25 ans de règne. Tanger-Med, Nador West Med et Dakhla Atlantique, ces mégastructures qui changent le visage du Maroc

La stratégie portuaire nationale à l’horizon 2030 s'appuie sur trois mégastructures: Tanger-Med, Nador West Med et Dakhla Atlantique. (W. Belfkih/Le360).

25 ans de règne - Ep 3 | La volonté royale de doter le pays d’infrastructures portuaires de grande envergure n’a pas tardé à se traduire par des réalisations aux effets considérables sur l’économie marocaine. Ainsi, depuis son entrée en service en 2007, le port Tanger Med enchaîne les records, se plaçant désormais dans le Top 20 mondial des structures portuaires. Suivront bientôt Nador West Med et Dakhla Atlantique, deux ports qui promettent de renforcer le statut du Maroc en tant que hub maritime et puissance économique régionale.

Le 26/07/2024 à 16h02

Dès le début de son règne, le roi Mohammed VI a fait du développement de l’infrastructure portuaire une priorité stratégique, et les résultats ne se sont pas fait attendre. La pertinence de cette orientation, consignée dans la stratégie portuaire nationale à l’horizon 2030, et la rigueur déployée dans sa mise en œuvre ont valu au Maroc une consécration régionale et internationale, érigeant son expérience au rang de modèle à suivre.

Et pour cause, ces réalisations ont déjà permis au Royaume de rivaliser avec les grandes nations dans le domaine des structures portuaires, et les projets en cours devraient encore renforcer son statut de hub maritime et de puissance économique régionale.

La première grande réalisation dans ce domaine est le complexe portuaire Tanger Med, composé de 3 ports développés sur 1.000 hectares: le port Tanger Med 1, le port passagers et rouliers et le port Tanger Med 2. Depuis son entrée en service en 2007, ce grand complexe portuaire ne cesse de monter en régime et son évolution est rythmée de performances exceptionnelles.

De ce fait, «Tanger-Med se positionne aujourd’hui comme l’un des ports les plus importants au monde», souligne l’économiste Driss Effina, interrogé par Le360, relevant le grand apport de ce hub majeur de transbordement à la connectivité maritime du Royaume et à l’économie nationale dans sa globalité.

Parmi les manifestations évidentes de cet impact positif sur l’économie du pays, l’économiste souligne notamment «les effets très importants en termes d’investissements directs étrangers», avec l’installation du constructeur automobile français Renault et la composition de tout un écosystème d’industrie automobile, en plus de nombreux autres opérateurs étrangers ciblant l’export. Ce qui s’est traduit par un développement rapide du tissu industriel dans la région et un élan exceptionnel de création d’emploi.

Pour ce faire, le complexe portuaire Tanger Med a mis à profit ses nombreux atouts, notamment sa situation sur le détroit de Gibraltar, zone névralgique des échanges commerciaux entre l’Afrique et l’Europe. «Tanger-Med dispose de l’avantage de se trouver sur les voies maritimes les plus importantes au monde», note notre interlocuteur.

Tanger Med dans le top 20 mondial

Il profite également d’une large connectivité maritime vers 180 ports et 70 pays, et d’une grande capacité de traitement avec 9 millions de conteneurs EVP (équivalent vingt pieds), 7 millions de passagers, 700.000 camions et 1 million de véhicules. Le port est ainsi doté de 4 terminaux à conteneurs et de deux terminaux à véhicules, dont l’un est dédié au groupe Renault.

Vu sa forte montée en puissance, le complexe portuaire est en passe d’utiliser la totalité de sa capacité en conteneurs. Au terme de l’année 2023, il avait dépassé la somme 8,61 millions de conteneurs EVP traités, en croissance de 13,4% par rapport à 2022, soit 95% de sa capacité nominale. Cette performance est d’autant plus remarquable qu’elle a été réalisée en avance de quatre ans par rapport aux objectifs.

Ce qui lui a permis d’accéder au top 20 parmi les 500 ports à conteneurs dans le monde, selon un classement établi par Alphaliner, cabinet d’analyse maritime fournissant des données et des classements sur le transport maritime de conteneurs.

Le port Tanger Med est ainsi le port numéro 1 en Afrique et en Méditerranée, loin devant les ports de Durban (Afrique du Sud, 4 millions d’EVP), de Valence (Espagne, 5 millions d’EVP) et d’Algéciras (Espagne, 4.7 millions d’EVP). Il rivalise désormais avec les structures portuaires de Long Beach (Californie, États-Unis), de Laem Chabang (Thaïlande) et de Kaohsiung (Taïwan).

Et ce n’est pas fini: le complexe portuaire tangérois profitera bientôt d’une extension. Tanger Med Port Authority (TMPA) a en effet engagé un plan d’investissement d’environ 7 milliards de dirhams (650 millions d’euros) pour l’extension de la capacité du terminal passagers et camions et la modernisation de sa zone d’importations.

Ce projet, financé en partie par un prêt de la Banque mondiale, couvrira une superficie de quelque 63 hectares, augmentant la capacité de traitement des camions du port à plus d’un million d’unités. Les travaux devraient s’achever vers fin 2026.

Nador West Med, pour libérer le potentiel économique de l’Oriental

Le deuxième grand projet d’infrastructure portuaire qui émane de la stratégie portuaire nationale est celui du port Nador West Med (NWM). Un projet qui a pour objectif de libérer le potentiel économique de Nador et de l’ensemble de la région de l’Oriental, en attirant d’importants investissements directs étrangers. Le lancement de sa construction en 2017 a constitué une grande avancée dans la dynamique de mise en place de plateformes portuaires et logistiques au Maroc.

Devant entrer en service au cours de l’année 2025, ce grand complexe portuaire, industriel et énergétique aura nécessité un investissement de 10 milliards de dirhams. Il comprendra des zones industrielles, logistiques et de services, ainsi qu’un terminal à conteneurs, un terminal pétrolier et d’autres installations dédiées à l’accélération de l’essor économique de la région de l’Oriental.

Le port NWM sera doté d’une capacité annuelle de traitement de 3,4 millions de conteneurs EVP (renforcée ultérieurement d’une capacité supplémentaire de 2 millions d’EV), de 25 millions de tonnes d’hydrocarbures, de 7 millions de tonnes de charbon et de 3 millions de tonnes de diverses autres marchandises. Le terminal à conteneurs Est, dont la mise en service est prévue pour 2027, est confié à Marsa Maroc, qui y engagera une enveloppe d’investissement de plus de 2 milliards de dirhams.

Un terminal gazier en projet

Il est également envisagé d’y installer un terminal gazier flottant. C’est ce que prévoit un protocole d’accord stratégique signé, le 26 mars 2024 à Rabat, entre les ministères de l’Intérieur, des Finances, de l’Équipement et de la Transition énergétique pour le lancement de la feuille de route de l’infrastructure gazière.

Ce programme, qui s’étendra sur plusieurs années, a pour objet de doter le Royaume de plusieurs points d’entrée pour l’importation de gaz naturel liquéfié (GNL), ainsi que d’une infrastructure de stockage et de transport de gaz naturel.

À court terme, il vise l’appui aux gazoducs raccordant les bassins de production de gaz domestiques aux consommateurs, ainsi que le développement d’un terminal GNL au port de Nador West Med et d’un nouveau gazoduc pour connecter le terminal au Gazoduc Maghreb Europe (GME).

Dakhla Atlantique: des objectifs de développement régional

La troisième pièce maîtresse dans la stratégie portuaire nationale est le port de Dakhla Atlantique. Ce mégaprojet, en cours de construction sur la façade atlantique, injectera de nouvelles capacités qui consolideront l’offre portuaire du pays et créeront des complémentarités avec les ports Tanger Med et Nador West Med. Pour l’économiste Driss Effina, il s’agira d’«un hub logistique très important qui va créer une forte dynamique économique au sud du royaume». Il répondra de ce fait à la fois à des objectifs géostratégiques, de développement régional et à des objectifs spécifiques au secteur de la pêche.

Le projet du port de Dakhla Atlantique fait partie d’un programme intégré visant également la mise en place d’un parc d’activités industrielles halieutiques, le développement d’une nouvelle zone industrielle et logistique à proximité du port et la réalisation d’infrastructures hors site.

Le projet, dont l’enveloppe globale d’investissement est de 12,6 milliards de dirhams, permettra surtout de soutenir le développement économique, social et industriel régional dans tous les secteurs productifs, et de doter la région d’un outil logistique moderne et évolutif, à la hauteur de ses ambitions de développement. Il s’agira aussi de saisir les opportunités de cabotage vers l’Afrique de l’Ouest et valoriser la ressource de la région en mettant en place des infrastructures portuaires et des espaces industriels de proximité, offrant les meilleures conditions de compétitivité à l’ensemble de la filière de la pêche.

Le port Dakhla Atlantique comportera un bassin de commerce avec un poste pétrolier, un bassin de pêche côtière et hauturière qui devra assurer un trafic de près d’un million de tonnes de produits maritimes et un bassin de réparation navale. Il sera également doté de plusieurs ouvrages de connectivité.

Un port intégré dans la vision royale pour l’Atlantique

Le port pourra traiter environ 35 millions de tonnes de marchandises par an dans une première phase, et environ 8 millions de tonnes supplémentaires dans une deuxième phase, après son extension. Par ailleurs, la grande caractéristique de cette mégastructure, qui devra être livrée à la fin de l’année 2028, est de s’intégrer parfaitement dans la vision royale pour l’Atlantique.

«Le nouveau port de Dakhla s’inscrit au cœur de la vision royale pour l’Atlantique. Il servira au renforcement de la connectivité avec les pays de l’Afrique de l’Ouest et sera un point de connectivité pour les pays du Sahel qui ne disposent pas d’une façade maritime», a déclaré Nisrine Iouzzi, directrice du projet du nouveau port de Dakhla.

Les infrastructures portuaires et logistiques de ce nouveau port, dont les travaux sont aujourd’hui achevés à 20%, seront mises à la disposition de ces pays, a-t-elle souligné. «Il va servir également en termes de massification de flux pour augmenter la compétitivité portuaire de l’Afrique et du Maroc en particulier», a-t-elle ajouté.

Par Lahcen Oudoud
Le 26/07/2024 à 16h02