Bien que les étiquettes affichent des prix de gros en baisse, cette situation n’est pas nécessairement synonyme de bonne nouvelle pour tous. Si les consommateurs peuvent se réjouir de faire des économies, cette tendance pourrait nuire aux producteurs.
Dans une exploitation à Doukkala, Ahmed, un agriculteur de 45 ans, contemple ses champs avec une inquiétude croissante. Les mêmes légumes, qui font la joie des clients à Casablanca, ne lui rapportent presque rien: «Nous travaillons dur toute l’année, mais à ce prix-là, nous n’avons même pas de quoi couvrir nos frais de production. Cette dépréciation, bien que bénéfique pour les consommateurs à court terme, est d’une grande calamité pour nous, opérateurs. Nous nous retrouvons avec des revenus si bas qu’ils ne peuvent plus couvrir nos coûts de production.»
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Amine, un autre agriculteur dans la trentaine, partage également cette préoccupation: «Les prix actuels rendent difficile tout retour sur investissement. Malheureusement, nos revenus diminuent parallèlement à la chute des prix de vente, nous plaçant dans une situation financière délicate.»
Prix de gros de légumes au marché de gros de Casablanca (Source: Casa Prestations)
Produit | Prix au kilogramme |
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Tomates | 1,2 - 3,3 dirhams |
Oignons frais | 1 - 3,3 dirhams |
Pommes de terre | 2,5 - 4 dirhams |
Carottes | 1 - 1,8 dirham |
Courges | 3 - 8,5 dirhams |
Choux blancs | 0,8 - 1,5 dirham |
Courgettes | 2,5 - 4 dirhams |
Concombres | 2,5 - 4 dirhams |
Aubergines | 1,2 - 2,5 dirhams |
Choux fleurs | 2,5 - 4 dirhams |
Que justifie donc une telle baisse? Selon Rachid Benali, président de la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (COMADER), cette situation découle principalement d’une forte production. Simultanément, un ralentissement des exportations a conduit à un excédent de produits sur le marché local, d’où ce déséquilibre de prix.
«Les prix extrêmement bas auxquels les agriculteurs sont actuellement contraints de vendre leurs produits, comme l’oignon à 0,7 dirham le kilogramme et la tomate entre 1,2 et 1,3 dirham, ne reflètent pas les coûts réels de production, lesquels incluent non seulement les dépenses directes comme les semences et les engrais (même avec les subventions étatiques), mais aussi les coûts indirects tels que la main-d’œuvre, l’amortissement du matériel, et les frais de gestion», explique-t-il.
Y a-t-il une répercussion de cette baisse sur les prix de détail?
«Et même si les prix sortie ferme et de gros ont fortement diminué, les bénéfices de cette réduction ne se répercutent pas directement sur les consommateurs. Les intermédiaires, en ajoutant leurs marges, absorbent une partie de cette baisse. Prenons l’exemple des tomates, elles sont vendues par exemple à 6,5 dirhams le kilogramme, en moyenne (prix de détail), sur le marché», souligne notre interlocuteur.
«Le risque majeur est que cette insoutenabilité conduise à une diminution de l’offre agricole l’année suivante, soit par le changement de culture des agriculteurs, soit par leur retrait du marché. Cette réduction de l’offre pourrait, paradoxalement, entraîner une hausse des prix, affectant directement les consommateurs», estime-t-il.
Une rencontre est d’ailleurs prévue avec la tutelle la semaine prochaine pour discuter des mesures pouvant être mises en place pour stabiliser le marché et assurer un équilibre plus durable entre prix justes pour les agriculteurs et accessibilité pour les consommateurs, annonce Rachid Benali.