Banque mondiale: à près de 68 milliards de dollars, la dette extérieure du Maroc demeure sous contrôle en 2024

La façade du siège de la Banque mondiale, à Washington.

En 2024, la dette extérieure globale du Maroc s’élève à près 68 milliards de dollars, en légère baisse sur un an, selon un rapport de la Banque mondiale. Malgré ce niveau d’endettement élevé, la soutenabilité reste maîtrisée, grâce à un revenu national brut en hausse et des flux financiers positifs, tandis que le pays doit composer avec des risques liés au commerce mondial et au coût du refinancement.

Le 07/12/2025 à 10h31

La dette extérieure du Maroc a reculé en 2024 pour s’établir à 67,99 milliards de dollars, selon le rapport sur la dette internationale 2025 publié par la Banque mondiale. Cette diminution intervient après un pic de 69,63 milliards de dollars atteint en 2023 et met un terme à la tendance haussière amorcée en 2021.

Si l’endettement extérieur demeure encore supérieur aux niveaux d’avant la pandémie, les indicateurs de soutenabilité restent globalement bien orientés, portés par la progression du revenu national brut (RNB) et par des flux financiers nets positifs.

Au-delà du cas marocain, la Banque mondiale souligne que le stock de dette extérieure totale des pays à revenu faible et intermédiaire (PRFI) a atteint un niveau record de 8.900 milliards de dollars fin 2024. Dans la région Moyen-Orient, Afrique du Nord, Afghanistan et Pakistan (MENAP), à laquelle le Maroc est rattaché, l’encours régional a légèrement reculé pour s’établir à 561,2 milliards de dollars.

La région MENAP fait toutefois face à des pressions financières sans précédent. En 2024, elle a enregistré des sorties nettes historiques au titre de la dette (-29 milliards de dollars), signe que les remboursements (principal et intérêts) ont largement dépassé les nouveaux emprunts. Dans le même temps, la charge d’intérêts s’est alourdie et le ratio service de la dette sur exportations a atteint 13,7%, révélant une vulnérabilité croissante.

Dette marocaine: prédominance du long terme

La dette à long terme représente la majeure partie de l’encours marocain, totalisant 57,2 milliards de dollars, dont 45,7 milliards au titre de la dette publique et garantie par l’État. Les créanciers officiels -multilatéraux et bilatéraux- restent les premiers partenaires du Maroc, avec 28,8 milliards de dollars, dont 21,5 milliards provenant d’institutions multilatérales, au premier rang desquelles la Banque mondiale.

Les engagements vis-à-vis des créanciers privés atteignent 16,95 milliards de dollars, portés par les émissions obligataires internationales qui progressent à 13,58 milliards. À l’inverse, les engagements auprès des banques commerciales reculent à 3,37 milliards. La dette privée non garantie poursuit, quant à elle, sa progression pour atteindre 11,47 milliards de dollars en 2024.

En 2024, les flux financiers nets du Maroc restent positifs, atteignant 1,33 milliard de dollars, principalement grâce aux investissements en capitaux propres (1,12 milliard). Les flux nets d’endettement demeurent limités (206 millions), reflétant une gestion prudente du recours à l’emprunt extérieur.

L’encours de crédit du FMI et des allocations en droits de tirage spéciaux (DTS) diminue également, passant de 3,91 à 3,28 milliards de dollars, sous l’effet du recul du recours au crédit FMI.

Du point de vue de la soutenabilité, l’encours de la dette extérieure équivaut à 99% des exportations et 45% du RNB, des niveaux jugés soutenables selon les standards internationaux. Le service de la dette demeure contenu: 13% des exportations et 6% du RNB, malgré une hausse des remboursements en 2024.

Le rapport met en avant plusieurs risques qui concernent directement le Maroc, dont essentiellement trois. Le premier est l’incertitude commerciale mondiale. La croissance des PRFI devrait ralentir sur la période 2025-2027 en raison des tensions commerciales et des restrictions, ce qui pourrait peser sur les recettes d’exportation, essentielles au service de la dette.

Le deuxième est le coût élevé du refinancement. Dans un contexte de taux mondiaux durablement élevés, le refinancement des échéances de dette devient plus onéreux, comme l’a illustré le Kenya en 2024 avec un emprunt international à près de 10%.

Le troisième risque consiste en la pression croissante sur la capacité fiscale. Le Maroc pourrait voir sa marge budgétaire se réduire si la progression des recettes publiques n’accompagne pas l’augmentation des besoins de financement liés à l’investissement et au service de la dette.

Renforcer la soutenabilité

Avec une population estimée à 38 millions d’habitants et un RNB de 152 milliards de dollars en 2024, le Maroc bénéficie d’une base économique suffisamment robuste pour absorber l’évolution de sa dette extérieure. Ce dynamisme contribue à renforcer la résilience du pays face aux chocs externes, qu’ils soient financiers ou géopolitiques.

Sans formuler de recommandations spécifiques, le rapport met implicitement en lumière plusieurs priorités pour le Maroc. Il s’agit essentiellement de diversifier davantage les sources de financement, notamment via le développement du marché domestique des capitaux en dirhams, afin de réduire l’exposition au risque de change.

Il s’agit aussi de maintenir une gestion prudente et transparente de la dette, essentielle pour préserver la confiance des investisseurs et accroître la résilience de l’économie face à la volatilité des prix des matières premières et aux tensions géoéconomiques.

Par Lahcen Oudoud
Le 07/12/2025 à 10h31