Les chiffres ont ceci de particulier qu’à force de les cuisiner, on peut leur faire dire n’importe quoi. C’est le cas par exemple des chiffres correspondant aux réalisations à l’export du secteur de l’artisanat au Maroc. Les statistiques officielles (Observatoire de l’artisanat) font état d’un bilan de 594 millions de dirhams à fin septembre dernier, contre 498 millions de dirhams une année auparavant, soit une hausse de 19%.
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Ce que d’aucuns qualifient de «performance» reflète en réalité l’échec du contrat-programme 2006-2015, signé sous le mandat du ministre de tutelle, Adil Douiri. En effet, l’un des objectifs engagés dans le cadre de la Vision 2015 était de multiplier par dix le chiffre d’affaires à l’export, pour passer de 700 millions de dirhams en 2016 à 7 milliards de dirhams en 2015.
Plus de 10 ans après la signature dudit contrat, «au lieu de multiplier par dix le volume des exportations, on a fini par le diviser par deux », regrette Mohamed Sairi, président de l’Association nationale des producteurs et négociants de tapis, contacté par le360. Ce dernier n’hésite pas à pointer du doigt le professionnalisme de ceux qui ont eu à gérer l’implémentation de la vision 2015 et surtout le budget de 2 milliards de dirhams affecté à la promotion. Selon lui, «ils ont sûrement confondu la promotion avec l’évènementiel».
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Mohamed Sairi dit faire un triste constat d’échec du contrat programme signé en 2007 devant le roi Mohammed VI. Un constat qui ne se limite pas uniquement aux seuls objectifs ratés au niveau des exportations. «Dans la feuille de route 2006-2015, le gouvernement s’était engagé à apporter son soutien pour favoriser l’émergence d’acteurs de référence générant un chiffre d’affaires de 200 à 300 millions de dirhams, réalisé à hauteur de 80% sur les marchés de l’export. Paradoxalement, ces programmes d’aides ont bénéficié plutôt aux importateurs», témoigne Sairi.
Le président de l’Association nationale des producteurs et négociants de tapis reste convaincu que l’intelligence manuelle crée de la richesse et, de ce fait, l’artisanat demeure parmi les rares secteurs pourvoyeurs d’emplois. A ce titre, suggère Sairi, le Maroc ferait bien de prendre exemple sur certains pays du pourtour méditerranéen dans lesquels le secteur occupe une place de choix. «En France, trois activités artisanales, à savoir la maroquinerie, la bijouterie et la haute couture, génèrent ensemble plus de 152 milliards d’euros par an, un montant qui dépasse le volume drainé par les trois mastodontes de l’industrie française, Air Bus, Renault et PSA», constate Mohamed Sairi.