visibilité des opérateurs.
- Les problèmes que vit le marché sont dus à une libéralisation mal préparée. Celle-ci s’est opérée sans que le gouvernement n’ait pris des mesures d’accompagnement et des mécanismes de compensation au profit des secteurs et des catégories de la population les plus vulnérables.