Le vendredi 4 février dernier, le prix du litre de gasoil a augmenté de près de 60 centimes par rapport au mois de janvier pour atteindre jusqu’à 10,84 dirhams le litre, le prix de l’essence a augmenté quant à lui de près de 33 centimes , affichant jusqu’à 12,51 dirhams dans certaines stations de services à Casablanca, une hausse qui impacte forcément le budget des ménages.
Contacté par Le360, Francis Perrin, chercheur spécialiste des problématiques énergétiques auprès du Policy Center for the New South explique que cette hausse des prix du carburant à la pompe relève principalement de la forte demande internationale mais également de tensions géopolitiques impliquant de grands producteurs tels que les Emirats arabes unis et la Russie.
Lire aussi : Nouvelle hausse du prix des carburants, ce vendredi 4 février 2022
«Les carburants sont des produits raffinés, donc dérivés du pétrole. Leurs prix sont fortement liés à ceux du pétrole brut. Or les cours du pétrole sont sur une forte tendance haussière depuis plusieurs mois. Le prix du pétrole Brent produit en mer du Nord et coté à Londres est proche des $92,80 par baril. Pour comparaison, le Brent était tombé à $18 par baril en avril 2020. La hausse est donc vertigineuse et ce n'est peut-être pas fini», explique ce spécialiste des problématiques énergétiques.
Des hausses vertigineuses qui inquiètent les consommateurs marocains, qui subissent de plein fouet les fluctuations du marché depuis la libéralisation du secteur en 2015 avec la levée des subventions et la renonciation du gouvernement à la fixation des prix des produits pétroliers, laissant libre cours à la concurrence.
Au Parlement, des voix se sont élevées ces derniers jours, appelant le gouvernement à trouver un mécanisme susceptible de réduire l’impact de la hausse du cours du pétrole sur le pouvoir d’achat des marocains. Les professionnels du secteur, représentés par la Fédération nationale des propriétaires, commerçants et gérants libres des stations-services (Fnpcgss) avait déjà demander en novembre dernier d’instaurer une «taxe flottante» pour préserver le pouvoir d’achat des consommateurs marocains, et demaintenir le prix des carburants dans des limites raisonnables, puisque ces taxes constituent 50% de la structure des prix.
Lire aussi : Pétrole: le Brent au plus haut depuis 2014, entre tensions sur l'offre et risques géopolitiques
En attendant une éventuelle intervention pour réduire l’impact de la hausse au Maroc, le pouvoir d’achat des ménages devrait continuer à subir ces hausses. Interrogé sur les perspectives d’évolution des cours du pétrole, Francis Perrin estime que la hausse des cours du pétrole devrait se poursuivre durant les prochains jours, ce qui continuera d’impacter les prix des carburants à la pompe. «La banque d’investissement américaine Goldman Sachs annonce un prix du pétrole de 100 dollars par baril au cours de cette année et on s'en rapproche rapidement», a-t-il expliqué.
En effet, malgré l'envolée des cours du pétrole, les 23 membres de l'alliance de l'Opep+ ont décidé, le mercredi 2 février dernier d’augmenter modestement leur production, en mars, pour répondre aux plaintes formulées, afin de rééquilibrer l’offre et la demande.
Les producteurs ont ainsi convenu «d'ajuster leur niveau total de production de 400.000 barils par jour pour le mois de mars», a indiqué un communiqué de l’organisation à l’issue de la réunion. Un niveau insuffisant, selon les observateurs, et qui ne devrait pas avoir un grand impact sur la tendance haussière engagée depuis plusieurs semaines sur les marchés.
Le marché craint par ailleurs que l'Opep+ ne soit pas en mesure d’atteindre ses objectifs de production, certains pays n’ayant pas la capacité de produire plus de pétrole par an. «La demande pétrolière est forte, l'OPEP+ a du mal à accroître l'offre, sauf l’Arabie Saoudite. Les stocks pétroliers sont plutôt bas et la menace d'une nouvelle guerre russo-ukrainienne fait monter les cours de l'or noir», explique Francis Perrin.
Lire aussi : Hausse des carburants: les stations-service appellent à une «taxe flottante» pour stabiliser les prix
En ce qui concerne les mesures susceptibles de réduire le prix des carburants, le chercheur explique que pour enrayer la hausse des cours du pétrole il faudrait soit que «la pandémie du Covid-19 s'aggrave, ce que l'on ne peut souhaiter, soit que la situation se calme sur le front russo-ukrainien, ce qui n'a pas l'air évident».
L’autre scénario qui pourrait contribuer à la baisse des cours du pétrole est la réduction des stock stratégiques des pays pétroliers. «Pour réduire la hausse, il faut que de grands pays consommateurs de pétrole vendent une partie significative de leurs stocks pétroliers stratégiques, ou que les Etats-Unis et l'Iran arrivent à un accord sur le programme nucléaire de ce pays, afin que celui-ci puisse produire et exporter plus de pétrole», précise-t-il.
La dernière option pour faire face à cette flambée des prix demeure la baisse des pays importateurs de leurs taxes, une solution difficilement applicable à cause de son impact sur les recettes fiscales. «Pour faire baisser les prix, il faut que les pays importateurs de pétrole baissent les taxes sur les carburants, ce qu'ils ne souhaitent souvent pas pour ne pas perdre des recettes fiscales», a expliqué pour finir le spécialiste des problématiques énergétiques.