Après la CGEM, qui a transmis aux membres de son conseil d’administration, vendredi, son projet de contribution aux Assises (lequel sera soumis pour adoption lors d’une réunion des administrateurs prévue le 23 avril), c’est au tour de l’Ordre des experts comptables de rendre sa copie.
Le document, dont Le360 détient copie, aborde quatre thématiques:
- Pacte fiscal et gouvernance (consentement de l’impôt);
-Equité et justice fiscale;
-Neutralité et compétitivité de la fiscalité;
-Sécurité juridique, administration et service aux usagers.
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Voici un tour d’horizon des principales recommandations de l’Ordre des experts comptables:Une fiscalité des entreprises adaptée à la réalité du tissu économique et social
- Simplifier le système fiscal et le rendre plus adapté et plus lisible pour toutes les entreprises composant le tissu économique marocain. Ainsi, il est recommandé de prévoir un système de taxation conçu autour de deux régimes.
- Tendre vers un niveau d’imposition de droit commun à horizon de 5 ans aux alentours de 25% ce qui serait comparable aux niveaux adoptés par les pays voisins et concurrents.
- Revoir le seuil d’exonération prévu pour le secteur agricole pour plus de cohérence et de justice fiscale. Toutefois, pour celles qui resteront exonérées, l’obligation de déclaration doit être instituée avec une dérogation pour les petits agriculteurs, personnes physiques, ne disposant pas d’autres revenus et dont le CA serait inférieur à un seuil à fixer (2 milliards de dirhams maximum selon l’OEC).
- Mettre en place un dispositif fiscal incitatif cohérent et juste permettant d’encourager les investissements en Recherche et développement notamment pour les secteurs prioritaires et stratégiques pour le pays.
- Les incitations fiscales qui se justifient par leur pertinence doivent être limitées dans le temps et accordées en fonction du secteur ou de la géographie sans distinction entre contribuables ou entre export et local pour assurer une équité et une concurrence loyale. Toutes les autres exonérations doivent être supprimées.
- Supprimer toutes les dispositions non pertinentes qui complexifient le système et créent souvent un sentiment d’injustice et une lourdeur dans la gestion administrative.
- Suivre l’évolution internationale en ce qui concerne la fiscalisation de l’économie numérique (les GAFA principalement) et adapter notre système fiscal sans délai pour y inclure de façon appropriée les mesures nécessaires à l’instar de nos pays partenaires de l’UE et/ou de l’OCDE.
- Instituer une retenue à la source de 30 ou de 20% pour les professions libérales exercées à titre individuel pour les prestations médicales et toutes les prestations des autres professionnels indépendants rendues aux entreprises soumises à l’IS et à l’IR professionnels.
- Explorer l’idée d’instituer pour les professions libérales exercées à titre individuel, tant qu’elles ne bénéficient pas de couverture sociale, un abattement forfaitaire qui pourrait être plafonné à un montant annuel à définir, pour compenser l’absence de déduction pour la couverture sociale et la retraite. Toutefois, l’accélération de la mise en place d’une couverture satisfaisante est à notre avis la meilleure solution.
- Prévoir le paiement d’acomptes provisionnels pour l’IR professionnel.
- Instituer une incitation à la transmission d’entreprises par application d’une réduction de 50% sur la plus-value de cession en cas de départ à la retraite, en fixant des conditions (une durée de détention de 10 ans minimum et après 55 ans par exemple semble appropriée aux yeux de l’OEC).
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Une fiscalité du travail et du capital plus harmonieuse et juste
- Procéder à des réajustements des niveaux d’imposition des revenus du travail et du capital pour les rendre plus justes.
- Harmoniser le niveau de taxation des gains en capital pour le rendre cohérent avec la taxation des bénéfices d’entreprises pour les revenus de même nature.
- La plus-value acquise par voie de succession devrait être imposée au même titre que toute autre plus value réalisée en cas de cession en excluant l’habitation principale.
- Elargir l’imposition en tant que revenu foncier aux revenus issus de la location meublée des particuliers non professionnels y compris la location saisonnière ou occasionnelle en l’’excluant du champ d’application de la TVA. Si l’imposition libératoire est maintenue, le taux de 10% à 15% serait cohérent et juste, vu l’absence de déductions de charges et d’amortissement. Cette taxation doit s’étendre rapidement aux locations via des plateformes électroniques.
- Prévoir un régime de taxation pour les acteurs non résidents effectuant des opérations de tournage au Maroc.
- Intégrer les cessions de droits de réservation de biens immeubles, avec obligation d’enregistrement au droit fixe, dans la catégorie de revenus immobiliers pour qu’elles puissent subir la même taxation que les profits immobiliers et encadrer son appréhension.
- Prévoir l’imposition des jetons de présence au profit des administrateurs étrangers au taux de droit commun et à minima au taux libératoire de 30% au lieu du taux actuellement applicable aux revenus de capitaux mobiliers (15% maximum), et ce en conformité avec les conventions internationales qui donnent le droit d’imposition au pays de la source selon sa propre législation.
- Harmoniser les règles et définitions retenues en droit interne avec celles retenues en droit conventionnel pour éviter les conflits et les difficultés d’application des conventions.
- Porter le plafond de déduction des cotisations de contrats individuels de retraite à 20% au lieu de 10% pour encourager la mobilisation de l’épargne à long terme.
- Pour contribuer à la réflexion sur l’éventuel projet d’institution d’un impôts sur la fortune, nous estimons, au regard des difficultés de sa mise en œuvre et de ses effets négatifs éventuels sur l’investissement et le risque de fuite de capitaux, outre le peu de succès et de rendement que cet impôt a généré dans les pays qui l’ont expérimenté, l’OEC recommande d’instituer plutôt une contribution de solidarité sur le revenu global des personnes physiques (y compris les dividendes) dont le niveau dépasserait un seuil à fixer (2 millions de DH selon les experts comptables) et dont le taux pourrait être progressif entre 2 et 5% pour rester à un niveau supportable et acceptable.
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Une fiscalité de la consommation supportable et cohérente
- Pour certains produits de grande consommation ayant un caractère social, il peut être envisagé d’instituer un taux super-réduit de 5% pour ne pas affecter substantiellement le pouvoir d’achat des citoyens en intégrant également les produits agricoles. Pour ces derniers, une collecte de la TVA au niveau des marchés de gros peut être envisagée.
- Pour les reste des activités, l’OEC recommande de prévoir deux taux, un taux intermédiaire de 10 ou 12% et un taux normal de 20% avec droit à déduction pour toutes les activités situées dans le champ.
- Les crédits de TVA justifiés doivent faire l’objet de remboursement de façon systématique et selon une procédure simplifiée.
- Suppression des exonérations du matériel et produits destinés au secteur agricole pour réduire les distorsions créées en prévoyant notamment leur assujettissement au taux intermédiaire qui sera retenu. Le secteur bénéficiant par ailleurs de subventions dont le niveau et la pertinence doivent être évaluées périodiquement par les pouvoirs publics.
- Evaluer la pertinence d’augmenter le taux de 10 à 20% pour les ventes à consommer sur place des boissons alcoolisées qui sont soumises à 20% quand elles ne sont pas consommées sur place pour supprimer la distorsion injustifiée pour ce type de produits et supprimer l’éventuel butoir qui en découle.
- Evaluer la pertinence de l’assujettissement à la TVA, des marges nettes de change pour les établissements de change, au même titre que les opérations de banque, de crédit et les commissions de change.
- Aligner le traitement applicable aux promoteurs immobiliers aux lotisseurs pour que la marge liée à la viabilisation du terrain soit également passible de la TVA au même titre que pour un promoteur, ce qui serait pertinent et cohérent sur le plan concurrentiel.
- Instituer un régime de taxation de la marge pour les marchands de biens immeubles à l’instar de celui prévu pour les marchands de biens pour encourager le développement de cette activité.
Des sanctions plus justes et efficaces
- Mettre en place un dispositif de sanctions plus juste envers les bons contribuables et plus efficace contre la fraude et l’évasion.
- Activer le dispositif de pénalisation de la fraude fiscale caractérisée, qu’il convient de bien définir et encadrer en l’excluant du bénéfice des remises gracieuses.
Lutte contre la fraude et l’informel
- Mettre en place une véritable stratégie d’intégration de l’informel vivrier et de lutte contre l’informel non vivrier en coordonnant les actions entre les différentes administrations de l’Etat et d’autres organismes non étatiques.
- Mettre en place des mesures législatives appropriées et des actions concrètes permettant d’assurer une lutte efficace contre la fraude et l’évasion fiscale.
- Mettre en place des mesures spécifiques pour les activités et secteurs traitant principalement avec les particuliers pour lesquels la non-conformité est très répandue.
- Renforcer le rôle et la responsabilité de la profession comptable, en tant que tiers de confiance, pour améliorer la transparence et la lutte contre la fraude.
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Amélioration de la procédure contradictoire
- Mettre en place les mesures nécessaires afin d’encadrer le accords amiables et permettre à la phase initiale de la procédure contradictoire d’atteindre les objectifs recherchés de célérité, d’efficacité et de justice fiscale.
- Transformer la Commission locale de taxation (CLT) en commission spécialisée pour les DE et les profits fonciers en intégrant dans sa composition un représentant de la DGI (directeur ou chef de service non impliqué directement dans le dossier, plus un expert indépendant).
- Etendre la compétence de la Commission nationale du recours fiscal (CNRF) à toutes les vérifications de comptabilité et de l’examen d’ensemble en la dotant de la possibilité d’être mobile régionalement.
- Rendre l’indépendance de la CNRF effective en la dotant d’un budget autonome, relevant du chef du Gouvernement, et de moyens humains suffisants et compétents et de moyens techniques modernes ;
- Modifier sa composition en intégrant un expert indépendant (dont la probité et la compétence doivent être assurées au moyen de procédure de désignation précise et transparente).
Revue de la procédure administrative et judiciaire
- Rallonger le délai de recevabilité des demandes de restitution à deux ans minimum pour le rendre cohérent avec le délai de prescription de 4 ans
- Veiller à une application stricte et uniforme de la Loi fiscale et des notes circulaires par toutes les directions régionales.
- Améliorer la gestion et la qualité de la preuve des envois d’avis d’imposition dans le respect strict des délais.
- Fixer des délais de rigueur acceptables pour le contribuable pour traiter les demandes et réclamations.
- Instituer une transparence et un contrôle interne rigoureux des actions entreprises par les agents de l’administration fiscale.
- Prévoir des magistrats spécialisés dans les domaines fiscal et comptable afin de garantir la sécurité nécessaire pour le développement de l’activité économique et une meilleure protection des deniers de l’Etat.
- Instituer par voie législative, en concertation avec les autorités judicaires et les Ministères concernés (Finances et Justice), la procédure de désignation de la liste des experts agréés dans le domaine fiscal qui seraient les seuls habilités à intervenir dans ce domaine.
- Instituer un organe indépendant de supervision des experts judiciaires dans tous les domaines notamment ceux ne faisant partie d’aucune profession réglementée.
Amélioration du service aux usagers
- Mettre en place les mesures appropriées pour améliorer la communication avec le contribuable.
- Rééquilibrer les droits et obligations de l’administration et des contribuables.
Fiscalité locale
- Simplifier le système de la fiscalité locale en l’articulant autour de deux grandes taxes, l’une à composante foncière (visant principalement les ménages) et l’autre à composante économique (visant principalement les entreprises).
- Supprimer l’ensemble des «petites» taxes ou redevances à rendement et potentiel faible (contribution des riverains, droits d’états civil, etc.) qui sont davantage des facteurs de complexité en plus d’être mal perçues par les citoyens.
- Reclasser et fusionner les autres prélèvements en redevances qui viendraient en contrepartie d’un avantage ou d’un service direct rendu par la collectivité.
- Rationnaliser les exonérations des taxes locales, à limiter dans le temps (3 à 5 ans maximum) et uniquement pour la phase de démarrage d’une activité économique.
- En matière de gestion des taxes locales, distinguer la gestion des taxes locales «principales» et la gestion des redevances. Dans les deux cas il faut unifier la gestion et le recouvrement auprès d’une même entité.
- Intégrer la fiscalité locale dans le Code général des impôts, avec la possibilité de la faire évoluer avec les lois de finances.
- recommandations_de_lordre_des_experts-comptables_du_maroc_-_assises_de_la_fiscalite-compresse.pdf